Retour sur La Ruée des Vikings de Mario Bava à (re)découvrir dans une édition Blu-ray française soignée par Le Chat qui fume.
Synopsis : en l’an 786, alors que les Vikings envahissent l’Angleterre, le roi Harald souhaite pactiser avec les Saxons. Mais il est trahi par le baron anglais Rutford, qui convoite le trône d’Angleterre détenu par le roi Lothar et son épouse Alice. Harald est lâchement assassiné, laissant sur les lieux de la bataille ses deux jeunes fils. L’aîné, Iron, est secouru par les Vikings qui le ramènent en Norvège. Le cadet, Erik, est quant à lui recueilli par la reine Alice, qui l’adopte dans le plus grand secret. Vingt ans plus tard, les deux frères sont devenus des hommes entraînés au combat, et le destin ne tarde pas à les réunir… en tant qu’adversaires.
De Fleischer à Bava
Le Chat qui fume vous invite à (re)découvrir La Ruée des Vikings (Gli Invasori selon son titre original italien ; Erik the Conqueror en anglais), l’épopée de Mario Bava marchant directement dans les pas légendaires des Vikings de Richard Fleischer. Il ne s’agit pas ici de déterminer lequel serait meilleur que l’autre. Une telle réflexion serait d’ailleurs futile tant elle desservirait ces deux grands objets filmiques.
Si le projet de La Ruée des Vikings fut en effet lancé suite au succès du film de 1958 produit et interprété par le grand Kirk Douglas, accompagné par les formidables Tony Curtis, Janet Leigh et Ernest Borgnine, il n’en reste pas moins vrai qu’un pur film d’exploitation peut tirer son épingle du jeu avec la bonne équipe. Et c’est justement le cas de La Ruée des Vikings qui, grâce au savoir-faire de Mario Bava entouré d’artisans tout aussi géniaux (entre autres : Roberto Nicolosi à la musique ; Cameron Mitchell et Giorgio « George » Ardisson au casting – qu’on retrouve par ailleurs dans d’autres œuvres du cinéaste), réussit non pas à suivre ou dépasser la voie du modèle, mais, mieux que cela, à élaborer sa vision des récits mythologiques de Ragnar Lodbrok et de ses fils devenus frères ennemis. Autant le dire directement, il s’agit peu ou prou de la même structure narrative que dans Les Vikings de Fleischer.
Mais là où le premier, produit de façon indépendante (rappelons-le), proposait un véritable récit campbellien – pré-Star Wars – dont la puissance allégorique débordait de puissance mythologique et émotionnelle à chaque plan et chaque scène, Bava réussit à tirer de son remake non assumé et au budget moins conséquent un superbe film d’aventures où le réalisme est évacué pour proposer un conte coloré, grave et parfois étrange sur l’acharnement du hasard sur l’amour qui tend à rassembler les protagonistes. On pense bien évidemment aux deux frères ennemis, mais aussi à l’amour interdit et finalement impossible entre Iron et une prêtresse, ainsi qu’à la relation tout aussi dangereuse mais au final plus heureuse entre Erik et la deuxième prêtresse (jumelle de la première). Quand la fraternité mortellement impossible du film de Fleischer broyait magnifiquement nos cœurs, le caractère douloureusement romantique du métrage de Bava parvient à aller au bout de ses enjeux pour nous laisser une émotion ambivalente entre amertume et étrange sérénité macabre face à la résolution du film.
Extrait – La Ruée des Vikings (Gli Invasori) – Ouverture avec la superbe composition de Roberto Nicolosi
La Ruée des Vikings en Blu-ray
L’épopée de Bava débarque en France en Blu-ray chez Le Chat qui fume qui, après l’édition anglo-américaine d’Arrow en 2017, édite le film d’après la même restauration 2K du négatif original gérée par le laboratoire L’Immagine Ritrovata (loin de faire l’unanimité chez les cinéphiles comme chez les éditeurs, et cela malgré des explications qui restent discutables/à nuancer). Toutefois, La Ruée des Vikings séduit ici autant visuellement que phoniquement.
