L’inconnu du lac : Chasse à l’homme, passion amoureuse et thriller sexuel
Précédé d’un excellent accueil à Cannes et de ridicules polémiques à propos d’une affiche qui heurterait les âmes sensibles (A Versailles et St Cloud, l’affiche a été interdite. Rappelons simplement que cette affiche ne présente que deux hommes s’embrassant sur des teintes d’aquarelle, rien de vraiment choquant !), le quatrième long-métrage d’Alain Guiraudie, est un savant mélange de genres, entre comédie sentimentale et film policier.
Au début du film, le réalisateur aveyronnais nous propose une ballade solaire et érotique sur une plage ensoleillée, un lieu de rencontres pour hommes d’âges différents qui se dorent au soleil, nagent, se draguent, cherchent le compagnon éphémère d’une étreinte, puis se quittent, le plus souvent s’oublient, le lendemain reviennent. Le lieu du parking symbolise ce huis clos à ciel ouvert, ce mouvement perpétuel, cette routine filmée avec un grand réalisme. Un film sur le désir, sur l’attirance physique, sur la passion, sur l’essence même de la vie. Alain Guiraudie revendique le même regard de libertin classique qui a présidé à l’ensemble de son œuvre. Il aborde frontalement les codes de l’homosexualité.
Ensuite, le film bascule dans un polar angoissant où le plaisir rejoint la douleur et la mort. Franck veut s’attaquer à l’amour passion. Il a bien vu cet homme, Michel, ce tueur charismatique aux mobiles mystérieux, noyer un compagnon de plaisir, mais tout le pousse vers lui, un irrésistible élan, un irrésistible amour. Aussi va-t-il le suivre, goûter ses caresses alors même qu’il sait que la mort ne peut que s’ensuivre. L’inconnu du Lac décrit le chemin de nos vies entre Eros et Thanatos. La lumière et la photographie sont sublimes. La mise en scène épurée, de style classique, est solaire et sombre à la fois. C’est un film d’une grande beauté plastique, au rythme lent, une vraie poésie de la nature, pas très éloignée de La nuit du chasseur de Charles Laughton (1955), où l’on prend le temps de contempler, avec de grands plans larges et fixes, comme la scène de la noyade, filmée à distance, dans une sorte de discrétion glaciale. La langueur crée une atmosphère reposante accentuée par une bande-son se limitant aux bruits naturels : clapotis du lac, vent dans les arbres, déplacements dans les fourrés, étreintes des corps….
Soulignons également le talent de ses interprètes : Pierre Deladonchamps (Franck) en personnage naïf et sentimental, vivant sereinement son homosexualité, faite de désirs soudains et d’étreintes rapides : Christophe Paou (Michel) au rôle complexe et dont les motivations restent floues : un homosexuel refoulé, un psychopathe aux intentions criminelles, une sorte de Barbe-bleue homosexuel ou une métaphore plus profonde du sida ? De ce film ressort aussi la solitude de certains personnages, leur besoin de lier connaissance, de se lier d’amitié, à travers le jeu magnifique de Patrick d’Assumçao (Henri) avec sa prestance charnelle, incarnant un personnage moral et docile qui tente de se faire une place d’acolyte et qui n’y parviendra que par un ultime sacrifice.
Si L’Inconnu du Lac bâcle sa part d’ombre criminelle et son dénouement, il n’en demeure pas moins un grand film sur la passion et le désir, une œuvre hédoniste oscillant avec intelligence entre thriller et comédie sentimentale, un conte de fées inclassable, lumineux et sidérant, avec un petit Poucet et un prédateur qui sort du bois la nuit tombée. A conseiller à un public averti et éclairé.
Synopsis: L’été, un lac quelque part dans le sud de la France, un lieu de drague pour hommes. Franck (Pierre Deladonchamps) tombe amoureux de Michel (Christophe Paou) un homme beau, puissant et mortellement dangereux. Une histoire d’amour démarre. Un cadavre remonte à la surface… Frank sait que Michel est le tueur, mais il se laisse submerger par cette passion destructrice…
L’inconnu du lac : bande-annonce
L’inconnu du lac : Fiche technique
Réalisateur : Alain Guiraudie
Scénario : Alain Guiraudie
Interprétation : Pierre Deladonchamps (Franck), Christophe Paou (Michel), Patrick d’Assumçao (Henri), Jérôme Chappatte (Inspecteur Damroder)…
Photographie : Claire Mathon
Montage : Jean-Christophe Hym
Direction artistique : Roy Genty, François Labarthe et Laurent Lunetta
Producteurs : Sylvie Pialat et Jean-Laurent Csinidis
Société de production: Les Films du Worso
Distribution : Les Films du Losange
Budget : 900 000 euros
Festivals et récompense : Selection officielle à Cannes où il a gagné le prix de la mise en scène et, parallèlement, la Queer Palm
Avertissement : Interdit aux moins de 16 ans
Durée : 97 minutes
Genre : Policier, romance
Date de sortie : 12 juin 2013
France – 2013