Thriller médical au scénario intelligent, Effets secondaires de Steven Soderberghpart d’un bon sujet, très actuel : le traitement de la dépression et les effets secondaires des médicaments.
Il évoque aussi le conflit inhérent des labos pharmaceutiques entre la volonté mercantile de faire fructifier leurs molécules coûte que coûte, et celle de soigner. La première partie est une merveille de suspense, à la tension psychologique permanente : fascinante et inquiétante à la fois, elle plonge le spectateur dans un monde où tout est magouille et pots de vin. Elle a aussi l’ambition de poser une question essentielle : jusqu’où la responsabilité du psychiatre est-elle impliquée lors de la prescription d’un anxiolytique?
Du « brouillard empoisonné » au jeu de masques hitchcockien ! Jon Banks est un psychiatre ambitieux. une jeune femme, Emilie, le consulte pour dépression. Il lui prescrit un anxiolytique dernier cri. Ses réactions deviennent brusques, inquiétantes, jusqu’au meurtre sanglant de son mari. La réputation du docteur Banks est alors compromise. Va-t-il échapper à la culpabilité ?…Soderbergh signe un thriller psychologique évocateur de l’âge d’or du film noir, qui ne devrait pas décevoir les fans d’Hitchcock, car il impose un retour aux fondamentaux du cinéma : un scénario en béton, un casting somptueux, une réalisation sobre, et une mise en scène froide totalement acquise à la narration, évoquant souvent le grand De Palma. Soderbergh rappelle tout d’abord que la désorientation, ce « brouillard empoisonné », est avant tout un art, avant de faire volte-face et d’imposer en seconde partie un jeu de marionnettes hitchcockien. La bande annonce a d’ailleurs le mérite de ne pas déflorer l’intrigue.
Ainsi, le suspense pharmaco policier nous tient en haleine jusqu’à son dénouement vengeur grâce à la fantastique brochette d’acteurs fidèles, castés et dirigés avec brio : le charismatique Jude Law, à travers un personnage opaque et agité, toujours porté par un instinct de survie, démontre que l’acteur se bonifie, se complexifie clairement avec les années ; Rooney Mara époustouflante de bout en bout, impressionnante de vérité, impose à travers un physique gracile et un regard intriguant, une palette de jeu remarquable et de plus en plus complexe. C’est elle l’épicentre ambivalent de l’histoire et elle ne dévisse pas. Catherine Zeta-Jones est également crédible en psychiatre perverse et hautaine…
Le seul reproche que l’on peut faire au réalisateur est peut-être une ambition démesurée, celle de faire deux films en un. Le cinéma de Soderbergh est pluriel, sa carrière et ses réussites sont elles aussi fluctuantes. Le film n’a d’ailleurs pas eu un grand succès aux États-Unis en partie à cause de son réalisme. Ainsi, la première grosse demi-heure résolument intellectuelle semble limpide, ancrée dans le thème de la dépression et du drame lié à l’industrie pharmaceutique. Elle apparaîtra trop lente pour certains. Mais comment décrire un tel phénomène de société d’un point de vue sensationnaliste ?
Puis Sodebergh nous surprend à mi-chemin en transformant son récit en un thriller psychologique. D’autres, reprocheront une embrouille alambiquée, un jeu inutile du chat et de la souris, avec fausse victime, faux médicaments, personnages manipulateurs ou scène pseudo-saphique… Certes, la fin est un peu trop rapide. Il n’en demeure pas moins que Effets secondaires se révèle une étude glaciale de la nature humaine, un thriller psychologique bien construit, remarquablement maîtrisé, et magnifié par une mise en scène élégante : un pur moment de cinéma. Espérons que Soderbergh n’ait pas réellement décidé de mettre fin à sa carrière. Car lui aussi, se bonifie avec le temps.
Le premier plan est d’ailleurs une caméra qui s’avance vers la fenêtre d’un immeuble d’une grande ville, comme dans Psychose.
Rooney Mara, révélée dans The Social Network, s’est également distinguée pour son rôle de Lisbeth Salander dans le Millénium de David Fincher. Après son interprétation remarquable dans Effets secondaires, il faut désormais suivre cette actrice de près.