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L’Etrange Festival : A des degrés divers, la violence est partout

Déjà une semaine que l’Étrange Festival a commencé et la compétition bât son plein! A côté, les sélections parallèles continuent de faire découvrir de nouveaux talents prometteurs ou de redécouvrir des films qui méritent de ne pas sombrer dans l’oubli:

Buongiorno Notte, Under The Shadow, Psiconautas  et Headshot

Dans la catégorie « La liberté ou la mort », plusieurs films traitent des années des Plomb dans leur pays respectif, c’est le cas de La Bande à Bader (Uli Edel, 2008) pour l’Allemagne, d’United Red Army (Kōji Wakamatsu, 2007) pour le Japon et de Buongiorno, Notte pour l’Italie. Ce dernier, contrairement aux autre susnommés, ne revient pas sur l’avènement des groupuscules communistes, mais s’attache au plus retentissant des crimes commis par les Brigades Rouges, puisqu’il a fait vaciller l’échiquier du pouvoir transalpin : L’enlèvement et le meurtre d’Aldo Moro en 1978. Réalisé en 2003 par Marco Bellochio, bien connu pour ses « films coups de poing », cette reconstitution est la première à s’intéresser frontalement à cette page d’histoire sensible, et il le fait sans se soucier des tenants et aboutissants politiques de ce sordide fait divers, mais uniquement de sa dimension humaine. Il y adopte le point de vue d’un de ses personnages, Chiara, seule femme de la cellule révolutionnaire et qui est en fait l’avatar d’Anna Laura Braghetti, l’ex-terroriste qui a écrit le livre dont le scénario est tiré. A travers les yeux de cette communiste, on partage, dans des scènes de huis-clos oppressantes, un profond désenchantement face à la décision de ses camarades de tuer leur otage. Il est alors difficile de saisir quel positionnement prend Bellochio vis-à-vis de l’affaire, puisqu’il n’hésite pas à la fois à sacraliser les utopies révolutionnaires dans une superbe scène chantée, et à faire un parallèle entre les méthodes des B.R. et celles des fascistes. Une absence de jugement qui rend plus pertinente cette analyse des dernières heures du combat d’une génération.

Under the Shadow hésite bien longtemps entre être un drame ou un pur film d’horreur et lorsqu’il décide de prendre enfin une direction, il ne prend pas forcément la plus intéressante. Babak Anvari a une mise en scène très minutieuse quand il s’agit de poser une ambiance et ses personnages, les deux premiers tiers de son récit sont un régal jouant habilement avec la gestion de l’espace -le film est quasiment un huit-clos- et ayant l’intelligence d’user brillamment du contexte de l’histoire. Ici l’horreur se trouve à la fois au sein de l’appartement mais aussi à l’extérieur, en Iran n’ayant pas le droit de se déplacer dehors comme elle l’entend surtout durant cette période troublée. Comment échapper à une situation horrifique alors que même dehors en public, le personnage n’est pas à l’abri ? L’horreur se transforme alors en drame, celui de la place de la femme dans une société patriarcale et totalitaire où elle n’est pas libre de ce qu’elle veut, professionnellement et personnellement. Elle ne peut compter sur aucune aide, et devra protéger sa fille à tout prix. Dommage par contre que le film soit trop classique dans son traitement, qu’il néglige l’intelligence de ses personnages au profit des effets horrifiques et qui tombe dans les jumpscares putassiers lors du dernier acte. Même s’il apparaît comme un drame intéressant et avec un vrai propos, il faut reconnaître que Under the Shadow est un film d’horreur décevant et qui ne fera certainement pas date.

Psiconautas est un film d’animation fascinant. Prenant la forme d’un récit choral, il va étudier avec une extrême finesse la déliquescence d’un monde. Faisant écho avec notre société, où les personnages sans avenir dans un univers qui stagne décide de s’évader la pression sociale et de la tyrannie de l’autorité. Les personnages refusent que leurs chemins soient tout tracés, mais l’oeuvre, plus cruelle, montre la dure réalité de la vie et bouleverse. Muni d’une direction artistique brillante et d’une animation somptueuse, le tout se mue en conte funèbre et magnifique qui distille une amère mélancolie chez le spectateur tout en sachant se montrer vraiment mignon et drôle. Peut-être que parfois les intrigues s’entrechoquent maladroitement mais c’est une oeuvre qui foisonne de bonnes idées de la part de Pedro Rivero et d’Alberto Vasquez, et qui malgré de très légères maladresses, s’impose comme un des gros coups de cœur de ce festival.

Un amnésique laissé pour mort par ceux-là qui ont fait de lui une machine à tuer et un héros que seule sa cicatrice au front rattache à son passé… non, il s’agit pas de Jason Bourne et Harry Potter mais bien de Abdi et Ishmael. Deux noms pour un même personnage, incarné par Iko Uwais, intronisé star de la castagne par le dytique The Raid. Alors que les films de Gareth Evans limitaient son personnage à statut de combattant increvable, Headshot lui propose, derrière son scénario certes convenu, de donner un minimum d’enjeu émotionnel à son rôle. L’acteur n’est pas venu seul puisque deux acteurs présents dans The Raid 2 sont aussi de la partie : Julie Estelle et Very Tri Yulisman, même si il parait évident que le scénario peine à leur donner une place. Mais le plus impressionnant est sans conteste l’aisance avec laquelle la mise en scène des Mo’ brothers, un peu plate dans les scènes « calmes », parvient à s’ajuster sur les chorégraphies des bastons, augmentant ainsi leur fluidité et faisant de chaque coup porté une véritable claque à l’égard du spectateur. Il faut reconnaître, c’est du brutal !