Sans Retour de Walter Hill : Critique du film

Sur une sublime musique de Ry Cooder, on va suivre huit hommes de la garde nationale, sous le commandement d’un vétéran décoré du Vietnam, Crawford Poole (Peter Coyote), dans les bayous de Louisiane.

Mais la nature a changé, la carte ne correspond plus aux reliefs. Ils vont emprunter des pirogues aux cajuns, qui ne vont pas apprécier l’intrusion de ces étrangers sur leurs terres hostiles comme eux. Une cause minime, qui va avoir des conséquences majeures, en commençant par la perte de leur chef, laissant huit hommes inexpérimentés, tentant de sortir de l’enfer du bayou. Déjà aux prises avec les cajuns et la nature humide, boueuse et pluvieuse, les huit hommes vont aussi se déchirer entre eux. La vraie nature de chacun va se révéler et scinder le groupe en deux, pour le pire et plus encore.

L’histoire reprend de nombreux éléments du chef d’œuvre de John Boorman Délivrance de 1972. L’homme face à la nature et ses habitants, qui vivent selon leurs règles. Mais on peut aussi faire le lien avec l’un des films précédents de Walter Hill, Les Guerriers de la nuit, ou l’on suit un groupe traversant un lieu hostile, tentant de rejoindre leur base, pour leur survie, tout comme Alien,dont Walter Hill est le scénariste, avec ces ennemis invisibles, et ces proies dont les cris sont vains, rappelant le fameux : «Dans l’espace, on ne vous entendra pas crier».

Dès le début de Sans Retour (titre orginal Southern Comfort), ou l’on découvre les membres de l’équipe, les défauts de chacun se font jour, mais dans le feu de l’action, ils vont se révéler insurmontables et meurtriers. Le casting est particulièrement réussi, avec un acteur confirmé, Keith Carradine, déjà remarquable dans Les duellistes de Ridley Scott. Powers Boothe qui en est à ici ses débuts, trouvera un rôle qui le fera connaître à l’international dans La forêt d’émeraude de John Boorman. Keith Carradine est le leader charismatique, mais en retrait. Powers Boothe, le nouveau venu du Texas, l’étranger au fort tempérament, va pousser son camarade a prendre les commandes pour les sauver. Leur complicité naissante, va donner sa pleine mesure dans un long final angoissant, au son de « Parlez-nous à boire » interprété par Marc Savoy, Frank Savoy, Dewey Balfa et John Stelly, des musiciens cajuns. Fred Ward est un habitué des films d’action, une sorte de Charles Bronson, qui ne percera jamais vraiment, mais dont la présence physique impressionne face à Power Boothes, qui n’est pas en reste. T.K. Carter, le « quota noir » du film, ne meurt pas dès le début, au risque de surprendre. Peter Coyote, dans un de ses premiers films, affiche déjà une maturité dans son jeu d’acteur, qu’il mettra souvent au service de Roman Polanski. Brion James, un nom que l’on ne retient pas, mais une gueule que l’on n’oublie pas ; déjà fascinant ici, il le sera tout autant dans ses rôles suivants, même si celui dans Blade Runner, reste le plus marquant.

Walter Hill maîtrise l’espace, dans ce bayou qui peut aussi être considéré comme un huis clos. Ce qui démontre que le film a de multiples références, interprétations et surtout, n’est pas juste un film de genre. Un thriller étouffant, mais aussi un drame qui flirte avec le fantastique, qui vous prendra aux tripes, du début à la fin, au sens propre, comme au figuré. Sans Retour, une œuvre majeure, sublimée par la photographie d’Andrew Laszlo et la musique de Ry Cooder.

Une séance de rattrapage s’impose pour découvrir, ou redécouvrir ce classique de Walter Hill. Il aura marqué les années 80 avec son film le plus connu 48 heures, réalisé juste après Sans Retour, puis Double Détente, confirmant son statut de réalisateur de film d’action majeur durant cette période d’euphorie, avant de se faire plus discret par la suite.

Synopsis : En Louisiane, un petit groupe d’hommes de la Garde Nationale se déplace pour une marche de reconnaissance dans les bayous. Ils empruntent des pirogues abandonnées afin de traverser un lac. Pour plaisanter, l’un de ces soldats de fortune pointe son arme chargée à blanc vers la rive et tire. Les propriétaires des embarcations, des chasseurs cajuns, répliquent et tuent le chef de l’escouade. Commence alors une impitoyable chasse à l’homme.

Fiche technique – Sans Retour

Titre original: Southern Comfort – 1983 – USA

Sortie en France : 9 mars 1983
Réalisateur : Walter Hill
Scénario : Walter Hill, David Giler et Michael Kane
Casting : Keith Carradine, Powers Boothe, Fred Ward, Franklyn Seales, T.K. Carter, Lewis Smith, Peter Coyote, Brion James
Musique : Ry Cooder
Photographie : Andrew Laszlo
Producteur : David Giler
Genre : Thriller
Durée : 99 minutes
Auteur de la critique : Laurent Wu