Wei or Die: la fiction interactive sur l’enfer du bizutage, critique

Un puzzle interactif

Toutes les images filmées au cours du WEI par les étudiants sont agencées pour permettre à l’internaute de naviguer en temps réel entres elles. Il choisit les différentes caméras, créant lui-même son propre montage.
Ainsi Wei or Die est une fiction d’un genre nouveau, immersive au possible, qui place le spectateur au cœur d’un dispositif interactif. Thriller sur fond de « teen movie », WEI OR DIE met en scène un week-end d’intégration d’une grande école de commerce au cours duquel les étudiants dépassent les limites de la simple fête.

Tout d’abord, il s‘agit clairement d’une excellente initiative de France télévision malgré les différents bugs informatiques qui peuvent survenir au moment du visionnage du film, difficilement regardable même avec un très bon réseau.

De plus, autant le dire tout de suite, les intentions du réalisateur au départ sont très bonnes. Il s’agit ici de dénoncer la brutalité des bizutages et intégrations en passant par un cinéma d’un nouveau genre (volonté d’immersion du spectateur par l’utilisation de nombreux supports audiovisuels, pour laisser au spectateur le choix de ce qu’il regarde).

Ainsi, à la manière d’une œuvre de Kim Chapiron, on obtient de belles images de ces éphèbes, qui montrent bien le côté dépravé du weekend d’intégration et mettent bien en perspective certains problèmes de société (drogue, alcool, humiliations, dérive sectaire de certaines associations). Simon Bouisson en fait un film de corps, de corps qui consomment à mesure qu’ils sont consommés, de corps qui sans cesse se consument. Par ailleurs on découvre ici une jeunesse née sous le signe du vide et du non-sens, qui ne trouve un exutoire à sa soif de révolte que dans l’abandon et la destruction des corps. C’est le naufrage existentiel d’une génération dévorée par la perte de tout repère. Il y a de la part de l’auteur et de nous-mêmes, la fascination de la transgression juvénile à son stade ultime. Mais c’est une transgression violente, qui s’impose, pas celle qui libère comme dans Project X. Elle n’émancipe pas, elle avilie.

Cependant, l’outrageuse caricature des personnages les rend complètement irréalistes en entraîne très peu d’empathie pour ces derniers.

De plus, le procédé technique échoue : le spectateur est frustré, en faisant ses choix de caméra, de ne pas tout voir.

En effet, le film perd ainsi tout son sens. Si l’intention est bonne et le procédé technique utilisé ambitieux et prometteur, l’œuvre échoue à plaire en raison de son script beaucoup trop manichéen qui caricature au possible les personnages les rendant irréalistes et, dès lors, l’immersion espérée n’a pas lieu puisqu’elle n’est que visuelle. L’esprit du spectateur demeure en dehors de ce méli-mélo filmé par des iPhone et des caméras type type Go-Pro. Par ailleurs, beaucoup d’instants sont ratés par le spectateur obligé de faire des choix ; alors, encore une fois, l’immersion demeure impossible et au lieu de vivre pleinement les scènes comme si l’on y était, on reste seul, derrière son écran, complètement frustré. En effet, sur plus de 2h30 d’images filmées, le spectateur n’en verra lui qu’une quarantaine de minutes. Un sentiment grandit chez le spectateur, comme si aucune scène n’était indispensable à l’intrigue globale ce qui ne va pas du tout avec le principe même d’un thriller basé sur son suspense ce que semble être WEI OR DIE, ainsi le film présente en lui-même très peu d’intérêt.

Il y a la présentation de beaucoup de points de vue et la narration reste unique. C’est le symbole de ce que l’information est devenue ; une inondation de flux masquant une pauvreté de diversités.

Le problème demeure dans l’absence d’aspérités, de profondeur. Simon Bouisson a souhaité des points de vue différents, or on assiste à une homogénéité d’un seul. Tant de caméras pour une histoire qui tient sur un court métrage…

Synopsis : Au cours d’un WEI, un week-end d’intégration d’une école de commerce, le corps d’un jeune homme est retrouvé noyé au bord d’un étang. Appelés sur les lieux, les policiers décident de saisir les films réalisés par les étudiants, pour tenter de lever les zones d’ombre et de rétablir la vérité.

http://wei-or-die.nouvelles-ecritures.francetv.fr/

Fiche technique : Wei or Die

Année : 2015
Réalisateur: Simon Bouisson
Co-réalisateur: Justinien Schrike
Scénaristes: Olivier Demangel et Simon Bouisson
Interprétation: Jade Hénot, Xavier Lacaille, Thomas Silberstein, Arthur Choisnet, Jonathan Demurger
Photographie: Ludovic Zulli
Production : Résistance Films, Cinétévé et France Télévisions: Nouvelles Ecritures
Durée: 45 min

Auteur : Clement Faure