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FEFFS 2015: Taxi, nécrophilie et rétro-futurisme

Les pérégrinations d’un reporter au FEFFS 2015 : projections des films Night Fare, The Corpse of Anna Fritz et Turbo Kid.

Pour rattraper la projection catastrophique de minuit d’hier, il avait été convenu avec certains festivaliers d’aller se soûler au bar. Pour se désaltérer dans un premier temps, mais également pour cracher sur les vilains petits canards de la sélection. On se retrouve donc au Berthom de Strasbourg, jouissant de l’happy-hour et d’une Maredsous bien agréable. L’arrivée d’un nouveau festivalier à Strasbourg nous permet de lui faire quelques recommandations sur les films à voir, mais surtout sur ceux à ne pas voir. Emelie, Ava’s Possession, Howl sont ceux qui reviennent régulièrement tandis que j’hésite à recommander ou non Crumbs. Mais en le décrivant comme un film dans la lignée d’un Jodorowsky, mes compagnons de festival sont encore plus excités par ce film qu’ils ne pourront voir nul par ailleurs. Quoi qu’il en soit, en ce qui nous concerne ce soir, on espère au minimum se marrer un peu, car la sélection jusqu’à présent est un peu pâlotte. Rien de véritablement jouissif ou transcendant. Notre programme commencera donc par un film français en présence de l’équipe du film, un long métrage espagnol nécrophile et un film de minuit rétro-futuriste. Moi qui avait espéré assister à la séance de Cop Car à 22h, une bénévole m’apprend que la séance est complète. Un « ah merde » m’échappe, mais je décide très sagement d’assister à la séance de The Corpse of Anna Fritz, film espagnol que je souhaitais pourtant éviter. Mais soit je m’y plierai. Alors, visionnons mes bons !

[CROSSOVERS] Night Fare

Réalisé par Julien Seri (France, 2015). Sortie en salles françaises le 04 novembre 2015.

Synopsis:  Luc et Chris, son ami anglais, montent dans un taxi pour rentrer chez eux après une soirée parisienne bien arrosée. Arrivés à destination, ils s’enfuient sans payer la course. Ils sont tombés sur le mauvais chauffeur… Le taxi va se mettre en chasse toute la nuit. Mais, est-ce vraiment l’argent qu’il veut ?

Night Fare est la nouvelle preuve qu’un film de genre français peut être produit en marge du système. En ayant récolté plus de 50 000€ sur le site de crownfunding Ulule, Julien Seri a pu concrétiser ce Night Fare, sorte de croisement entre DriveDuel et Collatéral avec une dose de surréalisme totalement inattendue. Pourtant, Julien Seri n’est pas un inconnu du milieu du cinéma puisqu’il a déjà eu l’occasion de travailler avec Luc Besson, et ses faits d’armes s’intitulent Yamakasi-Les Samourais des temps modernes, Les Fils du Vent et Scorpion. Des films dispensables mais qui témoignent de la nervosité d’un réalisateur qui privilégie l’action au reste. Night Fare n’échappera pas à la règle et on pourrait presque s’en réjouir tant les combats s’avèrent rythmés, bien fichus et haletants. Je dis « presque » car le scénario a dû mourir en cours de tournage. Démarrant autour d’un triangle amoureux, le récit dévoile quelques flash-backs sur le passé des personnages principaux tandis qu’on apprend qu’il y a une organisation beaucoup plus importante derrière ce croque-mitaine conducteur de taxi, et qu’elle remontrait au Moyen-Age (!!!). C’est là que le film nous perd en route. Avec un scénario qui avance dans une complexité inutile et une organisation de chevaliers de la nuit, Night Fare ne devient plus que l’ombre de lui-même, alors qu’il tenait là un duel excitant entre deux types paumés et un vengeur invincible. A trop vouloir en faire et éviter le déjà-vu, Julien Seri livre une partition grotesque et boursouflée. On lui reconnaîtra néanmoins le mérite d’avoir un casting correct et une mise en scène soignée, avec quelques jolis cadres et des lumières acidulées qui témoignent d’un amour pour Nicolas Winding Refn, même si certains effets font peine à voir (des flammes virtuelles). Concernant le réalisateur danois, Julien Seri doit sans doute lui attribuer aussi son goût pour la violence et les exécutions sanglantes. Les bras volent, les os se brisent et les balles déforment les visages. C’est esthétiquement plaisant et toujours dynamique. On ne pourra pas reprocher au film de ne pas nous maintenir captivés par cette débauche de violences. S’il tombe parfois dans certains poncifs, Julien Seri évite cependant de nombreux clichés et on sent qu’il a eu la maîtrise sur une bonne partie de son film. Il est clair qu’on aura rarement vu un tel résultat sur les écrans français. Night Fare est donc un véritable OFNI dans le système du cinéma français. Pas si énervant que cela mais extrêmement prétentieux et qui s’écrase dans un dénouement what-the-fuck au plus haut point. Peut-être que pour la première fois, je ne sais pas comment saisir ce film pour lequel j’ai totalement décroché du scénario tout en restant diverti par le style et les scènes d’action. Un plaisir coupable ? Peut-être bien.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆  .

