Ces dernières années, on a pu constater un certain attrait pour les Origins Story à Hollywood. Une frénésie qui va parfois tellement loin que certains se sentent obligés de raconter les origines de personnages qui n’en ont pas besoin et ne sont certainement pas attendus par le public. C’est le cas avec le prequel des aventures de Peter Pan : malgré l’équipe talentueuse qui a travaillé dessus, Pan n’a finalement pas convaincu le Box-office.
Un échec commercial assez retentissant car la critique spécialisée, surtout aux Etats-Unis l’avait froidement accueilli. Ce projet est au final une mauvaise idée de la part du studio qui a investi beaucoup trop d’argent dans une histoire au principe aussi dérisoire, car, au final, rares sont ceux à s’intéresser vraiment aux débuts de Peter Pan. Malgré tout, le film ne sera pas totalement inintéressant sur le plan artistique, rejoignant le rang des longs-métrages mal-aimés sans véritablement de raisons. Reçu avec un peu plus de clémence en France par la critique, Pan est une oeuvre qui sait prendre des risques et qui, par moment, sait même se montrer admirable.
Smells Like Teen Spirit
Le film ne brille pas par son scénario cependant, bien trop classique pour laisser un souvenir intarissable. La caractérisation des personnages est extrêmement stéréotypée, faisant du méchant un dandy excentrique proche du ridicule, avec des indiens braves et courageux qui maîtrisent les arts martiaux ainsi qu’une réinterprétation à la cool du personnage de Hook – qui devient ici un anti-héros à mi-chemin entre Han Solo et Indiana Jones. Cette simplicité dans les personnages tend à rendre l’ensemble caricatural et parfois même agaçant car on veut absolument nous montrer des protagonistes iconiques et attachants mais, par manque de mesure, ils n’en deviennent que des coquilles vides qui n’existent qu’à travers l’oeuvre de J. M . Barrie (auteur des aventures originelles de Peter Pan), sans pour autant en respecter son essence. Au final, sur le plan scénaristique, on se retrouve face à une succession appuyée de clins d’œil à l’univers de Barrie et de ressorts habituels des gros blockbusters de notre époque.
Ainsi, on a le droit à l’habituelle histoire de l’élu avec un héros qui traverse les mêmes doutes que dans ce genre de récit. On nous sert le personnage qui vient sauver la situation au dernier moment de manière lourde et prévisible, la romance inconsistante, etc. Tout y passe, nous donnant l’impression d’être devant un film que l’on a déjà vu. L’ensemble ne se montre cependant pas déplaisant mais manque cruellement de surprises et d’audace sur ce point. Cela dit, le scénario sera aussi en mesure de proposer de bonnes choses, surprenantes par leurs noirceurs et leurs profondeurs mais il n’ira jamais au bout de ses idées. Ces élans de noirceur sont proposés par le personnage de Blackbeard (le méchant du film) qui, malgré son aspect too much un peu ridicule, arrive lors de quelques scènes à offrir une psychologie et une réflexion beaucoup plus creusées et pertinentes, touchant du doigt par moment le cœur même de ce que faisait transparaître Barrie dans son récit. Néanmoins, il est dommage que le long métrage préfère l’infantilisation au profit d’un blockbuster familial alors qu’ici une approche beaucoup plus noire aurait été indéniablement plus stimulante. Le réalisateur va même jusqu’à oublier d’injecter un peu de cette noirceur lors d’un prologue sans imagination et pathétique dans un orphelinat, qui est la seule vraie erreur impardonnable de l’oeuvre.
