Lorsqu’un grand nom du roman fantastique rejoint un grand nom du cinéma fantastique, cela donne naissance à The Dead Zone, une œuvre où un enseignant se retrouve avec le destin du monde entre ses mains.
Synopsis : Après un accident de voiture qui le plongera dans le coma pendant 5 ans, Johnny Smith enseignant, se réveille avec un « don ». Il possède en effet la faculté de voir le passé ou l’avenir de la personne qu’il touche.
Au début des années 80, les adaptations cinématographiques de l’oeuvre de Stephen King se multiplient. L’horreur et le fantastique déployés dans ses romans rendent l’aspect cinématographique particulièrement alléchant, d’autant plus que le succès de l’auteur va en grandissant. Il n’est pas étonnant de voir alors de grands réalisateurs se lancer dans des projets d’adaptation. Si certains sont très éloignés du genre de l’horreur, comme Stanley Kubrick dont Shining restera le seul film d’épouvante de sa filmographie, il est plutôt logique que les pontes du cinéma d’horreur nord-américain apportent leur pierre à l’édifice. Si Romero ouvre le bal en 1982, l’année 1983 sera celle des deux plus grands noms du cinéma de genre à l’époque, John Carpenter et David Cronenberg.
Alors pilier du body horror avec des oeuvres comme Scanners ou Videodrome, David Cronenberg est un cinéaste avec des thèmes très particuliers qui émanent de chacun de ses films. Les deux plus importants étant la chair et la psyché. S’amusant à maltraiter les corps et les esprits, et usant d’effets spéciaux pour la plupart peu ragoûtants, le canadien s’est très vite fait une place dans le monde de l’épouvante. En 1983, même année que son gros succès Videodrome, Cronenberg se lance donc dans l’adaptation de The Dead Zone, un roman de Stephen King. Ce dernier raconte l’histoire de Johnny Smith (Christopher Walken), un instituteur qui suite à un grave accident de voiture et une période de coma, se retrouve à son réveil affublé de pouvoirs psychiques lui permettant de voir le futur ou le passé des personnes avec lesquelles il entre en contact. Au même moment, Greg Stillson (Martin Sheen) est en course pour devenir sénateur des Etats-Unis. C’est un candidat très proche du peuple, mais qui en même temps n’inspire pas vraiment confiance. Lors d’un meeting, Johnny découvre alors le futur de Stillson dans lequel il est président des USA et s’apprête à lancer une salve de missiles.
On remarque très vite la présence de certaines obsessions du cinéaste canadien, et cela malgré le fait que le film ressemble beaucoup à un projet plus commercial. C’est en effet le premier film pour lequel le réalisateur n’est pas également scénariste. Si la chair ne subit pas de modifications (on retrouve cependant une sorte de métamorphose du personnage principal du fait que le pouvoir est accordé à Smith après un grave accident de voiture et une période de coma), c’est surtout la psyché qui est mise en avant ici, faisant de The Dead Zone, un véritable thriller psychologique. Après les protagonistes de Scanners possédant également des pouvoirs psychiques, Cronenberg continue sur cette lancée avec The Dead Zone. Dès que Johnny Smith touche une personne, il reçoit alors une vision de cette personne, cela peut être le passé comme c’est le cas avec son docteur ou avec un cadavre, ou le futur comme c’est plus souvent le cas, lui permettant alors d’empêcher plusieurs drames.
Cronenberg prend clairement le temps de bien implanter son récit. Le personnage de Sheen n’apparaît d’ailleurs quasiment pas dans la première heure du film. Cela va permettre à Cronenberg de véritablement se concentrer sur Johnny Smith et la découverte de ses pouvoirs. Dans un premier temps, cela se fait par la terreur lors de la première apparition des visions au contact d’une infirmière. Une montage rapide de successions de plans entre Walken et l’infirmière sous le choc des cris poussés par Smith, et des visions d’un incendie quasi-apocalyptique. Cette première séquence possède un certain aspect viscéral qui nous fait basculer directement dans cette nouvelle vie qu’est celle de Johnny. A partir de cette première vision qui va permettre le sauvetage de la fille de l’infirmière, la réputation de « médium » de Johnny va se répandre dans tout Castle Rock.
Le récit se perd alors dans diverses directions, retrouver le contact avec un être perdu de vue depuis longtemps, une petite enquête policière, tout cela avec comme point d’ancrage les nouvelles habiletés de Johnny. C’est agréable à suivre, mais ça manque un peu de consistance, restant assez simple et n’allant pas vraiment au fond d’une réflexion précise. Il faudra vraiment attendre la dernière partie du film et l’arrivée de Martin Sheen pour offrir un aperçu plus réflexif du pouvoir de Johnny Smith. En effet la vision que va obtenir le personnage de Christopher Walken vient à lui se faire poser une question. Une question qui renvoie d’ailleurs à un des principes du voyage temporel. Cette question est : Si tu pouvais retourner dans le passé, irais-tu tuer Adolf Hitler ? Johnny se trouve en prise avec une information capitale pour l’avenir de son pays, voire de l’humanité, mais doit-il agir en conséquence quitte à tout sacrifier.
Cette dernière partie de The Dead Zone est clairement la plus intéressante. Le film de Cronenberg n’est pas mauvais, il reste cependant trop classique, et montre bien qu’il ne s’agit pas d’un projet véritablement personnel du canadien. Il n’est pas étonnant que le roman sera finalement adapté bien plus tard sous forme de série (ce qui était au départ prévu après le film mais Walken et Sheen ont eu des problèmes d’emploi du temps). L’aspect feuilletonnant de la première partie du film où Walken résout plusieurs cas colle à la perfection avec une série télévisée, et apparaît bien trop maigre pour un film d’1h45. Cronenberg a quand même réussi à imprimer sa patte au long-métrage, et même s’il est loin d’être le projet le plus marquant de sa filmographie, The Dead Zone reste un film fantastique bien mené, avec un Christopher Walken plutôt bon, et un Martin Sheen sociopathe qui s’en donne à cœur joie.
The Dead Zone : Bande Annonce
The Dead Zone : Fiche technique
Réalisation : David Cronenberg
Scénario : Jeffrey Boam d’après le roman The Dead Zone de Stephen King
Interprétation : Christopher Walken ( Johnny Smith), Brooke Adams ( Sarah Bracknell), Herbert Lom ( Dr Sam Weizak), Anthony Zerbe ( Roger Stuart), Martin Sheen ( Greg Stillson)..
Photographie : Mark Irwin
Montage : Ronald Sanders
Décors : Carol Spier
Musique : Michael Kamen
Production : Debra Hill, Dino de Laurentiis, Jeffrey Chernov
Durée : 105 minutes
Genres : Drame, fantastique, thriller
Date de sortie : 21 octobre 1983
Etats-Unis 1983