Lancé ce vendredi 3 novembre, l’Arras Film Festival promet nombres d’avant-premières, de projections de classiques, et de découvertes du monde. L’occasion de découvrir Borg/ McEnroe, film de Janus Metz qui remet en scène le duel au sommet des deux tennismen lors du tournoi de Wimbledon de 1980. Critique du film en trois sets.
Synopsis : la rivalité entre les tennismen Björn Borg et John McEnroe est de plus importante. D’un côté comme de l’autre, les deux sportifs se préparent à l’affrontement ultime, paroxisme de leur rivalité : le match Borg vs. McEnroe au tournoi de Wimbledon 1980.
Borg vs. McEnroe
Le titre original du film, Borg vs. McEnroe, annonce son enjeu : un duel. Le long métrage de Janus Metz, réalisateur du remarqué documentaire Armadillo, a pour but de reconstruire et de filmer un combat, celui de deux des plus grands tennismen (et sportifs) de tous les temps. D’un côté, Björn Borg, suédois déjà quatre fois champion du tournoi de Wimbledon, soit le champion du monde de tennis. De l’autre côté du court, John Patrick McEnroe, jeune tennisman en pleine montée en puissance réputé pour ses colères folles. Le deuxième doit, à l’image de Rocky dans le film homonyme, affronter le champion installé. Le cinéaste met en place ce combat à coup de flashbacks et présente les succès des deux jeunes hommes qui se préparent à une chose : le final.
Et quel final : le réalisateur réussit à créer une formidable tension quand bien même on connaît la fin du jeu. Le documentariste d’Armadillo capte les gestes, les petites fissures, les temps de concentration, les soupirs vaguement lâchés, et aussi les commentaires sportifs et les chiffres du tableau de score. Ces deux derniers éléments augmentent davantage la tension du duel que le réalisme de la reconstruction historique. Un spectateur a fait une remarque juste : il y a eu erreur dans le montage des plans sur le panneau du score. Mais qu’importe, l’enjeu n’est pas dans l’historicité de la scène, mais dans le combat. Ainsi l’affrontement est remarquable.
« Borg before McEnroe »
L’affrontement tend le spectateur aussi fort que le sont les raquettes du sportif suédois. Toutefois, le duel mis à part, un désenchantement s’invite dans l’expérience du film. Il y a une raison à cela : Borg est davantage exposé à l’écran que McEnroe. Le réalisateur et/ou le scénariste n’ont probablement pas pu s’empêcher de préférer un personnage à un autre (peut-être y-a-t-il une autre raison à cela, du côté des financiers du film, passons…). Contrairement à son rival, Borg a le droit à bien plus de flashbacks psychologisant le personnage, dont un en pleine forêt le mystifiant. Le cinéaste et son scénariste participent ainsi à la construction du mythe sportif Borg. Aussi, même si le film termine sur la naissance de l’amitié des rivaux, on notera qu’il s’attarde – même dans le présent diégétique du récit – surtout sur le suédois. Il doute, il écarte ses proches ; il se remémore des moments clefs de son enfance – qui vont en plus servir à réveiller le tigre en lui lors du grand final.
Malgré tout, et même si l’acteur Sverrir Gudnason ressemble comme jamais à Björn Borg, McEnroe tire ici son épingle du jeu. Gudnason joue le sportif nordique avec pudeur tout en tentant de lui apporter une profondeur. Shia LaBeouf incarne le rival américain avec une force sans pareil. Ce dernier semble ne pas jouer face à une caméra dont il aurait conscience de la présence et des enjeux. Ses flashbacks psychologisants ne lui apportent rien : LaBeouf construit le personnage sans ces artifices. Sa présence est si forte qu’il crée un deuxième film dans le film. Et disons-le haut et fort : on aimerait davantage le voir à l’écran. On aimerait voir McEnroe autant que Borg si ce n’est plus. Car le personnage de McEnroe n’a pas besoin des outils scénaristiques utilisés pour la construction cinématographique de Borg. Le sportif américain n’a pas besoin de devenir un mythe grâce à des séquences mystificatrices et, à d’autres moments, de psychologie de bistrot. Enfin, à l’inverse de Borg, le rival aux grandes colères n’a pas besoin de musique surdramatique pour creuser davantage la profondeur du personnage d’un côté et appuyer la tragédie humaine de l’autre en passant par son apologie. Non, John McEnroe a Shia LaBeouf, filmé sous la caméra de Janus Metz. Et cela donne naissance à de grands moments de cinéma.
« Balle au centre. »
Si le film se concentre plus sur Borg que McEnroe, notons toutefois que Metz a su capter leurs différences : l’un est un golden boy taiseux et mystifié, et un sportif glorifié ; l’autre est considéré comme un petit bonhomme affreux, capricieux mais doué, un monstre médiatique malgré lui d’ailleurs surnommé « le nouvel Al Capone américain ». Surtout, le cinéaste danois a réussi à lier les parcours de ces champions. En effet, les deux sont des bombes à retardement. Borg « est prêt à imploser », déclare l’un des amis festifs de John. L’américain lui, est déjà bien connu pour ses frasques sur le court. Remises en cause de l’arbitrage, échanges violents avec le public, McEnroe semble un être en continuelle irruption. Mais comme le nota Borg face à la captation de l’un de ses matches, l’américain est loin d’être déconcentré, bien au contraire. En cela, les deux tennismen se rapprochent. Et comme nous l’enseigne l’Histoire, ils seront liés par une amitié aussi mythique que leur rivalité.
Bande-annonce – Borg/McEnroe
Fiche Technique – Borg/McEnroe
Titre original : Borg vs. McEnroe
Réalisation : Janus Metz
Scénario : Ronnie Sandahl
Interprétation : Sverrir Gudnason, Shia LaBeouf, Stellan Skarsgard, David Bamber, Tuva Novotny, Scott Arthur
Directeur de la photographie : Niels Thastum
Décors : Lina Nordqvist
Costumes : Kicki Ilander
Montage : Per. K. Kirkegaard et Per Sandholt
Musique : Vladislav Delay, Jon Ekstrand, Carl-Johan Sevedag, Jonas Struck
Production : Jon Nohrstedt et Fredrik Wikström Nicastro
Production : SF Studios, Danish Film Institute, Film i Väst, Finnish Film Foundation, Nordisk Film
Distribution : Nordisk Film, Pretty Pictures (France)
Genre : Biopic
Date de sortie française : 8 novembre 2017
Suède – Danemark – Finlande – 2017