Dans Débordements, qui paraît en version poche aux éditions Anamosa, Olivier Villepreux, Samy Mouhoubi et Frédéric Bernard dévoilent les dessous sombres du football. Ce sport populaire et hyper-médiatisé, au-delà de sa magie, a été au fil du temps le théâtre de scandales retentissants et de crises parfois profondes. Entre gloire et déchéance, corruption et héroïsme, l’ouvrage explore comment le ballon rond et ses acteurs peuvent refléter les tensions et contradictions de la société moderne.
Souvent célébré en tant que sport roi, le football a connu son lot de dérapages. Dans leur ouvrage Débordements, Olivier Villepreux, Samy Mouhoubi et Frédéric Bernard narrent plusieurs épisodes symptomatiques de cet état de fait, mettant en lumière les scandales et les crises qui ont ébranlé le monde du ballon rond. Ou, plus prosaïquement, ses dimensions sociales et politiques.
Matthias Sindelar, autrichien d’origine, refuse de jouer pour l’équipe nazie après l’Anschluss, un acte résistance courageux face au totalitarisme. À l’opposé, on retrouve des figures comme Alex Villaplane, capitaine de l’équipe de France devenu collaborateur nazi, coupable d’avoir trempé dans de nombreuses affaires délictueuses.
Le livre ne cesse en fait de mettre en exergue le rôle du football comme miroir des maux de la société, du nationalisme exacerbé aux dérives de la mondialisation. Il explore par exemple les impacts politiques du football, comme le montre l’équipe du FLN algérien dans les années 1950 et 1960, qui a utilisé le sport comme un outil de revendication pour l’indépendance.
Les scandales de corruption, bien que fréquemment exposés, ont rarement conduit à des réformes significatives du football, dont la gouvernance fait l’objet de critiques régulières. Il existe d’ailleurs une porosité manifeste avec le monde géopolitique, comme en témoigne notamment le match Argentine-Pérou lors de la Coupe du Monde 1978, qui s’est soldé par un 6-0… en échange, probablement, de services politiques. Les libéralités de la FIFA avec la fédération nord-coréenne de football laissent également songeur.
Les destins individuels tels que celui d’Eduard Streltsov, victime de la répression soviétique, ou de Nasser Hejazi, opposant au régime iranien, montrent que les joueurs ne sont pas uniquement des athlètes, mais souvent des acteurs de la géopolitique mondiale. Leurs performances contribuent au soft power d’un pays, et ils ont en retour la possibilité de sensibiliser l’opinion publique. Nasser Hejazi était devenu un symbole de la résistance contre le régime théocratique iranien.
Construit autour de courts récits, Débordements raconte les à-côtés du football et invite à une réflexion sur le rôle de ce sport au-delà du pré. Il suggère que derrière les matchs se cachent parfois des enjeux bien plus importants. Il peut aussi être question d’élévation sociale (avec Paul Pogba), de failles psychologiques (avec Breno) ou de maltraitance (avec Okpara). Le milieu ne ressemble à aucun autre, sa popularité et l’argent qu’il génère tendent à tout amplifier, et cela apparaît clairement à la lecture de cet essai.
Essentiel pour les passionnés de football, Débordements l’est tout autant pour quiconque s’intéresse aux interactions complexes entre sport, société et politique. Il offre une perspective originale qui permet de mieux comprendre les enjeux « secondaires » qui se cachent derrière les exploits sportifs et les compétitions internationales.
Débordements, Olivier Villepreux, Samy Mouhoubi et Frédéric Bernard
Anamosa, mai 2024, 288 pages