Même si on pourrait regretter un étrange virage colorimétrique tantôt jaunâtre, tantôt verdâtre sur les noirs/gris obscurs à plusieurs reprises ainsi que quelques plans manquant de contraste, La Ruée des Vikings est à (re)découvrir avec une imagerie atteignant le sublime (voir la scène de danse en Norvège). Le grain est préservé et correctement géré (jamais gênant, donc), et la précision et la stabilité sont au rendez-vous. Pour ceux qui pourraient craindre le travail de restauration colorimétrique, il vous suffit de revenir à l’édition DVD pour remarquer que l’étalonnage n’a pas été trahi et que, hormis les soucis notés plus haut, les couleurs sont retranscrites avec plus de précision tout en valorisant le chatoiement colorimétrique propre au cinéma de Mario Bava.
Différence notable avec l’édition d’Arrow, le plan final du long métrage n’est pas visible dans la présentation du long métrage par l’éditeur britannique et se trouve présenté en bonus dans une qualité VHS médiocre, à l’inverse de l’éditeur français qui a réussi à l’obtenir – avec l’insert italien final – dans un rendu formidable ici intégré dans le film, permettant ainsi de voir La Ruée des Vikings dans sa version intégrale.
Du côté du son, la piste originale italienne est à privilégier si vous cherchez un rendu des plus clairs. Toutefois, on ne boudera pas son plaisir avec la VF au rendu sonore bien plus riche que ce qui peut être trouvé dans d’autres éditions vidéo de films bien plus récents (La Fiancée de Chucky, coucou ESC). Si l’on retrouve certes un aspect relativement étouffé sur la bande-son musicale ainsi que sur les effets, l’ensemble reste assez dynamique et homogène avec un doublage vif mais ne semblant jamais détaché du reste du spectre sonore.
Du côté des compléments, Le Chat qui fume vous fournit la bande-annonce originale de la version américaine nommée Erik the Conqueror (un titre plutôt sexy) ainsi qu’un entretien d’une durée de 15 minutes avec Loris Loddi (visible dans Le Grand Silence de Corbucci, ou plus récemment dans L’Enquête (The International) de Tom Tykwer) qui fut l’interprète d’Erik dans son enfance. L’acteur se souvient de l’expérience spectaculaire et ludique que fut la scène d’introduction guerrière avec les nombreux figurants, costumes, combats, cascades, galères et chevaux. Mais aussi de la difficile scène où le jeune Erik peine à rester à la surface de l’eau tandis que le massacre a lieu et qu’il perd de vue son frère et ce qu’il pense être l’unique chance d’en réchapper. En effet, l’acteur ne savait pas nager et la panique de Loris permit à Erik d’être crédible en tant qu’enfant terrorisé dans la bataille. Il revient aussi avec émotion sur sa relation avec Bava et surtout avec l’acteur Giorgio (George) Ardisson qui fut pour lui comme un mentor, un frère, un ami et une figure paternelle. Enfin, il met en avant le génie indescriptible de Mario Bava, qui lui semble perdu même si des aspects se retrouvent chez son fils Lamberto.
On peut être un peu frustré du manque de bonus dans l’édition du Chat qui fume. En effet, on note que l’éditeur indépendant britannique Arrow présentait sur son édition, en plus du plan final précité, un commentaire audio exclusif de Tim Lucas, spécialiste du cinéma de Bava ; un document vidéo nommé Gli imitatori comparant, le temps d’une douzaine de minutes, ce film à son long métrage « source », Les Vikings de Richard Fleischer ; ainsi qu’une interview audio de l’acteur Cameron Mitchell (l’interprète d’Iron) par Tim Lucas, longue d’une bonne heure.
Malgré cela, force est de constater que l’éditeur français propose ici une édition soignée (et intégrale) de La Ruée des Vikings qui, on l’espère, saura alpaguer autant les fans du cinéaste que les plus curieux d’entre vous.
Bande-annonce – La Ruée des Vikings (Gli Invasori)
LA RUÉE DES VIKINGS – CARACTÉRISTIQUES du Blu-ray
BD25 – 1080p HD – Encodage AVC – Format 2.35 – Version intégrale – Langues : Français & Italien DTS-HD MA 2.0 – Sous-titres français – France/Italie – 1961 – Durée : 1h30
COMPLÉMENTS
LE PETIT PRINCE, entretien avec l’acteur Loris Loddi (15mn)
FILM ANNONCE
Sortie le 31 avril 2021 – prix public indicatif : 25€