Film préhistorique
En 2015, les années 80-90 ont vraiment la cote et il y a une volonté générale de rechercher à tout prix ce charme d’antan qui a vu naître l’âge d’or des blockbusters en mélangeant spectacle visuel abouti et maîtrise d’écriture. Un savoir-faire qui s’est un peu perdu avec les années qui ont vu les films à gros budgets devenir calibrés et fades notamment avec l’émergence des films de super-héros et ce malgré quelques belles fulgurances. Et cette année, cette volonté de replonger dans le passé vient de causer la multiplication de remakes/reboots/suites qui devraient marquer le cinéma pour les années à venir. Mais cette tendance est-elle une bonne chose ? Arrivera-t-elle à réactualiser le charme à l’ancienne tout en proposant quelque chose de nouveau et respectueux des origines ? Après la fabuleuse réussite qu’était Mad Max Fury Road, on est en droit de rêver. Mais avant Terminator, Star Wars & Co, qu’en est-il de l’héritage du mythique Jurassic Park ?
La saga avait déjà été un peu maltraitée avec un deuxième opus moins maîtrisé que son aîné mais qui restait malgré tout réussi grâce à des belles intentions de mise en scène. Ensuite l’ensemble s’était un peu égaré avec un troisième film relativement moyen qui était en contradiction avec les deux autres opus, surtout dans la caractérisation des personnages. Il disposait quand même d’une ou deux excellentes séquences (celle de la volière en particulier). Alors qu’en est-il de ce nouveau film qui vient faire suite au premier opus (sans pour autant renier les autres) plus de 20 ans après ? Et bien ce Jurassic World est tout simplement le moins réussi de la saga, se révélant encore plus décevant que le troisième opus qui l’était déjà. Le film loupe toute ses intentions de base, qui pourtant n’étaient pas mauvaises, en voulant absolument s’ériger en film hommage, il oubli de créer sa propre mythologie et de fonctionner en tant qu’œuvre à part entière. On a un peu l’image d’un gosse hyperactif qui court dans tous les sens mais sans cesser de regarder en arrière et, ne regardant pas où il va, se prend tous les obstacles sur son chemin et se ramasse lamentablement. Pour autant il continue de se relever et poursuit sa course effrénée, ce qui d’une certaine manière est honorable.
Après les intentions sont bonnes et même certaines idées sont bien trouvées comme par exemple le traitement fait au « dressage » de raptor qui se montre moins ridicule que prévu et plutôt bien géré, même si le final vient un peu casser tout ça. Malheureusement l’écriture se montre particulièrement faible. La narration tout d’abord est bancale et trop verbeuse, le film met beaucoup trop de temps à se lancer à cause de blabla inutiles, là où Spielberg se contentait de nous montrer les enjeux avec brio en se passant d’exposition pompeuse. Ici la première heure se fait vraiment trop pénible en partie car elle se repose sur des personnages inintéressants et mal caractérisés. Ensuite aucun d’entre eux n’est attachants ou charismatiques à l’image d’un héros très fade qui fait ersatz beauf d’Indiana Jones, des adolescents stupides et têtes à claques (après cela a toujours été la faiblesse de la saga) et des personnages féminins relativement mal exploités. Sans parler aussi d’un méchant caricatural qui n’a pas sa place dans le film et d’un personnage qui revient du premier film mais où sa psychologie à totalement été remaniée et cela ne lui va pas une seconde. Faisant par ailleurs une grosse insulte au premier film. Aucun des personnages n’a vraiment d’incidence sur le récit, ils ne sont que spectateurs et chacune de leurs tentatives se soldent par des échecs faisant des dinosaures les seuls « personnages » d’intérêts du film. Cela fait que l’on est déconnecté du film qui n’a finalement rien à offrir sur le plan narratif. Même dans ses tentatives méta, avec un message sur la jeunesse qui ne s’émerveille plus et qui à toujours besoin de plus que ce qu’on ne lui offre cela manque cruellement de subtilité et d’intelligence d’écriture.
Par-dessus ça même les acteurs peinent à faire croire au récit notamment Chris Pratt qui devient ici la caricature de lui-même, il n’a jamais été habitué au rôle finement écrit mais là où ça servait bien le film dans Guardians of the Galaxy, ici c’est en total décalage allant même jusqu’à déjouer tout enjeux dramatiques. Car à trop faire son show en essayant d’amuser la galerie il devient un clown qui n’a pas sa place dans le film et il cabotine beaucoup trop enlevant toute crédibilité à son personnage. Après le reste du casting n’est pas non plus des plus convaincants mais arrive néanmoins à faire le job comme Bryce Dallas Howard, l’atout du film, qui arrive à faire croire à l’entreprise malgré le mauvais traitement de son personnage. Ensuite Omar Sy est inutile, personne ne l’écoute et au final tout le monde s’en fout, notre acteur national méritait mieux pour le coup, tandis que Vincent D’Onofrio s’amuse comme un gosse et joue à fond la caricature.
