Hommage à Abbas Kiarostami (1940-2016)

Le carnage de cette maudite année 2016 s’accélère… Après Michael Cimino moins de 48 heures plus tôt, c’est un autre Grand du Cinéma qui nous quitte. Abbas Kiarostami, âgé de 76 ans et réalisateur de pas moins d’une quarantaine de films, est mort à Paris ce lundi 4 juillet, des suites d’un Cancer.

Celui qui avait commencé sa carrière artistique dans le domaine de la bande-dessiné après des études aux Beaux-Arts de Téhéran et avait, dès le début des années 70, participé à ce mouvement qui fut appelé « nouvelle vague iranienne », était devenu depuis longtemps le porte-étendard du cinéma de son pays.

Alternant entre fictions et documentaires, le réalisateur s’est, depuis ses débuts, montré polémique vis-à-vis de la répression politique au travers d’une prose poétique passant aisément entre les fils de la censure sous l’ère du Shah. Mais, alors que beaucoup de ses compatriotes réalisateurs optèrent alors pour l’exil, l’Après-révolution islamique aura été pour lui une période plus difficile, le contraignant à concentrer son travail sur des courts-métrages.

Le cinéaste n’abandonnera toutefois jamais de cumuler parallèlement ses activités de graphiste, de photographe et de peintre. Il s’affirma ainsi comme un  artiste polymorphe, explorant avec une virtuosité sans pareil les frontières entre ces différents formats, comme il approfondissait dans ses réalisations les limites entre l’instinct de survie et l’attrait pour la mort à travers le parcours de personnages qui, dans la plupart des cas, étaient des enfants. Une figure de l’innocence face à la fatalité devenue récurrente dans son cinéma.

Il faudra alors attendre la fin des années 80, et en particulier La Clef (1987), Close-Up (1990) et La Trilogie de Koker (1987 / 1991 / 1997), pour que sa renommée internationale commence à peser en sa faveur vis-à-vis des autorités islamistes et des fonds de financements locaux. Toutefois, ses œuvres, qu’il a pour la plupart autoproduites, restèrent interdites de diffusion en Iran, car jugées « contraires à la morale coranique ».

La Palme d’Or acquise par Le Goût de la cerise en 1997 fut alors un tournant dans sa carrière, dans le sens où, en plus de pousser le gouvernement iranien à autoriser la diffusion de ses films, désormais considérés comme une fierté nationale, elle marque le début de travaux à l’international d’Abbas Kiarostami qui n’avait, jusque-là, jamais tourné hors de sa patrie.

C’est ainsi que, dès 2001, il signe le documentaire ABC Africa en Ouganda pour le compte d’une association humanitaire. Plus tard, Copie Conforme (2010) et Like Someone in Love (2012), tournés respectivement en Toscane et à Tokyo, resteront dans l’Histoire comme ses deux dernières fictions. Il préparait un tournage en Chine quand sa maladie s’est déclarée.

Une vie de combat entièrement dévoué à sa carrière artistique, à sa lutte contre l’obscurantisme et à la défense de la liberté d’expression dans un pays sclérosé par la censure s’est achevée ce jour. Le monde du cinéma est en deuil… encore.

     No, un des derniers courts-métrages d’Abbas Kiarostami, et la preuve de sa délicatesse dans l’art de filmer des enfants.

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