[EN COMPÉTITION] The Corpse of Anna Fritz

Réalisé par Hector Hernandes Vicens (Espagne, 2015). Date de sortie prochainement annoncée. 

Synopsis : Anna Fritz, une actrice célèbre à la beauté troublante, vient de décéder. Un employé de la morgue, sur le point de finir son service, laisse deux de ses meilleurs amis s’introduire dans les lieux pour observer la défunte. Il n’est d’abord question que de jeter un oeil sous le drap. Mais très vite, la morale s’efface et l’un des visiteurs est tenté de posséder ce corps inerte.

Étonnant et minimaliste film espagnol qui traite d’un sujet trop rarement vu sur les écrans, la nécrophilie. Se déroulant dans une morgue (l’unique décor), le film serre progressivement son étau à mesure que l’intrigue se rapproche d’un thriller en huis-clos haletant. On reconnaîtra l’audace pour Hector Hernandes Vicens de traiter d’un tel sujet dans une société frileuse qui souhaite détourner le regard de ses pulsions les plus odieuses et profondes. Mais c’est tout! Faute d’écriture, le scénario tombe dans une accumulation de scènes caricaturales où les personnages agissent comme les plus infâmes misogynes au monde. Dès lors que le cadavre se réveille, les personnages auront des réactions toutes plus absurdes et inimaginables. Tous les personnages semblent être des clichés sur pattes, confrontant plusieurs notions de bien et de mal. Enfin par « notions », j’entends qu’il y a un gentil, un méchant et un entre-les-deux, de sorte à donner plusieurs discours sur la situation, sauf que le réalisateur ne fait qu’effleurer cet aspect, tout comme il ne considère son actrice principale que comme un cadavre, à l’image du film. Son immobilité l’oblige à jouer de son statut d’actrice et de persuasion, mais jamais elle ne parviendra à éclipser ce statut de femme-objet. Il semble difficile pour le réalisateur de ne pas tomber dans la paresse d’un scénario rempli à ras-bord d’incohérences et de ridicules facilités. Un téléphone qui sonne au bon moment, un gardien qui n’entend rien de par ses écouteurs, une actrice qui ne peut bouger, etc. Malgré l’invraisemblance de la situation, tout semble aller sur des roulettes pour ces nécrophiles d’un soir afin de tenir jusqu’au final renversant. C’est sans compter le lourdingue message que le film porte puisqu’il n’en contient tout simplement pas. The Corpse of Anna Fritz ne dit rien. Dès lors que ce « viol nécrophile » est perpétré (à deux reprises), personne ne réfléchira à l’immaturité et la violence de cet acte. Seul compte la manière dont les « héros » vont pouvoir s’en sortir. Misogyne à l’extrême, le réalisateur n’ose à aucun moment filmer la violence et la nudité masculine comme il le devrait alors que son actrice principale bénéficie d’une quasi-totalité de plans en full-frontal naked. C’est la faiblesse d’un film qui traite d’un sujet controversé, mais qu’il ne fait qu’effleurer pour livrer un thriller aux allures tout-juste morbides. Grotesque et totalement vain.

Note de la rédaction : ★★☆☆☆    .

[MIDNIGHT MOVIES] Turbo Kid

Réalisé par François Simard, Anouk Whissell, Yoann-Karl Whissell (Nouvelle-Zélande, 2015). Date de sortie prochainement annoncée. 