Ensuite là où on attend vraiment le film c’est sur sa mise en scène et son aspect technique, ce qui faisait la force de son aîné mais ici sans être mauvais ce n’est pas à la hauteur de l’héritage de la saga. Les effets spéciaux sont parfois ratés et manquent cruellement d’âme mais le montage se montre plutôt efficace assurant un rythme soutenu au film et empêchant tout ennuie surtout dans la deuxième partie du film. Tandis que le score musical de Michael Giacchino est assez inspiré même si il réexploite maladroitement le thème culte de John Williams. La mise en scène de Colin Trevorrow quant à elle se montre plutôt maîtrisée mais elle manque singulièrement de caractère. Elle est spectaculaire mais jamais mémorable, aucunes séquences ne marquent les esprits et l’ensemble se révèle assez fade à cause de cela, surtout qu’il y a un manque flagrant d’émotions. Sur ce plan une seule scène se montre efficace et bien fichue, c’est la seule qui implique un animatronique et qui arrive à toucher du doigt l’essence du film d’origine. Qu’on se le dise, c’est la meilleure scène du film. Après celui-ci cumule les placements de produits foireux et se perd dans un final aberrant et ridicule dans son principe comme dans sa manière d’être filmé qui non seulement se montre grossière, avec des plans iconiques sortis d’un mauvais nanar (les plans de fin sont nullissimes) et des facilités narratives agaçantes en utilisant pas un mais trois Deus Ex Machina, mais qui en plus renies toute les bonnes idées que le film avait réussi à mettre en place.
En conclusion Jurassic World est un mauvais film car non seulement il ne sait pas gérer l’héritage de la saga et ainsi le renouveler mais en plus il est tout ce que le premier film n’a jamais été échouant lamentablement dans son hommage. C’est même une oeuvre qui est parfois schizophrène en dénonçant dans son message ce qu’il s’empresse allègrement de faire tout de suite après, un peu dans le style « faite ce que je dis mais pas ce que je fais », ce qui souligne une certaine mauvaise fois dans le principe du film (il critique le « too much » mais s’y plonge allègrement). Il rabâche sans cesse que c’était mieux avant mais au lieu de s’imprégner des qualités de son ancêtre et de les remodeler à notre époque il préfère se complaire dans les poncifs actuels et crée ainsi un décalage avec ce qu’il veut faire. Il cite son aîné sans jamais vraiment le comprendre et ne parvient pas à ériger sa propre voie. Après il est vrai que l’on ne s’ennuie pas devant le spectacle mais ce n’est pas pour autant qu’il est réussi car malgré ses bonnes intentions et ses quelques bonnes idées, celui-ci est mal écrit, bancalement interprété et il manque d’âme. On ne frissonne plus comme on l’avait fait par le passé ou comme nous avait fait frissonner le nouveau Mad Max, en espérant qu’il ne soit pas une exception et que le renouveau des sagas venue du passé soit plus réussi que ce que nous à offert ce Jurassic World.
Synopsis: L’Indominus Rex, un dinosaure génétiquement modifié, pure création de la scientifique Claire Dearing, sème la terreur dans le fameux parc d’attraction. Les espoirs de mettre fin à cette menace reptilienne se portent alors sur le dresseur de raptors Owen Grady et sa cool attitude.
Jurassic World / Bande-Annonce Officielle
Jurassic World : Fiche Technique
États-Unis – 2015
Réalisation: Colin Trevorrow
Scénario: Rick Jaffa, Amanda Silver, Derek Connolly, Colin Trevorrow
d’après: les personnages de: Michael Crichton
Interprétation: Chris Pratt, Bryce Dallas Howard, Nick Robinson, Ty Simpkins, B.D. Wong, Judy Greer, Irrfan Khan, Vincent D’Onofrio, Omar Sy
Image: John Schwartzman
Montage: Kevin Stitt
Musique: Michael Giacchino
Producteur: Frank Marshall, Patrick Crowley, Steven Spielberg
Production: Universal Pictures, Amblin Entertainment, Legendary Pictures
Distributeur: Universal Pictures International France
Date de sortie: 10 juin 2015
Durée: 2h05