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Festival des 3 continents: le dernier Hou Hsiao Hsien en avant-première

The Assassin : retour gagnant du cinéaste taïwanais Hou Hsiao Hsien

Cela faisait presque une décennie que nous n’avions pas vu un film de Hou Hsiao Hsien ; une absence rompue lors du dernier festival de Cannes, où il présente The Assassin et remporte le prix de la mise en scène. Ce dix-neuvième long métrage faisait aussi figure d’évènement lors de la 37ème édition du festival des 3 continents, puisque nous ne pourrons le découvrir en salle que lorsque l’année 2016 sera bien entamée (sans doute courant avril).

Un privilège en somme pour la petite salle du Katorza, pleine à craquer ; et aussi une nouvelle preuve de l’excellente relation qu’entretient le festival avec les grands cinéastes asiatiques. Il faut dire que Hou Hsiao Hsien repart vainqueur de Nantes par deux fois durant les années 80 (Montgolfière d’or pour Les garçons de Fengkuei, et Un été chez grand père en 84 et 85). Après cette (longue) césure, le réalisateur taïwanais revient en conquérant langoureux et signe un film de genre éblouissant.

Si l’on a vu une de ses œuvres, on sait qu’il entretient une relation assez singulière avec le rythme et son ressenti ; et alors que le film de sabre répond dans notre imaginaire collectif à certains critères de furtivité et de violence, il était tout à fait intriguant d’imaginer comment le cinéaste allait réunir les deux. Et la réponse apportée est avant tout esthétique. Une application quasi obsessionnelle à faire de chaque secondes de ce film un tableau épique ou une estampe mystérieuse. La scène d’ouverture, en noir et blanc, est d’une pureté qui nous aurait presque fait regretter la photographie colorée de Mark Lee Ping Bin (In the mood for love) si celui-ci n’enrobait pas le film d’une beauté plastique qui sied parfaitement à l’incandescence guerrière de Shu Qi.  L’actrice est parfaite en mante religieuse abîmée et vengeresse.

La liste des flatteries est longue tant il est appréciable de contempler ce film de Hou Hsiao Hsien, qui emprunte autant à l’orfèvrerie qu’à la poésie. On pourrait également parler longtemps des costumes, ces silhouettes armées qui fusent d’arbres en arbres, ces kimonos qui chatoient dans des palais luxuriant et précieux. Mais si The Assassin ne s’arrête pas à sa beauté formelle, il est cependant freiné par la confusion qui émane de l’histoire, une légende traditionnelle qui provient d’une Chine très ancienne et qui a du mal à trouver tout son sens sous la caméra de Hou Hsiao Hsien. Pourtant les schémas sont simples : Nie Yinniang revient dans sa famille après plusieurs années d’exil.

Son éducation a été confiée à une nonne qui l’a initiée dans le plus grand secret aux arts martiaux. Véritable justicière, sa mission est d’éliminer les tyrans. A son retour, sa mère lui remet un morceau de jade, symbole du maintien de la paix entre la cour impériale et la province de Weibo, mais aussi de son mariage avorté avec son cousin Tian Ji’an. Fragilisé par les rébellions, l’Empereur a tenté de reprendre le contrôle en s’organisant en régions militaires, mais les gouverneurs essayent désormais de les soustraire à son autorité. Devenu gouverneur de la province de Weibo, Tian Ji’an décide de le défier ouvertement. Alors que Nie Yinniang a pour mission de tuer son cousin, elle lui révèle son identité en lui abandonnant le morceau jade. C’est maintenant qu’elle va devoir choisir entre sacrifier l’homme qu’elle aime ou rompre définitivement avec l’ordre des Assassins. Il est peut être bon d’avoir ces quelques lignes en tête afin de ne pas boire la tasse lorsque nous tomberont dans cette mer d’images. Et quand bien même l’intrigue de cette fable chevaleresque nous filerait entre les doigts, on se laissera bercer par ce courant unique et somptueux.

La Bande-annonce de The Assassin de Hou Hsiao Hsien :

Happy Hour : Hamaguchi doublement récompensé

Si le temps est élastique dans les films du taïwanais, que dire du film Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi ? Le cinéaste japonais accouche d’un film de 5h17, mais cela n’a effrayé en rien les festivaliers cette semaine, puisqu’ils lui ont décerné le prix public ; récompense qui trouvera sa grande sœur en la présence de la montgolfière d’argent également ! Un poids horaire hors norme mais qui pèse finalement peu sur le rendu du film ; car bien des réalisateurs nous assomment en moins de 2 heures. Hamaguchi propose une expérience, une invitation, dans la vie de 4 femmes japonaises dont l’amitié a forgé des liens solides, mais qui peu à peu se décomposent à l’annonce du divorce et la fuite de l’une d’entre elles. Ayant le temps de s’attarder, le cinéaste japonais peaufine ce quatuor féminin, et dresse happy-hour-film-hamaguchi-montgolfière-d-argentdes portraits attachants, intimes, réalistes de la femme moderne japonaise. Un travail bâti dans le quotidien et les dialogues, parfois autour de longues scènes aux allures de chapitres, qui au fûr et à mesure dévoilent le désamour qui anime les différents couples. Une sororité malheureuse qui se soutient autant qu’elle s’attaque, où chacune de ses femmes essaie de régler ses problèmes dans la vie des autres ; une façon pour elles de camoufler leur propre solitude, et d’éviter leur réalité. Hamaguchi appose sa caméra, souvent fixe, sur quatre actrices vibrantes, et désenchante (parfois plus que nécessaire, avec des hommes un peu trop ridicules) la vie à deux. Un film sobre, élégant, juste, qui offre quelques séquences de hautes volées.

La bande-annonce de Happy Hour de Ryusuke Hamaguchi :

Rédacteur LeMagduCiné