Les Penny Dreadful, c’était ces romans à petit prix en vogue au XIXème siècle, vaguement érotiques, mettant en scène des créatures surnaturelles (loup garou, vampires…). John Logan, scénariste de Skyfall, ne cache donc pas l’ambition première de sa nouvelle création : un savant jeu de références gothiques. Le Londres victorien est donc son plateau sur lequel il s’amuse à placer les pièces emblématiques du folklore de l’époque, les faisant interagir parfois de manières inattendue.
La série était attendue au tournant pour diverses raisons : un pitch mystérieux qui rappelait tout de même la ligue des gentleman extraordinaires, l’arrivée de John Logan à la télévision, Sam Mendes à la réalisation (qui se désistera finalement faute d’agenda) et, surtout, une distribution de grande classe, Timothy Dalton, Eva Green et Josh Harnett en tête. Pourtant malgré toutes ses bonnes cartes en mains, cette première saison est une semi-déception.
Monstres et compagnie…
La reconstitution d’époque est plutôt réussie et l’interprétation est assez exceptionnelle. On n’en attendait pas moins d’acteurs de ce standing ; on est agréablement surpris de voir que les autres ne se laissent pas écraser. Billie Piper, Rory Kinnear et Harry Treadaway livrent des performances tout à fait honorables, l’alchimie entre tous étant évidente. La réalisation est efficace, jamais trop brutale, laissant le temps aux personnages d’occuper l’espace au lieu de le sur découper à outrance (gimmick parfois trop courant du cinéma d’horreur), le tout porté par une musique poétique d’Abel Korzeniowski.
Pour son premier essai à la télévision, John Logan s’est donc bien entouré, mais c’est sur son écriture que repose la réussite ou l’échec de Penny Dreadful, et le conteur semble avoir tendance à s’égarer. Rassembler les monstres sacrés du roman gothique n’est pas une idée nouvelle ; fort heureusement, la série se rapproche plutôt de la BD d’Alan Moore que de de son adaptation cinématographique ou du Van Helsing de Stephen Sommers. Logan n’utilise pas ses personnages comme des pièces de qualité qu’il suffirait de coudre ensemble pour obtenir un patchwork sympathique. Il travaille les relations entre ses personnages, prend le temps de les développer, peut être un peu trop. En 8 épisodes on en aura appris plus que de raison sur la vie et les secrets de Vanessa Ives, la voyante possédée par le démon ; on aura également cerné dans son entièreté la psychologie de Victor Frankenstein et la nature de sa relation avec sa créature. Mais les autres resteront beaucoup trop en retrait. L’américain Ethan Chandler demeurera trop opaque jusqu’au dernier épisode ; Sir Malcolm Murray révélera son passé d’explorateur au compte goutte ; Dorian Gray apparaît et disparaît comme un cheveu sur la soupe et on ne saura rien de Sembene, le garde du corps africain. Les crises d’hystéries multiples de Vanessa empêchent les autres personnages d’exister, de se faire une place, mais au moins leurs interactions restes crédibles.
Seulement qu’est ce que cela raconte ? Le premier épisode annonce un policier teinté de fantastique, avec un enquêteur, une brute, un médecin légiste, mais après on passe à autre chose. Le drame avec Frankenstein, la reconstitution historique lorsque l’on suit sa créature qui active les rouages d’un théâtre grand guignol, puis l’étude de mœurs au travers des personnages de Brona Croft et Dorian Gray qui traînent dans des bas fonds que n’auraient pas reniés Dickens, ou encore la sempiternelle description de la création d’une famille dysfonctionnelle, un format qui fait fureur à la télévision. Autour d’une figure paternelle (Timothy Dalton) gravite fils et filles prodigues… Chacun apprend de l’autre et tout le monde évolue ensemble face au danger… Penny Dreadful part dans toutes ces directions à la fois, oublie de se concentrer sur un axe précis, pour finalement ne rien raconter de tangible.
Il y avait pourtant du potentiel et il est triste de voir que l’hédoniste Dorian Gray ne semble être qu’un prétexte érotique, que celui que l’on suppose être Dracula n’est réduit qu’a sa portion congrue (un simple suceur de sang) et que Van Helsing n’apparaisse qu’en coup de vent. Puis on aurait espéré voir davantage de créatures fantastiques. Ou sont les Mr. Hyde, Homme invisible et compagnie ? Peut être que la prochaine saison lancera véritablement une intrigue digne des références brandies dans cette longue introduction. Peut être que la Momie Imhotep pointera enfin le bout de son nez, après nous avoir fait mariner avec le folklore égyptien.
Penny Dreadful reste tout de même une série agréable à suivre, de bonne facture, et honnête dans ses intentions. Elle semble seulement s’être stoppée en pleine course. Mais le genre gothique étant tombé en désuétude après avoir connu un certain âge d’or dans les années 90 avec les films de Burton (mais aussi The Crow et La Famille Adams), les amateurs auraient tort de bouder une série imparfaite mais pleine de promesses.
Synopsis : Dans le Londres de l’époque Victorienne, Vanessa Ives, une jeune femme puissante aux pouvoirs hypnotiques, allie ses forces à celles d’Ethan, un garçon rebelle et violent aux allures de cowboy, et de Sir Malcolm, un vieil homme riche aux ressources inépuisables. Ensemble, ils combattent un ennemi inconnu, presque invisible, qui ne semble pas humain et qui massacre la population…
Fiche technique – Penny Dreadful
Titre original : Penny Dreadful
Genre : Drame, Fantastique, Horreur, Policier
Avec : Timoty Dalton, Eva Green, Josh Harnett, Rory Kinnear, Harry Treadaway, Billy Piper, Reeve Carney…
Créateur(s): John Logan
Production : Sam Mendes, Chris W. King
Pays d’origine : États-Unis, Royaume-Unis
Date : 2014
Chaîne d’origine : Showtime, Sky Atlantic
Épisodes : 8
Durée : 60 min
Statu : en cours (saison 2 annoncée)
Auteur de la critique : Vincent Baudart