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Cannes 2017 : Happy End, un joyeux massacre bourgeois qui manque de cœur

Ultra-attendu, Happy End partait comme le favori à la Palme d’Or de cette 70ème édition du Festival de Cannes. Or, en restant focalisé sur un monde bourgeois à l’agonie, Michael Haneke en oublie malheureusement de conserver la part d’émotions qui émanaient de ses précédents films.

Synopsis : « Tout autour le Monde et nous au milieu, aveugles. » Instantané d’une famille bourgeoise européenne.

happy-end-michael-haneke-film-review-cannes 2017-selection-officielle-photo1Habitué de la Croisette où il a obtenu deux Palme d’Or par le passé (Le Ruban Blanc en 2009 puis Amour en 2012), Michael Haneke partait déjà en favori de la compétition alors même qu’on ne savait pas grand chose de l’intrigue, tout juste qu’elle prenait place dans une famille bourgeoise au Nord de la France, frappé par la crise des migrants. Le cinéaste autrichien pouvait compter sur les habitués de ses précédents films, à savoir la muse Isabelle Huppert et le patriarche Jean-Louis Trintignant. Il fallait rajouter à cela l’arrivée de Matthieu Kassovitz, en pleine explosion médiatique avec Le Bureau des Légendes (dont la saison 3 commence aujourd’hui sur Canal +), et d’une plus-value internationale en la personne du charismatique Toby Jones. L’ouverture de Happy End se fait par le prisme d’un format contemporain. Il s’agit d’une vidéo enregistrée sur le téléphone de la jeune héroïne. Froide et figée, la séquence dure jusqu’au drame et nous explique grossièrement le point de départ de la crise qui va frapper une famille bourgeoise actuelle. A cet instant, une première interrogation s’impose : Pourquoi démarrer le récit ainsi ? Serait-ce là une façon de dire que le cinéma a changé ? Que les technologies ont changé notre rapport à l’image, à l’heure où l’on s’écharpe sur la présence de Netflix à Cannes et où les Facebook Live pullulent nos fils d’actualité, quitte à être morbides ? Difficile de trop savoir où Michael Haneke souhaite en venir tout comme à la fin du générique, on se demande encore ce que le cinéaste autrichien a bien voulu raconter.

Bien moins anxiogène que le reste de sa filmographie, Happy End n’en reste pas moins un film froid et calculateur qui apparaît comme la somme des thématiques propres au cinéaste, soit l’éclatement d’une famille aisée et la fin de vie. Le synopsis évoque « le Monde » – référence aux migrants débarqués – mais ils seront à peine visibles à l’écran. Le rapport entre migrants et bourgeois semble moins intéresser Michael Haneke que la réaction d’une élite en proie aux bouleversements du monde. Et ce n’est pas tant l’humour noir manié maladroitement qui va satisfaire les amateurs du cinéaste autrichien qui peine à renouveler les intentions de son cinéma. Habitué au perfectionnisme, des cadres aux décors en passant évidemment par la direction d’acteurs, Happy End dégage une certaine lassitude de la part du cinéaste qui semble avoir expédier son film pour le présenter à temps lors du soixante-dixième anniversaire du Festival de Cannes. Pourtant, il serait faux de croire qu’Happy End ne vaut pas le coup d’œil. Si le réalisateur manque d’inspiration, il arrive néanmoins à nous tenir en haleine devant le destin tragique qui attend cette famille. L’ensemble du casting est toujours dirigé de main de maître et leurs interactions à l’écran permettent d’étayer avec finesse les rapports entre personnages. Signalons tout de même que Michael Haneke a tenté une connexion avec son précédent film, et dont on vous laisse l’entière surprise.

Moins dérangeant et provocateur qu’à l’accoutumée, Happy End est une fable épurée de toute émotion qui dresse le portrait récurrent mais toujours habile de la classe bourgeoise à l’agonie. Un Haneke mineur donc qui ne devrait vraisemblablement pas figurer au palmarès. On notera tout de même la performance froide et incarnée de Jean-Louis Trintignant, qui avait mis un terme à sa retraite annoncée après Amour pour revenir une ultime fois sur un plateau de cinéma. Ainsi, et plus que le film lui-même, c’est Jean-Louis Trintignant qui vaut assurément le coup d’œil. Alors quoi de plus beau que d’offrir à cet immense acteur un adieu au cinéma événementiel avec cette « joyeuse fin ».

[COMPÉTITION OFFICIELLE] Happy end

Un film de Michael Haneke
Avec Jean-Louis Trintignant, Isabelle Huppert, Toby Jones, Mathieu Kassovitz
Distributeur : Les Films du Losange
Durée : 1h50
Genre : Drame
Date de sortie : 18 Octobre 2017

France, Autriche, Allemagne – 2017

Happy end : Extrait

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Reporter/Rédacteur LeMagduCiné