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L’Edito : Quelques images avant la fin du monde

Quelques images avant la fin du monde

Le mois de Décembre commence et avec lui l’année 2015 touche à sa fin. Une année noire pour le monde, qui a vu nombre de ses pays endeuillés par des actes de barbaries extrêmes qui nous ont tous choqués. Mais je ne suis pas là pour vous parler de ça, d’autres l’ont déjà fait avant moi avec plus ou moins d’intelligence. Dans une optique de se changer un peu les idées, et à l’approche des fêtes de fin d’année qui – j’espère – apporteront un peu de bonheur a ceux qui en ont besoin, j’aimerais aborder un autre sujet qui n’est pas moins important : La fin du monde.

« Quel est le rapport ? », me direz-vous. Et bien aussi sanglante que soit l’actualité directe, les prédictions sur le long terme ne sont pas des plus optimistes. Avant d’être citoyen de notre pays, nous sommes tous habitants du monde, et il serait dommage de profiter des élans patriotiques – aussi importants soient-ils – pour occulter ces forces incontrôlables qui pourraient décider non pas de l’avenir des civilisations, mais de celui de l’humanité toute entière. La fameuse Cop 21, dont les publicités du gouvernement montées à la sauce « We are the World » ont inondées les cinémas le mois dernier, est toujours d’actualité. En cette période festive où l’on économise l’énergie en décalant l’heure de nos pendules avant d’allumer de flamboyantes décorations de noël, il est important de se poser des questions. Mais pour ne pas marcher sur les plates-bandes des scientifiques, qui connaissent le sujet mieux que moi, je prends le parti de m’intéresser à cet acteur majeur du divertissement – étrangement discret dans ce débat – qui nous concerne tous : Le cinéma.

Il existe évidemment des films qui tentent de nous faire prendre conscience de nos comportements destructeurs, la plupart des films apocalyptiques et post-apocalyptiques pourrait facilement être brandit comme d’utiles réquisitoires contre la folie des industriels. Jusqu’à dernièrement, le documentaire 2 degrés avant la fin du monde, sorte de synthèse ultime d’une efficacité redoutable, par l’équipe de #DataGueule remet au goût du jour ces questions et retrace l’histoire de cette prise de conscience progressive des dangers du réchauffement, tandis que Mélanie Laurent et Cyril Dion proposent un état des lieux des solutions possibles en ce début de mois avec leur film Demain. Le monde bouge, et on se permet même de sortir des discours fatalistes pour tenter une approche positive du phénomène (une double séance de ces deux films ne serait pas sans intérêt pour cerner deux approches visant le même objectif). Mais qu’en est il de l’industrie elle-même ? Où se situe la machine à rêves dans l’organigramme des dangers environnementaux ?

Comme d’habitude, il faut creuser pour trouver, et c’est à demi-mot que les journalistes, spectateurs et créateurs admettent que ce qui les fait rêver et vibrer est probablement l’une des industries les plus polluantes de la planète, derrière les raffineries de carburants. Selon un rapport de l’UCLA (université de Californie), Hollywood aurait rejeté dans l’atmosphère 144 000 tonnes de particules polluantes rien que sur la région de Los Angeles. Sachant que nos voisins américains ne rechignent pas à aller tourner dans le monde entier, parfois dans des décors naturels magnifiques, la liste des dégâts occasionnés pourrait être vertigineuse (certaines constructions sont laissées à l’abandon une fois le tournage fini). Ajoutons à cela les déplacements en avions, camions, voitures, pour des équipes de plus en plus nombreuses, la publicité phénoménale qui doit remplir pas mal de poubelles une fois la promotion du dernier film de super-héros achevée, etc. Et comme on ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs, il faut bien faire quelques sacrifices pour remplir ces blockbusters regorgeant d’explosions en tout genre. A titre d’exemple, Mad Max : Fury Road a vu son excellente réputation de film d’action explosif ternie par des groupes écologistes mettant en cause un tournage dantesque qui aurait ravagé le désert de Namibie (classé parc naturel). Ironique pour un film qui se targue de représenter un monde laissé à l’abandon par la folie des hommes. Mais avec une demande de plus en plus forte de blockbusters, doublée par un rejet des effets numériques qui ne font pas « assez vrai », le choix est vite fait. Quelques bouts de nature contres des millions d’entrées (plus un peu de Popcorn), on aurait tort de se priver.

Difficile de militer pour un cinéma plus vert quand la nostalgie et le plaisir l’emportent sur le bon sens. Nous préférons tous voir Christopher Nolan faire exploser un véritable hôpital pour The Dark Knight, plutôt que de le voir se rabattre sur une maquette ou des effets numériques moins coûteux. Il serait également dommage de se débarrasser de la merveilleuse pellicule 35 mm, défendue corps et âmes par les nouveaux grands auteurs tel Tarantino, bien que celle-ci soit composée de produits chimiques difficilement recyclables. Le numérique n’est pas du cinéma selon eux, et tout le monde semble d’accord. Le rendu organique et analogique est préférable pour vendre une vision d’auteur, et de toute façon, ce numérique n’est pas sans impact sur l’environnement. Ce n’est pas faux, il est vrai que fabriquer des ordinateurs, des disques dur et des serveurs peut aussi provoquer des dommages, mais entre une véritable explosion et un déluge de pixels sans réalité propre, le compte devrait être vite fait. Certains font des efforts dans ce sens, Roland Emmerich avait ainsi payé de sa poche pour que le tournage du Jour d’après soit le moins polluant possible (au moins il était entier dans ses convictions), les décors de Matrix ont été recyclés pour faire des habitations à bas prix, certaines star, tel Leonardo Dicaprio font des donts à Greenpeace (ce qui ne l’empêche pas de se déplacer en jet) tandis que Mel Gibson fait des efforts considérables pour abîmer le moins possible ses lieux de tournages, James Cameron milite pour l’environnement… Mais tous ces éléments ressemblent à des arbres qui cachent une forêt en feu, et démontrent que les acteurs majeurs sont tout de même obligés de prendre sur eux pour sauver l’environnement, quand ce devrait être aux studios de se poser ces questions. A une époque qui voit exploser le nombre de films produits par an, il serait peut-être temps de réfléchir à une solution globale. Le numérique n’est peut être pas la panacée, et ses défauts sont nombreux, mais il pourrait au moins limiter les dégâts.

Cet article n’a pas de vocation scientifique. Il ne s’agit pas non plus de dire « arrêtez d’aller au cinéma » mais juste de mettre en avant des questions légitimes qui ne sont pas posées (ou si peu). En regardant un film tel que A la poursuite de Demain (Tomorrowland) de Brad Bird sorti cette année, dont la maladresse du propos fait passer ces questionnements importants pour une simple psychose fataliste généralisée, il apparaît évident que le cinéma doit prendre position et que son public doit l’inciter dans cette voie. L’industrie se doit d’être plus transparente, sinon ces quelques films moralisateurs sur le sujet risquent de devenir des œuvres hypocrites. La vocation première d’une caméra est de capturer le monde tel qu’il est, dans cette optique, montrer une véritable explosion plutôt qu’une animation numérique pourrait tenir d’un acte militant, mais quand le monde ne sera plus, que restera-t-il à filmer ?

Enquête 2 degrés avant la fin du monde, disponible gratuitement sur youtube :

Bande annonce du film Demain de Mélanie Laurent et Cyril Dion, le 2 décembre :

Redacteur LeMagduCiné