« Introduction à la finance » : quand le « Meilleur professeur » de HEC Paris rencontre Largo Winch

Jonathan Fanara Responsable des pages Littérature, Essais & Bandes dessinées et des actualités DVD/bluray

Directeur exécutif du MSC Finance de HEC Paris, Olivier Bossard s’est vu décerner cette année le prix Vernimmen du Meilleur professeur. Dans une Introduction à la finance originale sur la forme (plus que sur le fond), il exploite l’univers de Largo Winch pour initier son lectorat aux arcanes de la finance internationale.

« Démocratiser la finance et la rendre accessible à tous » : le pari d’Olivier Bossard tient en bonne partie de la gageure. Une idée chez lui a pourtant fait son chemin en vingt-cinq ans de lecture : Largo Winch pourrait être un allié précieux dès lors qu’il s’agit de vulgariser les flash crash, les produits dérivés, les stock options, les paradis fiscaux ou la finance islamique. C’est ainsi qu’un alliage plutôt original a pris forme : des vignettes empruntées à Philippe Francq viennent doubler des textes de vulgarisation touchant aux grands domaines financiers – la bourse, la régulation, l’entreprise, la science des données… Académique sur le fond – mais rigoureuse et passionnante –, cette Introduction à la finance se distingue essentiellement par le recours à la bande dessinée comme accroche graphique et culturelle.

De l’actualité…
Ces dix dernières années, la finance a investi les médias par phases successives : crise des subprimes, affaire Madoff, problème des dettes souveraines européennes, guerre des monnaies, contentieux commerciaux américano-chinois, produits dérivés et trading à haute fréquence… Certaines de ces questions font l’objet d’une entrée, voire d’un chapitre entier, dans l’ouvrage d’Olivier Bossard. Sur les subprimes, l’auteur rappelle que des prêts douteux ont été accordés à des ménages peu solvables, avant d’être titrisés, c’est-à-dire découpés et transformés en titres échangeables, que les agences de notation peinaient à évaluer correctement. Deux phénomènes ont sous-tendu cette crise : la bulle immobilière et la volonté des responsables politiques de permettre à chacun d’accéder au logement. L’affaire Madoff est celle d’un investisseur talentueux, longtemps à la pointe dans la fourniture de capacités de transactions électroniques. Mais celui qui deviendra en 1990 le président du Nasdaq, l’un des principaux indices boursiers américains, va tromper les régulateurs (la célèbre SEC) et mettre en place un système frauduleux tentaculaire. Sa pyramide de Ponzi sera l’une des chaînes les plus ruineuses de toute l’histoire américaine : Bernard Madoff va attirer les investisseurs avec des promesses de rendements élevés, puis les rémunérer – ou les rembourser – en employant l’argent des nouveaux venus, appâtés par ces mêmes hypothèses de gains. Montant estimé de la fraude : 65 milliards de dollars. Le trading à haute fréquence (THF) est exposé par le biais de ses différentes prises de positions – sonar, liquidité fantôme, front-running… L’auteur note à son sujet plusieurs controverses, dont celle des ordres annulés (un ratio de plus de 85% sur le marché américain !). Les vignettes de Largo Winch démontrent comment des millions peuvent être amassés chaque jour grâce à la vitesse des ordinateurs, en bénéficiant de différences de valeurs infinitésimales sur différentes places boursières : on passe des milliers d’ordres en une micro-seconde, acquérant ainsi des titres d’une valeur X sur la place Y pour ensuite les revendre dans la foulée à X+0,00001 sur la place Z.

… et du fondamental
Olivier Bossard est tout aussi intéressant dans sa manière de vulgariser certains fondamentaux : les racines italiennes de la finance moderne, la gestion du risque, la survenue de krachs, le marché des dérivés, les OPA hostiles, les grandes places boursières… Dans un sous-chapitre consacré à la structure du capital des entreprises, l’auteur explique pourquoi l’endettement est parfois préféré aux fonds propres : contrairement aux dividendes, le paiement des intérêts aux banques est déductible des impôts. Il pointe aussi les trois principaux états financiers d’une société : bilan (photographie de la situation financière à l’instant T), compte de résultat (bénéfices nets) et flux de trésorerie (cash disponible). La Securities and Exchange Commission (SEC), le gendarme des bourses américaines (comme l’indique une vignette de Largo Winch), se voit analysée à l’aune de son rôle dans la protection des investisseurs et l’efficience des marchés, de sa structure organisationnelle (cinq commissaires, neutralité politique), mais aussi via le contexte de son apparition et les grandes enquêtes qu’elle a menées : British Petroleum, Madoff, 51 milliards de dollars d’amendes après la crise de 2008, etc. Le New York Stock Exchange (NYSE) et le Nasdaq se trouvent naturellement au frontispice des grandes places boursières : 10% des emplois new-yorkais seraient liés à la finance et les 180 000 employés des compagnies financières ont reçu en 2018 une prime moyenne de… 154 000 dollars ! C’est toutefois à Washington que sont édictées les règles. Et l’auteur de rappeler les rôles respectifs de la FED, du Département du Trésor, du Glass-Steagle Act, de la règle de Volcker ou encore du Congrès américain.

Introduction à la finance (Largo Winch), Olivier Bossard
Dupuis, septembre 2019, 104 pages

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