Krang et Shredder sont hypothétiquement hors-jeu, de même que le Technodrome qui menaçait d’annihiler l’humanité tout entière. Les Tortues Ninja n’en demeurent pas moins confrontées à un problème de taille : maintenir en vie Donatello, le génie de la fratrie, plongé dans le coma suite à une violente attaque de Bebop et Rocksteady.
TMNT est probablement l’une des séries les plus réussies du moment. Elle parvient à faire coexister une multitude de personnages dans des arches narratives généreuses, qui évoluent de pair sans jamais se parasiter. C’est encore le cas avec ce nouveau tome. Le clan Foot semble échoir à Karai en l’absence de Shredder et cette dernière vise à en verrouiller l’entrée aux candidats extérieurs. Les Tortues font part de leurs états d’âme – Raph se confond en regrets, Mike se plaint d’un cycle de violence sans fin. Les trois frangins à carapace cherchent à redonner vie à Donnie, comateux après un combat avec Bebop et Rocksteady. Casey et son père Hun, chef de gang alcoolique, s’affrontent ouvertement. Les dragons pourpres sillonnent la ville, multiplient les provocations et initient des émeutes ou des rixes. Partout, les liens du sang sont interrogés : dans la prise de pouvoir momentanée de Karai, dans le conflit opposant Casey à Hun, dans les regrets de Raph vis-à-vis de Donnie suite à l’opération Technodrome, mais surtout dans la haine viscérale – et ancienne – que voue Shredder à Hamato Yoshi (maître Splinter).
Les dessins du Brésilien Mateus Santolouco revêtent une beauté graphique et un sens du détail tels qu’ils transportent sans mal le lecteur d’un bout à l’autre du comics. Pour maintenir l’intérêt, les scénaristes Kevin Eastman et Tom Waltz ouvrent des fronts à intervalles réguliers, charpentent un mariage de raison entre Shredder et le scientifique Stockman, recourent à une ronde de personnages hauts en couleurs – Alopex, Harold, April, Casey, le fugitoïde, les mutanimaux, etc. Les auteurs n’hésitent pas à proposer plusieurs flashbacks et à dissocier, sur plusieurs planches, l’action et les dialogues. Si cet album continue d’interroger les lieux filiaux et l’attrait du pouvoir – une constante dans l’univers des Tortues Ninja –, il est aussi question, d’une manière probablement plus discrète, de transhumanisme : l’esprit de Donnie ayant été « reversé » dans un robot, ce dernier s’aperçoit des limites de ses capacités naturelles d’apprentissage, de calcul ou de déduction. En alliant la technique au biologique, Donatello s’est vu doté d’aptitudes inconnues jusque-là – et qui rencontrent évidemment un écho particulier chez lui. Ce huitième tome se referme en outre sur un climax prometteur, annonciateur de batailles épiques et chargées de symboles. On attend donc la suite avec impatience.
Vengeance (première partie), Mateus Santolouco, Kevin Eastman et Tom Waltz
Hi Comics, septembre 2019, 112 pages