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Cannes 2019 : Dogs Don’t Wear Pants de Jukka-pekka Valkeapää, la douleur du deuil

La Quinzaine des réalisateurs aime nous faire découvrir des talents ou des points de vue différents. Et ça tombe bien, car c’est le cas de Dogs Don’t Wear Pants de Jukka-pekka Valkeapää, un film qui voit dans le SM une heureuse façon de se sortir du guêpier qu’est le deuil et la dépression.

Quelques années après la mort de sa femme, Juha n’arrive toujours pas à surmonter le drame. Il se sent seul, et ne se détache pas du souvenir de sa femme. Lorsqu’il se branle, par exemple, il s’embaume du parfum de sa défunte épouse : une manière assez acide et glauque de concevoir la sexualité lors du processus du deuil. Comme s’il ne pouvait pas trouver du plaisir sans qu’elle ne soit encore présente ou sans que son souvenir ne puisse hanter l’inconscient de Juha. Tout comme elle hante les images du film où Juha s’imagine, dans des scènes extrêmement sensorielles, en train de nager ou de plonger avec elle dans les abimes du lac où elle s’est noyée.

A cet effet, le film marque son récit d’une drôle d’ironie : faire que Juha soit chirurgien spécialisé dans la cardiologie alors que lui-même a le cœur en vrac. Drôle de coïncidence, forcée mais évocatrice et c’est toute la thématique du film qui se recentre sur ce point d’ancrage : comment se raccrocher à la vie et déboutonner le costume d’une mort qui se rapproche à petit feu. Pourtant, alors qu’il accompagne sa fille à une séance de tatouage, il va découvrir l’arrière-décor de la boutique et tomber nez à nez avec une dominatrice SM, Mona. Il va alors entreprendre des séances avec Mona en se faisant étrangler avec un sac plastique sur la tête afin de trouver un état stationnaire où il pourra de nouveau retourner dans ses propres souvenirs et revoir enfin sa femme. Relation sentimentale déviante, récit initiatique, incrustations sensitives, beauté du cadre, fétichisme et imagerie du monde SM clinquantes mais qui n’ont pas froid aux yeux, scènes coup de poing, ironie noire et burlesque dans les dialogues : Dogs Don’t Wear Pants ne manque pas de qualités qui officient autant pour la construction de l’empathie envers les personnages que pour la tragédie qui se déroule sous nos yeux.

Pourtant, c’est indéniable, Dogs Don’t Wear Pants n’est pas de la trempe d’un David Cronenberg ou n’a pas les effusions aussi sanguinolentes, suicidaires et répulsives d’un film comme Dans ma peau de Marina de Van : certes la douleur est une passerelle vers la connaissance de soi, une main tendue vers l’abandon et vers une certaine ramification avec la vie, mais Jukka-pekka Valkeapää veut surtout montrer le pouvoir résilient de cette pratique. Sa femme est un fantôme qui emboîte ses pas durant l’intégralité de son quotidien : il rate le coche avec sa fille, s’isole à son travail où il est limite considéré comme un mort vivant et détruit malgré lui ses relations sentimentales. Même si parfois le film s’appesantit un peu trop sur une mise en scène un peu tape à l’œil,  aussi chromatique qu’esthétisée et met en lumière une deuxième partie de film qui semble perdre un peu de vue l’envergure et la puissance de son sujet, Dogs Don’t Wear Pants est avant tout un beau portrait, entre légèreté et détresse inconsolable, entre pudeur et violence, d’un homme en quête, non pas de sensation forte, mais dont le souhait principal est celui de retrouver le goût à la vie. De retrouver cet émoustillement vital et sensoriel, pour enfin, une fois pour toute, dire au revoir à sa femme et se reconstruire.

Synopsis : Juha a perdu son épouse, victime d’une noyade. Des années plus tard, incapable de surmonter cette tragédie, il vit replié sur lui-même. Sa rencontre avec Mona, une dominatrice, va modifier le cours de son existence. Koirat eivät käytä housuja explore le vertige des sentiments, entre la perte et l’amour.

Le film Koirat Eivät Käytä Housuja (Dogs Don’t Wear Pants) de Jukka-pekka Valkeapää, est présenté à la Quinzaine des Réalisateurs au Festival de Cannes 2019

Avec Ester Geislerová, Ilona Huhta, Jani Volanen, Krista Kosonen, Oona Airola, Pekka Strang…
Genres Drame, Thriller
Date de sortie Prochainement
Durée : 100 minutes
Nationalités Finlandais, Tchèque, Letton