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Microhabitat - Crédits : Spectrum Films

Microhabitat : une errance douce-amère à Séoul en Blu-ray chez Spectrum Films

Retour sur Microhabitat de Jeon Go-woon et son édition Blu-ray soignée par Spectrum Films : une errance en douceur et en amertume au cœur d’une Séoul normative et sur-exigeante envers ses citoyens.

Synopsis : Mi-So, 31 ans, vivant simplement de son petit salaire de femme de ménage, adore savourer un whisky et fumer des cigarettes en rentrant chez elle le soir. À la nouvelle année 2014, suite à l’augmentation des cigarettes et plutôt que se priver de ses petits plaisirs, elle préfère quitter son logement et aller dormir sur le canapé de ses amis dispersés dans tout Séoul.

Microhabitat : rester singulier au cœur d’une société normative

Catégorisé en tant que drame, Microhabitat se révèle être un feel good movie bienvenu dont la franche réussite réside dans la rencontre entre les spectateurs et son personnage principal, merveilleusement interprété par l’actrice et modèle, Esom. En effet, Mi-So est un de ces personnages qu’on n’oublie pas. Fagotée dans plusieurs manteaux et vestons, ancienne chanteuse d’un groupe depuis longtemps dissous, la jeune femme, dont la bienveillance d’un sourire léger soutient les cœurs meurtris, tient à trois choses : son whisky, ses cigarettes et son petit-ami. Tout ce pour quoi elle travaille, économise et lutte au quotidien. Comme l’expose le film et comme l’explique la réalisatrice dans son entretien présent dans l’édition, Séoul, capitale de la Corée du Sud, exige énormément de ses citoyens. C’est même certainement la ville la plus chère du pays : loyers, objets de consommations… Même un petit logement mal isolé a son prix. Idem pour le pire des trous à louer. Quand ça n’est pas le loyer qui est cher, c’est la caution de plusieurs milliers ou voire dizaines de milliers de dollars qui vaut une fortune.

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Séoul, une ville difficile de jour comme de nuit.
Microhabitat – Crédits : Spectrum Films

Mi-So, dont le prénom signifie « micro » et « sourire », ne manque cependant pas de joie de vivre et de pragmatisme. Tout ce qu’elle désire au quotidien, c’est son alcool, ses clopes et son petit copain endetté à cause de ses études qui ne l’ont conduit qu’à pouvoir loger dans un pensionnaire de garçons. La jeune femme travaille, fait ses ménages pour de maigres salaires, en demande de nouveaux et cherche des solutions pour payer son loyer et ses consommations qui subissent l’inflation. Et ce, jusqu’au jour où elle décide de se passer de loyer pour profiter et mettre assez d’argent de côté pour un foyer correct pour elle et son petit-ami. Rien de bien audacieux, peut-on penser. Sauf que Mi-So désire peu dans une ville qui exige beaucoup trop.

Mi-So entreprend de renouer avec les anciens membres de son groupe de musique. Son parcours teinté de nostalgie va l’amener à reconsidérer sa position sociale d’ailleurs parfois critiquée par le regard embourgeoisé de vieux amis. De la même manière que Bill Murray dans Broken Flowers, Mi-So connait plusieurs étapes au fur et à mesure des amis musiciens qu’elle retrouve. Certaines sont emplies de tristesse évidente ou de chagrin caché, d’autres de honte ou d’absurdité virant à la situation humoristique. Toutefois, Mi-So saura apporter un peu de lumière à chacun de ses anciens camarades. Travailleuse et bienveillante sans le sou ou presque, le personnage va aussi, à travers ce parcours qui se révélera être initiatique, définitivement se comprendre et s’accepter comme un être singulier – cessant par exemple de prendre son traitement empêchant ses cheveux de devenir complètement blancs – et modeste, une outsider dans un cosmos économique et social dangereusement normatif et capitaliste incarné ici par Séoul, cette ville dans laquelle elle tiendra toujours à goûter son verre de whisky choc et fumer ses cigarettes chics.

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Du sang pour des places de cinéma.
Microhabitat – Crédits : Spectrum Films

Microhabitat : sur l’édition Blu-ray signée Spectrum Films

L’édition Blu-ray + DVD de Microhabitat – unique au monde – est une franche réussite. Spectrum Films propose le film avec une présentation vidéo formidable tout en nuances colorimétriques et lumineuses ainsi qu’en précision. Pas de grain puisque filmé numériquement, le master ici encodé est continuellement formidable. On retiendra un très discret bruit sur quelques plans ainsi qu’un étrange halo survenu à la fin d’un plan de ville nocturne. Rien à redire du côté la bande sonore stéréo elle aussi nuancée et chaleureuse.

microhabitat-de-jeon-go-woon-visuel-de-l-edition-blu-ray-spectrum-filmsL’expérience du film est excellemment complétée par ses bonus. On a bien sûr la présence de la bande-annonce. Surtout, on trouve une (très longue) présentation du long métrage par Antoine Coppola, professeur de cinéma à l’université de Séoul, spécialiste du cinéma coréen et réalisateur de documentaires. Ce dernier revient avec une passion tranquille – le temps d’une cinquantaine de minutes – sur les rapports que la fiction filmique entretient avec la réalité de Séoul, sur la conception du film ainsi que sur la réalisatrice. Enfin, l’éditeur a complété l’ensemble avec la présentation de deux courts-métrages de la réalisatrice : Bad Scene (2012 – présenté en 1080p HD) et Too Bitter To Love (2008 – en 1080i, peut-être un upscale d’un format plus petit). Les deux courts métrages s’intéressent à la place de la femme dans une société patriarcale. Le premier met en scène une actrice déjà trop vieille pour des rôles de jeune star. Celle-ci va devoir affronter l’idée de tourner une scène de sexe en tant que rôle mineur. Elle y arrivera en s’acceptant, en assumant d’être une jeune femme de presque trente ans, cessant de se cacher derrière des corsets de gros scotch pour tenter de répondre aux canons féminins installés et recherchés par le marché répondant à la gente masculine. À l’inverse, la protagoniste de Too Bitter To Love ne pourra assumer l’épouvante qui la consume. Peu après avoir fait l’amour pour la première fois avec un jeune homme à l’écoute, elle est violée par son plus vieux voisin alors que le premier, sur le retour d’une course, n’intervient pas. Le court métrage se termine en silence, la jeune fille ne pouvant rien expliquer à ses parents, et attendant des nouvelles du garçon. Réalisés en 2008 et 2012, les deux courts métrages et le long métrage Microhabitat – pour rappel, réalisé en 2017 – mettent ainsi en exergue un usage du cinéma par Jeon Go-woon comme un outil narratif d’expression contre les cadres socio-économiques qui soumettent les individus et personnages qui, pour leur part, ne doivent rien lâcher.

Microhabitat de Jeon Go-woon – Bande-annonce

CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray

BD50 – 1080p HD – Encodage AVC – 1.85:1 – Version originale coréenne DTS-HD Master Audio 2.0 – Sous-titres français – Édition Spectrum Films – Corée du Sud – 2017 – Drame/Comédie dramatique – Durée : 104 min

COMPLÉMENTS

Présentation du film par Antoine Coppola (53 min)

Interview de la réalisatrice (7 min)

Courts-métrages de Jeon Go-woon: Bad Scene (18 min) et Too Bitter To Love (22 min)

Bande-annonce du film

Sortie en juillet 2020 – prix indicatif public : 25€