Synopsis : 1997 : dans un futur parallèle post-apocalyptique, un adolescent orphelin surnommé « le Kid » parcourt le désert à la recherche de reliques qu’il échange contre de l’eau fraîche, denrée la plus précieuse dans ce monde toxique. Il rencontre Apple, dont l’humour à toute épreuve le sort peu à peu de son isolement. Mais Apple est enlevée par Zeus, le personnage sadique et plein de verve qui règne sur le territoire. Le Kid doit alors assumer son destin : éliminer Zeus et sauver Apple.

On aime bien le cinéma néo-zélandais. Surtout quand il nous livre des cinéastes comme Peter Jackson ou des films fantastiques comme les récents Housebound ou What we do in the Shadows (Vampires en toute intimité en VF). Alors un film se déroulant dans un monde post-apocalyptique avec des personnages hauts en couleur, on pense à l’australien Mad Max mais surtout on a hâte ! En 2011, un appel à films est lancé pour compléter l’anthologie The ABC’s of Death d’un 26ème épisode. Le collectif Roadkill Superstar (François Simard, Anouk et Yoann-Karl Whissell) remplit le mandat et livre T is for Turbo, qui arrive bon premier au vote populaire, mais qui est finalement recalé derrière T is for Toilet par le jury. Dommage mais les gars ne se laissent pas abattre et convaincus par le potentiel de leur court et l’accueil du public, ils l’adaptent dans la foulée en long métrage. On ne peut que saluer cette petite pépite du cinéma de série Z. Quelle réjouissance, quelle audace, quel style ! Budget minimaliste, mais générosité maximale pour ces réalisateurs qui, malgré le manque de moyens, font preuve d’une maîtrise, d’une nostalgie et d’une considération pour son spectateur. C’est du vrai bon cinéma, taillé pour les festivals et les amateurs de genre. Les passionnés de cinéma rétro-futuristes des années 80 y trouveront assurément leur compte. Même les récents fans de Mad Max Fury Road pourrait bien trouver leur bonheur tant l’univers nous y renvoie régulièrement. L’absence d’eaux, des personnages pittoresques, un antagoniste en béton, de la violence dégoulinante comme il faut. Seules les voitures et machines de guerre du film de George Miller sont remplacés par des BMX, mais l’univers dépeint y est sensiblement le même. La profusion d’accessoires rétros ou d’effets horrifiques ne doivent cependant pas empêcher de voir dans Turbo Kid un film charmant qui prend le temps de s’attarder sur la construction émotionnelle de ses deux personnages principaux. J’irais presque jusqu’à dire que tout ceci est très mignon. Mais quand bien même on est réconforté par cet aspect romantique, on ne peut que jubiler lors des combats qui ne semblent avoir aucune limite, autant dans l’humour que dans le gore. La séquence finale est à juste-titre ce qu’on a vu de plus distrayant au cinéma ces derniers temps. C’est à ça que l’on reconnaît les bons films, à partir du moment où l’équipe du film déborde d’énergie et fait preuve de créativité. Les plus nostalgiques trouveront leur compte tant chaque scène s’avère bourrée de références aux années 80. Et que dire de cette BO alliant toute l’énergie et le dynamisme de l’électro et du synthé. On en ressortirait presque nos walkmans. C’est d’autant plus agréable que ce film au grand cœur a bénéficié d’une sortie dans les salles obscures canadiennes. La consécration pour un collectif sur le point de s’envoler. On a hâte de retrouver ces petits gars et on suivra leur prochain projet avec intérêt.

Note de la rédaction : ★★★★☆  

Enfin un film de minuit à la hauteur de mes espérances et de celles de tous les spectateurs de la salle, applaudissant avec énergie lors du générique final. C’est le cœur revigoré, mais l’esprit lessivé que je rentre me coucher pour rattraper un peu de sommeil et me préparer à la prochaine journée où quatre films seront visionnés par la rédaction. Un thriller hitchcockien, un Je Suis Une Légende-Like, une forêt irlandaise terrifiante et des guêpes mutantes. Après cette journée bien plus dynamique, on a déjà hâte de retrouver le chemin des salles strasbourgeoises. En attendant la vénérable Nuit Excentrique. A demain, les cadavres !