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« La Ballade d’Hugo » à travers l’art et le XXe siècle

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Glénat publient La Ballade d’Hugo, de Bepi Vigna et Mauro de Luca. Biographie d’un monstre sacré du neuvième art augmentée de documents passionnants, l’album bénéficie des dessins à l’aquarelle et des couleurs douces de Mauro de Luca.

En 1939, Addis-Abeba n’est autre qu’un énième bastion fasciste. Conformément aux appétits coloniaux des puissances européennes, Benito Mussolini a prévu de faire venir pas moins de 60 000 Italiens en Afrique orientale, si l’on en croit les films de propagande projetés sur grand écran. La rhétorique est convenue, presque empruntée : construction de routes, de chemins de fer, de ports… Le futur maître vénitien du neuvième art Hugo Pratt débarque en Afrique à la suite de la mise en place de son père au contrôle de la frontière abyssinienne. Déjà, on comprend que sa jeunesse entre en résonance avec l’histoire mouvementée du XXe siècle. Mais aussi qu’elle comprend des périodes de gravité comme de légèreté. Les premières incluent le contact étroit avec la guerre, les assertions de son père (« Tu dois être fier d’appartenir à la police coloniale. Tu ne peux plus aller à l’école… C’est la guerre, et tu es le plus jeune soldat de Mussolini »), son embrigadement dans la police maritime allemande ou ses séjours en prison. Les secondes passent par les flirts, la lecture des illustrés et l’attrait pour l’art plus généralement, qui lui vaudra plus tard un départ vers l’Argentine.

Dessiné avec passion et sensibilité, La Ballade d’Hugo caractérise avec poésie le parcours d’un jeune homme qui « veut vivre comme dans les romans et les films ». L’album témoigne aussi de la période qui succède directement à la Seconde guerre mondiale, où la reconstruction et la paix s’accompagnent d’un désir de renouveau, qui se cristallise dans les fantasmes dont l’Amérique est porteuse – le jazz, les métropoles, le mouvement… « Après ces années de guerre, les gens recouvraient l’envie de rêver… » Elliptique et assez chiche en ce qui concerne son caractère biographique, cette bande dessinée n’en demeure pas moins réussie : elle parvient à inscrire une figure respectée du neuvième art dans son époque, tout en énonçant la soif de liberté qui animait alors une bonne partie de la jeunesse occidentale et dont il constitue une forme d’incarnation. Elle se complète par ailleurs de trois dossiers assez substantiels, se penchant sur la naissance de Corto Maltese, la publication de Sgt. Kirk (« la revue devint instantanément une sorte de catalyseur pour les personnalités peuplant le monde du graphisme et de la communication ») et la création de la société Uragano Comics. Augmenté de photographies, de couvertures de revue et d’illustrations originales, La Ballade d’Hugo tient lieu de bel hommage à un auteur de bandes dessinées notamment passé par Les Humanoïdes associés, Glénat ou Casterman.

La Ballade d’Hugo, Bepi Vigna et Mauro de Luca
Glénat, février 2022, 128 pages

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3.5
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