Emmanuelle Devos et Grégory Montel suffisent à porter ce film intimiste qui invite à découvrir un sens trop négligé, au travers d’un métier fantasmé. Guillaume, chauffeur privé, fait la connaissance de sa nouvelle cliente, Anne, qu’il doit accompagner en France au gré de ses déplacements professionnels. Il ignore tout de son métier qui semble consister à sentir, noter et reproduire des odeurs. Qu’est-ce qu’un nez et comment sa profession impacte-t-elle son quotidien et vice-versa ? Grégory Magne explore bien ces questions dans son film, Les Parfums, sorti en DVD le 3 novembre.
Peu de temps morts pour une intrigue renouvelée
N’avons-nous pas de plus en plus cette mauvaise habitude qui consiste à délaisser au bout de vingt, trente, quarante minutes les images du film ou de la série qui passe dans notre écran de télé, au profit des notifications de notre smartphone ? C’est le signe irréfutable qu’on a décroché d’une histoire qui arrive à la phase des longueurs et autres lenteurs. Surprise : la construction des Parfums évite cet écueil devenu presque la norme. Plusieurs éléments du film de Grégory Magne empêchent le spectateur de s’ennuyer.
L’enchaînement dynamique de scènes y est pour beaucoup : les séquences sont courtes et toujours composées de scènes rapides avec de fréquents changements de décors au gré des déplacements des personnages. Le croisement des vies des deux protagonistes, en particulier la vie de Guillaume, son existence récente de divorcé, les visites à sa fille, et bien sûr, son travail de chauffeur auprès de sa nouvelle cliente, cette femme stricte au métier intrigant… Tout concourt à accrocher le spectateur qui veut en savoir plus et n’a pas le temps de trouver longue cette comédie douce.
Le monde du parfum ou des odeurs ?
Mais le point fort de ce film est sans conteste son sujet, assez méconnu du grand public. Quand on veut éviter le vu et revu, autant choisir un thème assez discret. Les Parfums est un titre simple, qui pourtant ne perd pas la force nécessaire à englober l’entièreté d’un univers olfactif qu’on a du mal à imaginer. D’ailleurs, un autre film explorant le même thème dispose d’un titre à peine différent : Le Parfum de Tom Tykwer d’après le livre éponyme de Patrick Süskind, preuve en est que ce seul mot suffit à attiser le mystère pour le monde des senteurs.
Le film de Grégory Magne plaira à beaucoup car il permet la découverte d’un intérêt pour les odeurs dans un contexte ordinaire, dans la vie quotidienne, sans recours à une forme de fantaisie qui pourrait s’attacher au thème, et sans une démonstration trop documentaire. Le métier de nez, ses possibilités et ses difficultés, est montré à travers la vie du personnage d’Anne, autant que sa vie est montrée à travers son travail, art qui a fini par se mêler à son quotidien. Anne ne parle presque que d’odeurs et sa capacité à détecter des parfums paraîtrait presque une seconde vision, odeurs qu’elle connaît et nomme avec une science qui impressionne et rend curieux.
C’est une des forces du film : nous donner envie à nous, citoyens lambda, affairés à notre vie tour à tour palpitante et morose, de manifester de l’intérêt pour celui de nos cinq sens auquel l’on fait sans doute le moins attention, notre odorat. Le personnage d’Anne Walberg nous apprend sans didactique que l’odorat n’est pas destiné à se manifester à notre esprit uniquement en présence d’une odeur fortement agréable ou désagréable : il y a bien plus à sentir ! Comme par exemple ce savon de notre enfance, jaune, en forme de citron, dont on apprend qu’il est à base d’huile de coprah, et son porte-savon métallique accroché au mur ?
Les Parfums : un passage entre les êtres ?
C’est finalement ce monde invisible des odeurs, difficile à imaginer et bien trop négligé qui servira de pont entre deux personnages que tout oppose, à commencer par leur milieu d’origine. Porté par les compositions douces de Gaëtan Roussel, sans histoire d’amour forcée, Les Parfums est de ces films qui montrent comment, pas à pas, une rencontre change plusieurs vies, très progressivement. Sans larmoiements (notamment autour du divorce de Guillaume et de son envie de garder sa fille), en évitant un vu et revu, si ce n’est dans la structure, Les Parfums captivera ses spectateurs en les invitant à découvrir la puissance des odeurs et leur variété, tout en suivant l’histoire d’un chauffeur divorcé, en pleine évolution, et d’un nez en perdition.
Les Parfums est un film ancré dans un quotidien terre-à-terre qui réussit ce pari étrange de pour autant nous entraîner vers un univers trop méconnu. Avec deux interprétations très justes, l’une dans la retenue dans le cas d’Emmanuelle Devos, l’autre dans une énergie adaptée quant à Grégory Montel, et un déroulement qui emmène un spectateur qui n’anticipe pas l’intrigue, le long-métrage de Grégory Magne est une belle découverte.
Les Parfums : bande-annonce
Fiche technique :
Réalisateur et scénariste : Grégory Magne
Casting : Grégory Montel, Emmanuelle Devos
Montage : Béatrice Herminie, Gwenaëlle Mallauran
Musique : Gaëtan Roussel
Sortie : 2020
Pays : France
Version originale : français
Genre : comédie
Durée : 100 minutes