Comme il y eut un avant et un après (Le) Voyage dans la Lune, il y eut aussi un avant et un après Alien. A la mesure de Georges Méliès véritable initiateur de la Science Fiction, qui définit de son temps les codes du genre, Ridley Scott a nettement contribué à la popularisation de LA créature parfaite, inventée et imaginée par H.R. Giger. Tout droit sorti du plus abyssal des cauchemars, l’extraterrestre bestial et malfaisant est aussi doté d’intelligence et d’une capacité d’adaptation hors pair.
Le réalisateur affiche la volonté de faire frémir son spectateur dès le pré-générique, avec une image sombre, profonde comme le vide spatial, au dessus de laquelle le titre vient se figer telle une engravure dans la pierre. La situation précaire de l’équipage n’aura d’égale que la technologie poussive du Nostromo.
Alien, le huitième passager.
Quinze minutes de prologue s’avèrent nécessaires à l’introduction des lieux et des personnages ; à leur condition autarcique où le café est leur seule source de confort. Déjà un détail cloche avec le fameux titre français : Il y a le 3ème officier Ripley, puis kane, Bret, Lambert, Parker, H, le Capitaine Dallas…et Jones, le chat. Alien serait donc plutôt le neuvième passager…
La bande originale, somme toute simpliste, fait naître très efficacement l’inquiétude. Il suffit de quelques notes souples orchestrées autour des bruitages, pour être immergé dans une ambiance pesante, chargée d’électricité, mais aussi presque onirique par certains plans fixes de l’espace. La musique est, pour ainsi dire, le ciel qui vient à s’assombrir subitement au présage d’un orage violent.
« Minou, minou, minou ?!? »
Le film révèle le ressenti oppressif de la proie ; celui de la petite souris chassée par le chat, lancée dans un affrontement outrageusement inégal. Le huis-clos étouffant se construit avec méthode, Ridley Scott prend le temps d’installer l’hôte dans le vaisseau, pour développer par la suite un récit au rythme exacerbé. Il se sert aussi bien de l’immensité absolue de l’Univers que des conduits étroits de ventilation, pour un maximum d’emprise sur le spectateur.
Au-delà d’une histoire percutante, Alien, le huitième passager est un puis de séquences mythiques. Kane, couché amorphe à l’infirmerie, le visage recouvert de cette répugnante chose arachnoïforme, efface la circonspection pour ne laisser place qu’à la peur. L’infirmerie, décors blancs éclatants, symbole de virginité, est tout à coup occupée d’un mal étrange qui ne demande qu’à se propager. La séquence capte l’attention, accroche par son effet transitoire ; le calme avant l’asphyxie. Kane meurt ; une mort atroce, car Kane n’était que le levier d’une chasse à l’homme sans merci au travers du vaisseau. Une lutte à la vie contre un « organisme hostile » qui semble tout taillé pour la chasse au gros gibier.
Les dialogues mettent en exergue les rôles. L’usure des personnages grandit. La complicité du début se fragmente. Ils permettent à Ripley de gagner en prestance, à l’élever au niveau des personnages emblématiques du Septième Art, sans que la caméra soit égocentrée. Sigourney Weaver dénote par une assurance remarquable, malgré son expérience jusqu’alors limitée à deux long-métrages, dont le premier Annie Hall réalisé par Woody Allen deux ans auparavant. Il sera alors impossible pour quelque réalisateur qu’il soit de penser une suite à ce premier opus sans considérer Sigourney en Ripley.
Les clés de la gloire.
Le film a entre autres reçu l’Oscar des meilleurs effets visuels. Des décors planétaires à la créature, le rendu est incontestablement maîtrisé. Les cadrages et mouvements de caméra sont toujours soignés, tantôt discrets tantôt rapprochés, soyeux ou vifs. La tension monte, effleure seulement l’idée de l’alien pour nous mettre en haleine ; Ridley Scott se garde judicieusement la seconde moitié de la pellicule pour en révéler les traits. Le montage micrométré captive, évite les lenteurs pour ne laisser que le concentré appliqué d’un script travaillé dès sa base.
« Dallas, tu vois quelque chose ? »
Outre son aspect graphique réussi au point de traverser les âges sans difficulté, Alien, le huitième passager ouvre sur une pensée métaphysique encore aujourd’hui ardemment rejetée. S’il marque les esprits, c’est qu’il remet indéniablement sur la table la question de la suprématie des espèces au travers de l’Univers ; évoque aussi la destinée de l’homme sur sa planète mère. Si on pouvait initialement se rassurer, estimant notre intelligence capable de nous tirer de n’importe quelle situation, Alien rappelle que l’humanité est fragile et qu’elle ne connaît encore que très peu de chose sur ce qui l’entoure.
« Culturellement, historiquement ou esthétiquement important ».
Depuis 2002, Alien, le huitième passager est conservé par la Bibliothèque du Congrès américaine et reconnu comme une œuvre majeure de l’histoire du cinéma. Il reste l’une référence du film de Science-Fiction, et sera peut-être même un jour porté au Panthéon du Septième Art, tous genres confondus. Sa corrosivité est légendaire. Son onctuosité magique. Ridley Scott ouvre la voie à 4 franchises logiques, dont Alien 5 prévu pour 2016 ; également à des dérivés tel Alien VS Predator. Mais qui peut se targuer aujourd’hui de connaître toutes les répercussions artistiques de ce film précurseur ?
Synopsis : 2122, au milieu des ténèbres de l’espace interstellaire. Le remorqueur commercial Nostromo retourne sur Terre. Monumental de l’extérieur ; bourré de détails et de recoins lugubres à l’intérieur, il abrite un équipage de 7 personnes, réveillées du sommeil par « Maman », l’ordinateur de bord. Le vaisseau se déroute vers une planète inconnue pour une mission à haut risque.
Alien, le huitième passager: Bande-annonce
Alien, le huitième passager : Fiche technique
Titre original : Alien
Réalisation : Ridley Scott
Scénario : Dan O’Bannon, Walter Hill
Interprétations : Tom Skerritt, Sigourney Weaver, Veronica Cartwright, Harry Dean Stanton, John Hurt, Ian Holm, Yaphet Kotto, Bolaji Badejo, Helen Horton…
Musique : Jerry Goldsmith
Photographie : Derek Vanlint
Décors : Michael Seymour
Montage : Terry Rawlings, Peter Weatherley, David Crowther (version director’s cut)
Production : Gordon Carroll, David Giler, Walter Hill, Ivor Powell, Ronald Shusett
Sociétés de production : Twentieth Century Fox
Sociétés de distribution : Brandywine Productions, Twentieth Century Fox Film Corporation
Budget : 11 000 000 $
Récompenses : BAFTA Awards : Meilleure musique, Meilleure direction artistique / Oscar du cinéma : Meilleurs effets visuels : Festival de Saint-Sébastien : Meilleure photographie et meilleurs effets spéciaux / Saturn Awards : Meilleur film de science-fiction, Meilleure actrice dans un second rôle, Meilleure réalisation / Prix Hogo : Meilleur film.
Genre : Science-Fiction, horreur
Durée :117 minutes
Date de sortie : 12 septembre 1979
Etats-Unis/Grande-Bretagne – 1979
Hans Ruedi « H.R. » Giger » le créateur du design du monstre de Alien est l’inventeur du vaisseau, l’artiste suisse a également participé aux décors du Nostromo et son ambiance peu rassurante. Le Space Jockey dans le vaisseau, où se trouvent les œufs, est également son œuvre.