Le 4 décembre est sorti dans un coffret Blu-ray soigné par les éditions Rimini et ESC Distribution le formidable Les Vikings. Réalisé par le grand mais encore trop méconnu Richard Fleischer, Les Vikings nous plonge dans un conte nordique qui croise le fer, éveille les dieux, et passionne ses héros barbares.
Synopsis : Au Xème siècle, les Vikings sèment la terreur sur les côtes d’Angleterre. Ragnar, le chef viking, tue le roi et viole la reine. Cette dernière donne naissance à Eric qui sera capturé par les Vikings et élevé comme esclave. Devenu adulte, il affronte Einar, le fils de Ragnar, et le défigure en lançant contre lui son faucon. Quelques temps plus tard, Morgana, la future reine d’Angleterre, est enlevée par Einar qui cherche à la séduire, mais elle tombe amoureuse d’Eric.
Il était une fois… C’est comme ça que tous les films devraient commencer.
– Kirk Douglas dans l’interview déterrée par Rimini pour son édition des Vikings –
L’acteur et producteur Kirk Douglas savait pertinemment ce qu’il tournait.Un film historique certes, mais surtout une fable, un conte. Le grand monsieur voulait arrêter de tourner dans des films graves pour s’ouvrir à des périples plus enchanteurs autant pour lui que pour le spectateur. Un « rêve de gosse » qu’il voulait partager avec toute la famille. Douglas produit le film avec sa propre société Bryna Productions. Il embauche Richard Fleischer, réalisateur du Voyage Fantastique, de Soleil Vert, des Flics ne dorment pas la nuit, ou encore de la grandiose adaptation du fameux roman de Jules Vernes pour Disney, 20 000 lieux sous les mers. Justement, les deux hommes se sont rencontrés sur le tournage de ce dernier dans lequel le personnage de Douglas devait tenir tête à un Némo impérial incarné par James Mason. L’acteur-producteur emmène une équipe euro-américaine dans les paysages du nord. Un minimum de studio pour permettre au rêve de gosse de s’épanouir grandeur nature. En ressort un miracle de cinéma qui nous happe pour expérimenter un récit merveilleux où combats à l’épée croisent un héros prophétique et amoureux, ainsi qu’un background historique passionné par une équipe qui ne demandait qu’à donner le meilleur à leur spectateur.
Dans la culture populaire, les vikings évoquent la barbarie, la violence et le sang versé au service des dieux du nord dirigés par Odin. Le film va nuancer tous ces propos dès son générique qui explique visuellement et en voix off que le viking veut mourir l’épée à la main afin de pouvoir rejoindre Odin au Valhalla. Le code d’honneur est alors posé et aura son importance tout au long du film. Le long métrage nous les présente d’abord barbares, assassins et violeurs dans un combat à mort contre le Roi d’Angleterre. L’union forcée entre la reine et Ragnar, chef des Vikings, a cependant été féconde. Alors que le roi assassiné est remplacé par un noble arrogant et vain, la reine s’assure que son fils survivra et lui lie un petit objet qui permettra à ceux qui survivront au règne de terreur de l’imbécile royal de reconnaître cet héritier « légitime » selon la reine. En effet, elle aime son enfant comme s’il était de son défunt mari, et elle reste malgré tout souveraine d’Angleterre. Après le lancement du récit du « retour du roi » (qui sera mystifié avec la guide spirituelle du village viking), et l’assombrissement du visage de l’Angleterre avec le nouveau roi, les vikings nous apparaissent majestueux, naviguant dans leur formidable drakkar. La musique composée par Mario Nascimbene vient amplifier la grâce des images de Fleischer : les vikings ne sont plus juste des barbares habités par un appétit sanglant, mais des figures mystérieuses, grandioses et dont le caractère inarrêtable est marqué par la marche orchestrée par le compositeur. Ces mêmes vikings sont aussi des amuseurs, qui jouent tantôt dangereusement avec des hachettes, tantôt tels des enfants prêts à sauter sur des rames et éviter de prendre l’eau. Les vikings ne sont pas juste les légendaires sauvages peints ici et là dans nos esprits d’enfants. Ragnar tiendra à ce que leur allié anglais comprenne qu’ils sont aussi des « êtres civilisés ».
