Le formidable thriller de John Brahm, Hangover Square, débarque en Blu-ray. A l’occasion de son édition haute définition chez Rimini, retour sur le drame tragique et mortifère de John Brahm magnifié par la bande-son originale de Bernard Herrmann.
Synopsis : Londres, 1899. George Bone, pianiste et compositeur classique rénommé et surmené par l’écriture d’un concerto, est victime de fréquentes crises de pertes de mémoire qui sont provoquées par le stress et lorsqu’il entend des sons discordants. L’artiste estimé reprend conscience après l’une de ses crises et retrouve un poignard dans sa poche. Il apprend aussi qu’un homme a été assassiné. Bone serait-il un meurtrier lors de ses « sorties » ? Il demande de l’aide au spécialiste Allan Middleton qui lui dit de ne pas s’inquiéter et de réduire son temps de travail. Ces crises vont-elles pour autant s’arrêter ? Cependant, George se retrouve rapidement à nouveau surmené par les commandes musicales d’une jeune chanteuse charmeuse et opportuniste et le partage de ses nombreux efforts entre le travail du concerto et celui des revues musicales.
Hangover Square, histoire d’un homme fatigué
Le film de John Brahm utilise les codes du film noir pour faire le portrait d’un personnage torturé par les efforts. Car George Bone doit en distribuer de nombreux. On lui répète de se concentrer sur son concerto afin de rapidement le terminer. Puis on lui dit de s’amuser, de se reposer. Une rencontre qu’il pense être merveilleuse l’amène finalement à se fatiguer à d’autres tâches d’écriture musicales. L’excès de travail se fait ainsi ressentir avec le retour de la fatigue. Usure et frustrations (liées à des déceptions ainsi qu’au ras-le-bol des demandes permanentes d’invention musicale) se mêlent et plongent le compositeur dans une torpeur sordide. Le bonhomme à la bonté trop facile entre dans une phase où son inconscient prend les commandes. Au menu : un déchainement de violence contre ceux qui l’ont trahi, harcelé, maltraité. Et pourtant, il ne tue pas l’une de ses victimes, fille de l’estimé chef d’orchestre qui veut diriger son concerto devant un public de very important persons. Elle est aussi son amie. Aussi, même si sa demande de se reconcentrer sur le concerto plutôt que de vaquer à de l’écriture de mélodies populaires paraît quelque peu opportuniste et surtout hautaine, le conseil de la lady est surtout amical. Elle veut voir son ami George Bone consacré. L’homme, qui a tout pour être un grand compositeur, épargnera ainsi la dame. On suppose même qu’elle sait que c’est bien lui qui a tenté de l’assassiner, mais qu’elle ne dit rien pour protéger l’avenir du prodige.
Hélas, tout va de mal en pis du côté obscur de George tandis que le concerto bien terminé doit être joué dans un petit moment. Poursuivi par la police qui ne veut pas le condamner à mort mais au contraire, l’enfermer pour protéger le gus et autrui, et bien sûr tenter de le soigner, George réussit à jouer son concerto avec le chef d’orchestre et les autres musiciens l’accompagnant. En pleine interprétation, le compositeur est terrassé par les souvenirs des meurtres commis lors de ses phases d’inconscience. Il fait ainsi face à la terrible réalité. S’il a eu peur par le passé d’être un criminel malgré lui, le doute avait pu être écarté par un spécialiste puis par l’absence de preuves tangibles. Aussi, George écartait lui-même – consciemment / inconsciemment – ses propres soupçons pour mieux se concentrer sur sa musique. La police arrive en plein concert. Mais George Bone ne se laisse pas arrêter, il doit jouer son concerto jusqu’au bout. Sa plus grande création musicale sur laquelle il a tant œuvré et pour laquelle il a tout donné doit être interprétée quoiqu’il arrive.
Pour bloquer et faire fuir la police, George met le feu au bâtiment. Alors que l’incendie se propage, la mort semble pointer sa faux. Tout le monde fuit excepté le compositeur. La séquence de concert, étourdissante de par son jeu narratif de mise en scène de la musique à la fois diégétique et extradiégétique, plonge le film dans la tragédie pure et simple. George est encore à l’intérieur, pleure sa jeune amie ; c’est mieux pour lui, répond le spécialiste qui savait pertinemment que l’avenir du compositeur serait loin d’être radieux. Et de cela, nous nous doutons, connaissant l’avancée scientifique de ce moment. La musique jusqu’à la mort, Hangover Square fait ainsi de la brillante composition de son personnage un concerto macabre justement nommé par son réel compositeur, le génial Bernard Herrmann.
Ci-dessous, le Concerto Macabre de Bernard Herrmann (composé par George Bone dans la fiction).
Blu-ray harmonieux
L’édition Blu-ray proposée par les éditions Rimini est une réussite. Rien à redire concernant l’image et le son hormis quelques défauts techniques certainement imputables à l’âge du film (quelques séquences musicales et voix aiguës/nasillardes entre autres choses). Le film, présenté dans un sublime master haute définition 4K, est accompagné de bonus inédits et surtout intéressants (voir la liste ci-desous). Hangover Square ne pouvait ainsi être (re)découvert dans une meilleure édition qu’on ne peut ainsi que vous conseiller.
Extrait – Hangover Square
Hangover Square
Disponible en DVD & Blu-ray depuis le 2 janvier 2018
Copie restaurée 4K
COMPLÉMENTS
– John Brahm, à la folie (17’30) : interview de la journaliste cinéma Guillemette Odicino
– Entretien autour de la musique de Bernard Herrmann (27 mn) : interview de Stephan Oliva, pianiste, compositeur, improvisateur, musicien de jazz
– L’adaptation impossible (13′) : entretien avec l’éditeur François Guérif
Un livret de 32 pages consacré à John Brahm vient compléter cette liste de suppléments.