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L’Étrange Festival : des films à l’imaginaire torturé

Deuxième jour à L’Étrange Festival, et sept films de plus à notre tableau de chasse (dont trois à découvrir ici) :

Patchwork, Psycho-raman, Girl Asleep et Être Cheval

Dans la pure veine des comédies fantastiques des années 80, Patchwork nous propose une relecture moderne et surtout à 300% féminine du mythe de Frankenstein. Un pur délire trash, dont la seule différence notable avec ses modèles évidents (qu’il s’agisse de Re-animator ou de Human Centipede) est sa nette volonté de se montrer féministe. Avec son image déplorable du mâle dominant américain et son sous-texte sur la place de la femme dans une société phallocrate, on aurait presque eu du mal à croire que le film soit signé par un homme, mais au vu de la connerie assumée de son développement, le doute n’est plus permis. Bien qu’il soit maladroitement charcuté en 8 parties, le scénario livre tout de même son petit lot de surprises, parfois prévisibles mais toujours amenés de façon à faire se cohabiter l’humour et le gore. Et ça, ça fait plaisir !

Deux ans après avoir choqué le Festival avec son Ugly, Anurag Kashyap revient avec Psycho Raman, dont le nom est emprunté à un célèbre serial-killer qui, dans les années 60, fit plus d’une quarantaine de victimes à Bombay. Le film nous fait suivre, non pas le parcours de ce tueur, mais d’un autre dangereux criminel qui partage le même prénom. Nawazuddin Siddiqui (qui tenait déjà l’un des rôles principaux de Gangs of Wasseypur, le plus gros succès du réalisateur en Europe à ce jour) incarne ici un psychopathe redoutable dans les exactions se font dans des scènes d’une intensité terrifiante. Mais, la plus atroce de celle-ci étant la première, la suite va rapidement se mettre à tourner quelque peu à vide, d’autant que l’enquête policière en parallèle se retrouve complètement éclipsée par la vie privée tumultueuse du commissaire en charge de l’affaire. L’idée de lien unissant le flic et le tueur apparait trop rapidement comme une évidence, tant le traitement des deux personnages et de leur violence est construit de manière diamétralement opposé. Même s’il est finalement bien amené, nous révélant une part jusque-là insoupçonné de l’esprit retors du tueur, le twist final ne parvient pas à lui-seul à justifier l’énorme maladresse de ce qui l’a précédé.

Ce ne serait pas étonnant que, un an après que Moonwalkers et son imagerie très sixties, ait remporté le Grand Prix du Jury, ce soit au tour de l’univers visuel, cette fois estampillée seventies, de Girl Asleep d’être récompensé par les spectateurs du Festival. Directement adapté d’une pièce de théâtre, ce film australien nous fait profiter d’une direction artistique aussi follement kitsch et pastelle que celle d’un Wes Anderson. La comparaison semblait inévitable. Mais, derrière cette plastique vintage agréablement superficielle, se cache un discours universel puisqu’il s’agit ni plus ni moins que du difficile passage à l’âge adulte d’une jeune fille de 14 ans, qui vient d’emménager dans un nouveau collège et dont les parents ont la bonne idée d’inviter ses camarades qu’elle connait à peine à sa fête d’anniversaire. Les situations qui en découlent sont éminemment rocambolesques et écrites avec un second degré fort jubilatoire, mais l’on en retiendra surtout l’univers onirique dans lequel ira se réfugier l’héroïne pour apprendre à s’y émanciper. Pas de chance, cette partie charnière, plus chargée en symbolique lourdaud qu’en véritables gags visuels, est moins enthousiasmante que peut l’être la réalité, pourtant morose mais mise en scène avec une magnifique énergie.

Parce que l’Etrange Festival a aussi son lot annuel de documentaires, Etre Cheval a tout à fait sa place dans la sélection de cette édition. Non pas qu’il ait vocation à nous faire découvrir des individus que nous jugerions « étranges », mais au contraire parce qu’il interroge sur le regard que l’on peut porter sur certaines personnes aux pratiques anticonformistes. Car comment qualifier autrement les adeptes du pony-play ? Suivi(e) pendant plusieurs années par le documentariste Jérôme Clément-Wilz, Karen (homme ? femme ? peu importe finalement)  s’est laissé filmer pendant un de ses voyages en Floride, au cours duquel il a pris plaisir à se transformer en cheval et à se faire dresser par un cow-boy. Des scènes intimes surréalistes, voire perturbantes, mais qui finissent peu à peu à devenir touchantes, notamment grâce à la dimension quasi-mystique que le réalisateur laisse infuser dans sa mise en scène. Aussi rebutante que puisse paraitre l’idée d’être harnaché et traiter comme une bête, on en vient à être heureux pour les pratiquants de cette forme de fétichisme d’avoir ainsi réussi à dépasser les questions de sexe, de genre, et même d’humanité. Troublant et poétique à la fois, en un mot étrange.

 

Rédacteur