Roi du polar, intriguant par sa précision et redoutable dans ses descriptions, voici les termes que l’on peut utiliser pour décrire Maxime Chattam. Amateurs d’enquêtes, du glauque et même de l’horreur (humaine ou surnaturelle), vous avez sûrement déjà croisé la route de cet auteur français, aussi brillant que taré. Si tous ses romans ne se valent pas (notamment Le Signal ou Un(e)secte, deux de ses dernières œuvres), je ne peux que conseiller aux mordus du genre de courir vers la trilogie du mal, véritable référence du genre car réellement exceptionnelle de A à Z. Sinon, et c’est plus elle qui nous intéresse, vous pouvez foncer vers la saga Ludivine Vancker, dont La Constance du prédateur est le quatrième opus. Verdict ?
Synopsis : Ils l’ont surnommé Charon, le passeur des morts. De son mode opératoire, on ignore tout, sauf sa signature, singulière : une tête d’oiseau. Il n’a jamais été arrêté, jamais identifié, malgré le nombre considérable de victimes qu’il a laissé derrière lui. Jusqu’à ce que ces crimes resurgissent du passé, dans les profondeurs d’une mine abandonnée. Plongez avec Ludivine Vancker dans le département des sciences du comportement, les profiler, jusque dans l’âme d’un monstre.
Faut-il avoir lu la trilogie originale pour comprendre cet opus ? Pas vraiment. C’est mieux, bien sûr. Cela permet de mieux comprendre la psychologie de son héroïne principale, et c’est peu dire qu’elle en bave sérieusement. Toutefois, Chattam, bien conscient que cinq ans se sont écoulés depuis L’Appel du néant (contre deux ans entre chaque tome pour les précédents), a parfaitement effectué son travail pour expliquer son univers aux nouveaux venus. Soyez donc rassurés, La Constance du prédateur se lit parfaitement, que vous soyez familiarisés, ou non, avec l’univers de Ludivine.
Si Maxime s’est aussi essayé au surnaturel et à l’horreur, La Constance du prédateur est un polar pur et simple. Bien que, comme souvent avec ce monsieur, l’horreur absolue n’est jamais loin (et c’est ça qu’on aime). Que ce soit à travers le prologue ou dans le ton même du roman, on flirte constamment avec l’atrocité, quand on n’y plonge pas la tête la première. La traque de Charon se révèle passionnante, dans tous les aspects. Comme à son habitude, Chattam est parvenu à créer de toutes pièces un tueur en série crédible et fascinant. Cela n’en a pas l’air, mais créer toute une psychologie aussi complexe d’un être tel que Charon et lui donner vie sur tout un roman est un exercice extrêmement difficile, réussi haut la main. Le monstre est crédible, tout comme l’enquête.
Pour les nouveaux, comment décrire le style de Maxime Chattam ? Le premier mot qui vient à l’esprit est descriptif. Passionné par la criminologie, qu’il a étudiée en même temps que la psychologie criminelle, l’art de la médecine légale et la police technique et scientifique, l’auteur est toujours très complet dans la description de ses univers et surtout, de ses scènes de crime. Certains de ses romans sont même réellement déconseillés aux âmes sensibles, Chattam ne nous privant pas de détails aussi ignobles que malaisants. La Constance du prédateur suit ce modus operandi avec la plus grande efficacité. Les amoureux du dialogue seront donc un poil frustrés par la capacité de l’écrivain à enchainer les pages sans qu’aucun protagoniste ne prononce un mot… sauf pour crier. Les autres dévoreront les longues pages de description, que ce soit celles des scènes de crimes, ou les passages qui accompagnent les victimes dans leur calvaire.
La force du roman, c’est surtout la cohérence du tout. La quantité de détails apportés par l’auteur, qui use ici de tout son savoir dans les domaines policiers, ou dans la psychologie des personnages, est hallucinante. On pourrait presque s’en servir comme cours de criminologie, tant les techniques de profiler déployées sont passionnantes et instructives. On imagine parfaitement chaque scène, de l’apparence des protagonistes jusqu’aux décors. Chattam livre une enquête parfaitement menée, aux twists constants (souvent en fin de chapitre, évidemment) pour nous mener à un final d’une belle intensité. Bien sûr, si on aime autant le monsieur, c’est aussi pour sa capacité à plonger encore plus loin dans l’horreur. Ce roman ne déroge pas à la règle et offre des scènes de crimes et des descriptions vraiment dérangeantes qui pourraient vraiment créer un malaise pour les plus sensibles. On n’est pas sur un niveau tel que La Promesse des ténèbres ou In Tenebris (le préquel et le 2nd opus de la trilogie du mal), mais on s’en rapproche. On attendait une suite à suite aux histoires de Joshua Brolin, on a eu celle de Ludivine… Et bien, on est très heureux!
La Constance du prédateur, Maxime Chattam
Albin Michel, novembre 2022, 448 pages