Après Alexandre Arcady et son 24 jours, la vérité sur l’affaire Ilan Halimi, c’est au tour de Richard Berry de s’approprier « l’affaire du Gang des Barbares», qui avait profondément attristé les français en 2006. Contrairement à son prédécesseur, Richard Berry s’intéresse davantage à la détention d’Ilan Halimi, là où Alexandre Arcady s’intéressait plus à l’enquête et à la manière dont la famille vivait la progression de cette dernière.
Synopsis : Des portes explosent. Les policiers casqués, armés font irruption de nuit dans des appartements, cris, coups : défilent à l’écran les visages des interpellés. Des beurs, des blacks, des blancs. Tous ont moins de vingt ans. Ceux que la presse appellera les « barbares ». On est en février 2006. La police quelques heures plus tôt a trouvé le corps moribond d’Ilan (Halimi) sur le bord d’une route à Sainte-Geneviève-des-Bois, nu, brûlé à 80 %. Kidnappé, il a été séquestré pendant 24 jours. Il était juif. Et donc supposé avoir de l’argent. Par flash-back, le film déroule alors le fil des événements depuis le kidnapping. Courses poursuites entrecoupées de scènes où on assiste au calvaire de la victime. Moderne danse macabre qui en dit long sur la « marche » de nos sociétés.
Décadence de la violence
Images d’archives, voix off et journaux télévisés. Ainsi s’ouvre Tout, tout de suite. S’en suivent des immersions violentes dans des appartements, la police défonce des portes, des cris et des pleurs se font entendre. Les membres du gang des Barbares sont arrêtés un à un. Ainsi, le procès des hommes et femmes à l’origine de l’affaire Ilan Halimi va pouvoir s’ouvrir.
Tout, tout de suite annonce d’emblée la couleur et sera beaucoup plus sombre que 24 jours, bien que l’interdiction moins de 12 ans annonçait déjà la chose.
Richard Berry, auteur de plusieurs comédies franchouillardes pas vraiment réussies, signe ici un film noir qui, malgré des faits connus, ne peut que faire frissonner le spectateur et le prendre aux tripes. Le film est une alternance entre témoignages des membres du Gang au poste, filmés en noir et blanc, et les faits, de l’enlèvement d’Ilan Halimi et de sa séquestration, jusqu’à la découverte du corps de ce dernier au bord d’une voie ferrée. La réalisation de Richard Berry est sobre mais intense et puissante. Le noir et blanc marque parfaitement le contraste et permet aux spectateurs de souffler mais également de prendre conscience des faits qui lui sont contés. La lumière est très intelligemment utilisée et fait des scènes de séquestration de réels moments d’angoisse tant l’obscurité, synonyme de l’idéologie des « barbares » est oppressante. Aussi, le choix de cadre est très intéressant car les nombreux gros plans marquent les esprits. On retiendra ceux nous présentant les regards des ravisseurs, évocateurs et témoins d’une quête d’argent absurde reposant sur un certain antisémitisme. Mais malgré beaucoup d’efforts de réalisations, Tout, tout de suite prend quand même le chemin du thriller et du film policier un tantinet classique, qui ne peux que rappeler L’Affaire SK1 sorti l’année dernière. L’enquête est haletante mais au fond, la mise en scène et la structure narrative s’avèrent bien trop classique, même s’il est difficile de faire dans l’originalité en traitant d’un tel sujet. On retrouve des scènes propres aux films policiers actuels : écoutes téléphoniques, rendez-vous pour donner des fausses rançons ou encore coups de fil incessants. Mais le montage, qui n’est qu’une alternance entre la progression du sort réservé à Ilan Halimi et l’enquête de la Crim’, ne peut que tenir le spectateur en haleine.
Mais si Tout, tout de suite est plus convaincant que le long-métrage d’Arcady, c’est parce que beaucoup d’acteurs, qui interprètent les membres du Gang, sont inconnus du grand public, ce qui implique une certaine crédibilité au récit. Quand on voyait Pascal Elbé ou Zabou Breitman dans 24 jours, il était plus difficile d’être immergé dans les faits exposés car il y avait cette distance avec les « acteurs connus ». Ici, tous signent pour leur premier vrai rôle, exception faite pour Richard Berry, Didier Halimi dans le film, et certains autres jeunes auparavant aperçus dans des longs-métrages français. Steve Achiepo, interprète de Youssouf Fofana, chef du Gang des Barbares, est impeccable et ne laisse que présager du bon pour de futurs rôles. Les autres acteurs, comme Édouard Giard (un des membres du gang) ou Marc Ruchmann (Ilan Halimi) sont également très crédibles et parviennent à s’emparer de rôles qui sont loin d’être faciles à incarner tant ils sont emplis de sadisme, mais également de craintes et de doutes. Étonnamment, c’est Richard Berry qui pourrait être qualifié de moins convaincant dans le casting, même si deux/trois autres comédiens sonnent parfois légèrement faux, tant ils dégagent cette impression d’avoir eu des difficultés à s’approprier leur rôle.
Tout, tout de suite est un film policier haletant et un thriller réussi. Basé sur des faits réels, l’adaptation de Richard Berry puise sa forme dans certains de ses acteurs, ainsi que dans des choix esthétiques, mais elle s’avère au final extrêmement classique, mais réussie tant elle est prenante.
Il faudra songer à laisser désormais de côté l’affaire Ilan Halimi et ne plus l’adapter au cinéma. Le film d’Arcady et celui de Berry se complètent, et il n’y a plus rien qui puisse être réellement ajouté au récit, Tout, tout de suite étant des plus fiables.
Tout, tout de suite : Bande-annonce
Tout, tout de suite : Fiche technique
Réalisation : Richard Berry
Scénario : Richard Berry, Morgan Sportès, d’après l’oeuvre de Morgan Sportès
Interprétation : Richard Berry, Steve Achiepo, Marc Ruchmann, Romane Rauss, Idit Cebula, Édouard Giard…
Photographie : Jean-Paul Augustini
Montage : Mickael Dumontier
Musique : Harry Escott
Producteurs : Alain Goldman, Sylvain Goldberg, Serge de Poucques, Thomas Langmann
Sociétés de production : Légende Films, Boucan Films, UMedia
Distribution (France) : Légende Distribution
Durée : 111 minutes
Genre : Drame
Date de sortie : 11 mai 2016
Interdit aux moins de 12 ans avec avertissement.
France – 2016