Dans Toubab, Nuria Tamarit narre le voyage initiatique de Mar, une adolescente confrontée à la découverte d’une culture radicalement différente, au Sénégal. À travers ses yeux, nous explorons les thèmes de la croissance personnelle et de la découverte culturelle.
Mar est une jeune fille de 17 ans assez ordinaire : un peu trop connectée et nombriliste, elle a du mal à imaginer ses journées sans les notifications qui les rythment habituellement. La voilà cependant entraînée, un peu malgré elle, dans un voyage au Sénégal avec sa mère, dans le cadre d’une mission humanitaire. Sa dépendance aux réseaux sociaux et son sentiment d’isolement sans connexion constante à Internet la placent d’emblée dans une posture de malaise face à cet environnement qui, de plus, lui est totalement étranger. Ce décalage amorce le premier niveau d’un voyage initiatique, où l’inconfort et le manque deviennent le terreau d’une transformation personnelle.
Car peu à peu, Mar s’ouvre aux charmes et à la richesse humaine du Sénégal. Elle découvre une société où le matérialisme et la pression capitaliste cèdent la place à l’humanité, au partage, et à une joie de vivre plus spontanée. Cette transition de Mar, d’une focalisation sur le manque à une appréciation de l’abondance tout à fait différente, souligne ce qui constitue le cœur du récit : l’éveil culturel. À travers les danses spontanées, les sourires partagés et une alimentation qui marque une rupture avec sa routine, Mar commence à percevoir le monde extérieur comme plus significatif, plus foisonnant, plus diversifié que le monde virtuel, confiné dans son téléphone.
Le récit de Toubab, prenant, s’approfondit lorsque se posent des réflexions sur les aspirations à une vie meilleure et les périls de l’émigration vers l’Occident, mettant en lumière les complexités des désirs humains face aux réalités économiques et sociales. Plus qu’un simple écho aux drames actuels et récurrents de la Méditerranée, cela pousse Mar à considérer des questions plus larges sur la vie, le bonheur et la signification de l’appartenance à une communauté. Si le Sénégal offre à ses habitants une vie riche en chaleur humaine et en plaisir partagé, il n’en demeure pas moins que les sirènes de la société de consommation bourdonnent aux oreilles des autochtones, parfois au péril de leur vie.
Un objet quotidien, la tong, devient dans l’album un symbole puissant de la découverte culturelle de Mar. Qu’importe si un homme porte des tongs normalement dévolues aux femmes, les prescriptions européennes n’ont pas voix au chapitre là-bas. Mieux, Mar apprend le concept de propriété partagée : la communauté qu’elle côtoie est riche des biens de chacun, qui sont en quelque sorte socialisés, le besoin du moment justifiant la possession, toujours éphémère. Cela aboutit à des leçons d’humilité et de partage, apprises au cours de son voyage. Ces moments symbolisent parfaitement la transformation intérieure en cours, qui sous-tend Toubab.
Nuria Tamarit problématise à hauteur d’ado ce que signifie vraiment vivre en communauté. Elle invite à (re)découvrir l’essentiel au-delà du matériel. À travers le voyage de Mar, nous sommes invités à réfléchir sur nos propres vies, sur ce qui compte véritablement, et sur la beauté de l’ouverture au monde. Ce récit, aux illustrations « spontanées », nous rappelle que parfois, pour trouver ce qui est véritablement important, il faut être prêt à se perdre dans l’inconnu.
Toubab, Nuria Tamarit
Les Aventuriers d’ailleurs, février 2024, 128 pages