Dans Mon âme vagabonde, Tohar Sherman-Friedman nous invite à partager son intimité. Ce roman graphique empreint de sincérité et d’authenticité se veut foisonnant de monologues introspectifs, au sein desquels l’autrice explore les tourments de sa génération, ses angoisses personnelles et sa place dans une société en constante mutation.
Tohar Sherman-Friedman est une jeune femme pleine de doutes, de peurs et d’aspirations parfois floues. Son roman graphique, autobiographique, est résolument tourné vers l’introspection, et les questions existentielles s’y mêlent aux réflexions générationnelles, qui les englobent. C’est avec une précision parfois désarmante que l’illustratrice israélienne radiographie ses affects, ses troubles, les relations interpersonnelles qu’elle noue – ou fuit.
Poursuivant sur la lancée de son premier succès, Les filles sages vont en enfer, Tohar Sherman-Friedman se livre pleinement, dans un récit découpé en chapitres organisés autour des expériences marquantes de sa vie. De sa lutte contre l’anxiété quotidienne à ses interrogations sur son identité, son corps et sa carrière, chaque page est un pas de plus dans le jardin secret de l’autrice. Les récits de la pandémie de Covid-19, de sa vie amoureuse et des défis du quotidien se succèdent, peignant le portrait d’une femme incertaine, vulnérable, peu à l’aise avec son corps.
Mon âme vagabonde interroge à sa manière la place de la femme dans la société contemporaine. De la maternité, envisagée avec un mélange d’envie et d’appréhension, à la réduction mammaire, en passant par la jalousie féminine, Tohar Sherman-Friedman aborde sans détour les thématiques liées à la féminité. Elle expose avec profusion ses interactions avec son compagnon, entre tendresse et remises en question, et partage ses luttes intérieures, comme les angoisses, tenaces, parfois envahissantes, et son rapport conflictuel à son corps – elle déteste par exemple sa poitrine.
L’évocation de sa scolarité dans une école de design en Israël offre un aperçu de son cheminement professionnel et créatif, tandis que la santé mentale est convoquée à différents moments, et notamment par le truchement d’une dépression diagnostiquée… par un test de personnalité en ligne. L’univers intérieur de l’autrice est riche et a vraiment de quoi passionner le lecteur. Sans égocentrisme, Tohar part de sa situation personnelle, qu’elle met à nu, pour finalement se faire ambassadrice (inavouée) de tous ceux, nombreux, qui se retrouveront en tout ou en partie dans ses descriptions.
Mon âme vagabonde est une œuvre introspective et universelle, où Tohar Sherman-Friedman se fait le miroir des angoisses, des doutes et des aspirations d’une génération en quête de repères. Avec sensibilité et acuité, elle offre un regard empreint de sincérité sur ses sentiments, les épreuves qu’elle traverse et la manière dont elle les appréhende.
Mon âme vagabonde, Tohar Sherman-Friedman
Delcourt, mars 2024, 152 pages