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« La France, atlas géographique et géopolitique » : données, cartes et enjeux

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Les éditions Autrement publient La France, atlas géographique et géopolitique, un ouvrage collectif placé sous la direction des enseignantes Stéphanie Beucher et Florence Smits. Les auteurs y mettent en cartes et perspective une France plurielle et en mutation constante.

Stéphanie Beucher et Florence Smits s’entourent d’une constellation de chercheurs et s’appuient sur plus de 150 cartes et documents divers pour analyser la France, ses atouts, ses vulnérabilités, son territoire, son industrie ou encore ses tenants géopolitiques et diplomatiques. La carte d’identité française pourrait sommairement ressembler à ceci : deuxième puissance économique de l’Union européenne, dont elle est l’un des membres fondateurs et principaux contributeurs nets, la France compte quelque 68 millions d’habitants, est caractérisée par une fécondité parmi les plus élevées du vieux continent, un réseau diplomatique dense et des tensions territoriales auxquelles les couvertures industrielles, médicales ou numériques ne sont pas étrangères. Il faut y ajouter que selon l’Insee, la population âgée de 65 ans et plus devrait passer entre 2020 et 2070 de 20 % à 29 %, que d’importantes disparités de peuplement et de revenus apparaissent selon ses régions et que la place de l’Hexagone dans le monde demeure importante.

Ces deux derniers points méritent d’être explicités et cela tombe plutôt bien, puisque l’atlas se montre particulièrement prolixe en la matière. Il est ainsi noté que la Corse, le Languedoc ou l’ancien bassin minier du Nord présentent des revenus largement plus faibles que la moyenne nationale, au contraire de l’Alsace ou le Jura, où beaucoup de résidents travaillent en Allemagne ou en Suisse et peuvent y bénéficier de salaires plus élevés. En élargissant le spectre à l’échelle mondiale, on constate que la France pointe au neuvième rang pour le PIB PPA, qu’elle contribue grandement au budget de l’ONU, l’OTAN ou l’OSCE, avec des participations qui varient de 20 millions d’euros à plus de 100 millions d’euros, que plus de 100 instituts culturels français sont présents aux États-Unis, pour une cinquantaine au Brésil ou en Argentine, sans compter les dizaines installés en Chine, en Australie et sur tout le territoire africain. Le soft power français passe aussi par France 24, l’AFP ou le Louvre Abu Dhabi. La France reste par ailleurs l’un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ; elle dispose de la bombe nucléaire et figure au troisième rang des exportateurs d’armes, derrière les États-Unis et la Russie.

En France, nous disent les auteurs, les personnes immigrées et étrangères sont surreprésentées dans les grands pôles urbains et surtout à Paris, la proximité spatiale ne signifie pas nécessairement la cohésion sociale, près de 50 % des surfaces artificialisées entre 2006 et 2014 l’ont été pour construire des logements individuels et l’importance économique du tourisme s’objective par les 90 millions d’étrangers visitant le pays ou des régions comme l’Occitanie, la Corse ou la PACA dépendant à plus de 7 % des recettes touristiques (58 milliards de dollars en tout en 2019). La France, c’est aussi 85 à 95 % d’urbains, des paysages variés, un phénomène de métropolisation par lequel les villes-territoire deviennent des villes-réseau, un littoral convoité et densément peuplé, accueillant des activités portuaires, de pêche, d’aquaculture ou d’exploitation des énergies marines. La croissance de sa population se fait essentiellement en périphérie des villes, le long des axes de communication ou dans les communes périurbaines bien connectées. Mais des politiques ciblées cherchent aussi à revitaliser les villes moyennes, à travers l’amélioration de l’habitat, la requalification des espaces publics ou une meilleure gestion des commerces.

La France se porte au premier rang des pays de l’Union européenne pour ce qui est de la production agro-alimentaire, et notamment en viande bovine, en céréales et en riz. La culture biologique continue d’y progresser et les appellations d’origine protégée ainsi que les indications géographiques protégées y demeurent nombreuses, la France figurant en la matière à la deuxième place derrière l’Italie. Ses usines ne vont malheureusement pas aussi bien : et les auteurs de rappeler que la France industrielle a perdu 2,4 millions d’emplois entre 1970 et 2019. Les grandes entreprises françaises ont largement délocalisé, Renault n’assurant par exemple plus que 18 % de sa production en France en 2018. Outils de planification territoriale, gestion des eaux, complexification de la gouvernance, promesses non honorées de la démocratie délibérative, les auteurs brassent de nombreux sujets, avant de rappeler que le CCR estime à quelque 41 milliards d’euros le coût des catastrophes naturelles depuis 1982, dont 53 % sont dus aux inondations et 37 % à la sécheresse.

L’énergie et le patrimoine constituent deux autres sujets abondamment déclinés dans cet atlas. L’offre énergétique française est partagée entre les approvisionnements extérieurs et les productions nationales. La part dévolue au pétrole est en nette diminution dans le temps, tandis que celle du nucléaire augmente, ainsi (évidemment) que celle des ENR. Le patrimoine paraît quant à lui relativement bien réparti sur toute la surface du territoire. On dénombre aujourd’hui près de 45 000 monuments protégés et 530 000 sites archéologiques en France, avec des enjeux d’aménagement et de protection sous-jacents. Enfin, on apprend que les deux tiers des communes françaises se trouvent à moins de 20 minutes d’offres de services publics tels que la poste, les hôpitaux ou l’éducation. « Ces évolutions traduisent des changements liés à la dynamique de la mondialisation, processus d’interconnexion mais également de mise en concurrence des territoires, ou encore aux fluctuations de l’intégration européenne », notent les auteurs, qui indiquent par ailleurs que la récente crise sanitaire a mis à la fois en évidence la créativité des Français mais aussi les faiblesses de son appareil productif et sa dépendance accrue envers l’Asie, et plus particulièrement la Chine. Ils en appellent ainsi à repenser la souveraineté industrielle de la France, en collaboration avec ses partenaires européens.

La France, atlas géographique et géopolitique, ouvrage collectif sous la direction de Stéphanie Beucher et Florence Smits
Autrement, septembre 2022, 192 pages

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