Le casting est ici très prestigieux mais pas nécessairement toujours convaincant. Levi Miller, qui signe son premier rôle arrive à en imposer avec facilité car, même s’il manque quelque peu de charisme, il compense par la justesse de son jeu et de son intensité. Rooney Mara se montre elle aussi impeccable, offrant une interprétation mineure par rapport à ce à quoi elle nous habitue généralement. Grâce à son charisme naturel et sa prestance, elle crève toujours autant l’écran. Pour ce qui est des interprétations de Garrett Hedlund et Hugh Jackman, les choses ne seront pas si simples. Les deux acteurs sont très talentueux, ils l’ont déjà prouvé à maintes reprises mais, ici, ils versent dans un cabotinage qui pourrait vite agacer. En réponse, i y a deux écoles : les spectateurs qui adhèrent à l’excentricité de l’ensemble et apprécieront leurs rôles cabotins, et les autres spectateurs plus terre à terre et qui ne se laisseront pas prendre au jeu. Néanmoins, Hugh Jackman fait preuve par moment d’une intensité assez admirable et d’une belle retenue notamment dans un face-à-face avec Levi Miller.
La réalisation technique est ébouriffante tout en étant la plus grosse réussite du film et devrait mettre tout le monde d’accord. On sent que le budget a été utilisé avec intelligence, les effets spéciaux sont prodigieux, vivants et très colorés. On est vraiment face à un émerveillement visuel audacieux et inventif qui offre de magnifiques visions, probablement parmi les plus belles que l’on ait vues dans un blockbuster cette année. On se retrouve même assez proche de ce que l’on a pu voir dans Mad Max Fury Road, étant aussi face à une oeuvre qui n’a pas peur du grandiose et de la démesure avec un amour partagé des couleurs qui explosent littéralement. La mise en scène de Joe Wright se montre aussi très habile et maîtrisée, offrant des scènes d’actions lisibles et picturalement ambitieuses notamment lors du climax homérique. D’ailleurs, l’ensemble se fait très théâtral et grandiloquent par moment ce qui peut perturber, notamment dans les premières scènes à Neverland qui semblent proches du ridicule surtout quand le méchant du film reprend du Nirvana. On assiste aussi quelques flashbacks visuellement inventifs et des panoramas somptueux où il est parfois difficile de discerner les fonds verts à l’exception de quelques gros plans sur les personnages, cassant un peu la magie de l’ensemble. Dommage aussi que la musique de John Powell ne soit pas plus inspirée et qu’elle tende à devenir pompeuse sur le final.
Pan est un film plutôt appréciable malgré ses gros défauts car il arrive vraiment à offrir un spectacle visuel grandiose et innovant qui parlera à l’enfant qui sommeille en vous. Il est juste dommage que cette prouesse visuelle se face au sein d’un récit classique et sans imagination qui, dans certaines de ses extrémités tend au ridicule. Mais Joe Wright va jusqu’au bout de ses idées parfois même les plus farfelues au point d’offrir un film étrange et bancal mais qui s’assume jusqu’au bout. On est face à un délire d’enfant attachant et ambitieux qui même s’il ne convainc pas pleinement, divertit et se montre assez sympathique. Surtout qu’en terme de film-live qui s’adresse à toute la famille et plus précisément aux enfants, cela faisait très longtemps que l’on avait pas vu aussi stimulant et abouti, ce qui se montre donc précieux.
Synopsis : Peter est un orphelin qui se fait enlever avec ses amis, au Pays Imaginaire. Mais la vie n’y est pas aussi féerique qu’elle semble le promettre. Là-bas, il devra attendrir des pirates au cœur dur pour sauver les enfants perdus et devenir un héros légendaire.
Fiche Technique : Pan
Etats-Unis – 2015
Réalisation : Joe Wright
Scénario : Jason Fuchs, d’après l’œuvre de J. M. Barrie
Interprétation : Levi Miller (Peter Pan), Hugh Jackman(Blackbeard), Rooney Mara (Tiger Lily), Garrett Hedlund (James Hook), Amanda Seyfried (Mary)…
Décors : Mark Scruton
Costumes : Jacqueline Durran
Montage : Paul Tothill
Musique : John Powell
Photographie : Seamus McGarvey
Production : Greg Berlanti, Sarah Schechter et Paul Webster
Société de production : Berlanti Productions
Société de distribution : Warner Bros.