Justement, la communauté viking n’échappe pas aux motifs de la famille et de l’union « maritale » et/ou physique entre deux êtres. Deux motifs ici détournés par le récit de Fleischer : Ragnar aime aveuglement son fils et espère qu’il lui succédera après une mort honorable ; Einar pense bêtement que Morgana est fou amoureuse de lui et sera sa reine, alors qu’il a envoyé son père à une mort certaine en poussant la traque de Morgana jusque dans le brouillard maritime, en pleine nuit. Il considère toutefois Eric comme seul responsable de la disparition de son père. Enfin Ragnar explique que la mère d’Einar lui a résisté jusqu’aux ongles, on imagine bien une union forcée comme celle avec la reine. Idem du côté des anglais : une jeune femme, Morgana, est promise au roi avec pour seule et « grande mission » celle de lui donner un héritier. Quant à la reine, elle doit garder cachée la naissance de son fils et l’envoie alors chez les moines en Italie afin de le protéger du nouveau souverain. Tous ces problèmes vont être résolus grâce à Eric, modèle parfaitement écrit du « fils de deux mondes ». Son parcours est tracé par les dieux nous explique la guide spirituelle, et quiconque le tuera souffrira de la colère d’Odin. Le jeune héros incarné avec bestialité par Tony Curtis accomplit son destin : l’Angleterre retrouve la paix, Ragnar meurt dignement avec panache, si Morgana ne le déteste, Einar prendre alors sa haine, prêt à l’avoir à tout prix. Il en perdra d’ailleurs sa vie. L’amour de d’Eric l’esclave, et Morgana est sincère et non forcé par l’un ou l’autre. Et le fils exilé reviendra en Angleterre en tant que viking, combattant la bêtise royale pour sauver son amour. Aussi l’imagine-t-on prendre le contrôle du pays auprès de Morgana après avoir donné à Einar une mort et une cérémonie funèbre de héros viking. Car Einar est mort l’épée à la main et plus que ça. Prévenu par Morgana qu’Eric était son frère, Einar a finalement douté au moment de lui asséner le coup mortel. Pourquoi, questionne Eric après la confrontation terminée ? On image qu’il a trouvé la réponse alors qu’Einar a droit à une cérémonie funèbre viking magistrale. Einar était têtu et déterminé, mais il ne l’était pas au point d’être aveuglé par la réalité des sentiments et du sang lorsqu’il leva l’épée contre son propre frère dont l’image bestiale est un miroir rajeunissant de celle du père…
Combats à l’épée frissonnants dans des décors exotiques, forces institutionnelles obscures à vaincre pour obtenir le grand et vrai amour, lutte fraternelle inconsciente terminées dans la paix, prophétie du retour de l’enfant roi et fils de deux mondes, héros qui ignore tout de son père et plongé dans une guerre entre un monde institutionnel et une civilisation en rébellion avec celui-ci. Héros guidé par un religieux et des signes mystiques au court de voyages loin de la contrée à laquelle il était fermement rattaché (car esclave)… Les Vikings, adapté d’une légende historique nordique, est près de vingt-neuf ans avant Star Wars, une expérience cinématographique campbellienne. Un récit filmique qui, grâce à la remasterisation minutieuse de Rimini Films, confirme son caractère éternel.
À ce propos, le master proposé par Rimini porte bien les marques de l’éditeur, soit le parti-pris de présenter le film avec le grain d’origine de la copie travaillée. Malgré un manque de piqué, quelques plans abimés, et – dixit le critique Guillaume Méral – une colorimétrie manquant parfois de nuances, on peut applaudir le travail de la société, quand bien même on pourra espérer une meilleure copie du film – un master définitif – dans les années à venir. Si tant est que cela est possible. En effet, peut-être l’éditeur a-t-il obtenu la meilleure copie du film. On vous conseille d’ailleurs de lire l’article sur DVD.fr revenant sur la conception de l’édition des Vikings de A à Z.
Quand aux bonus, eux aussi sont bel et bien signés Rimini qui, comme d’habitude, ont entouré leur métrage de compléments maisons (une intéressante rencontre avec Richard Fleischer menée en 1996 par Christophe Champclaux et Linda Tahir, les maîtres d’armes des accompagnements des éditions Rimini) et de trouvailles inédites (une formidable interview de Kirk Douglas à l’occasion de la sortie des Vikings). L’édition est complétée par la sempiternelle présence du DVD ainsi que par un ouvrage complet et rigoureux sur Richard Fleischer. Ce dernier ravira les fans et les curieux, le cinéaste n’avait pas eu d’ouvrage consacré en France depuis des décennies. Ainsi Rimini / ESC proposent un retour des Vikings à ne pas manquer, soit une édition qui illuminera vos sapins de Noël.
Bande-annonce du film (chez les éditions britanniques Eureka!)
Les Vikings– Caractéristiques techniques
COFFRET COMBO DVD + Blu-ray
1 DVD + 1 BLU-RAY + 1 LIVRE (160 PAGES)
Durée : 1h56
Date de sortie : 04/12/2018
Année de production : 1958
Format d’image : 2.35
Audio : DTS HD Master Audio Français 2.0 mono & Anglais 2.0
BONUS : Une histoire de Norvège (26 mn) ; Interview de Kirk Douglas (6mn) ; Richard Fleischer raconte les Vikings (28 mn) ; Interview audio de Bruce et Mark Fleischer, fils du réalisateur ; Film annonce ; Livre de 160 pages consacré à Richard Fleischer
Prix : 29,99 €