Aronofsky livre un show apocalyptico-biblique, sauvé du naufrage par la performance de Russell Crowe en Noé, un guide tourmenté et un père borderline
Darren Aronofsky est sans doute un de ses cinéastes à la filmographie variée, après ses deux premiers films Pi et Requiem for a Dream, sorte de long bad trip dans le monde de drogue, The Fountain, un autre trip métaphysique et le magnifique Black Swan. Cinq films marqués par un intérêt pour les tourments de l’âme et du corps, à travers des portraits intimistes de gens dont le sens des réalités s’émoussent et Noé n’échappe pas à cette condition humaine…
Déluge et fin de l’humanité
Noah titre en version originale, un des derniers descendants de la ligne pacifique de Seth, est un végétarien et un nomade, campant sur les collines avec sa femme (Jennifer Connelly) et leurs enfants. Face à cette famille très écolo, la descendance de le lignée de la famille de Caïn, un clan tuant des animaux, cupide, pillant la planète…Leur chef de guerre nommé Tubal-Caïn (Ray Winstone), un être brutal, sournois, qui a assassiné le père de Noé est l’objet idéal d’une vengeance justifiée de Noé ainsi que du jugement divin pleinement méritée.
Le réalisateur Darren Aronofsky aborde des thèmes intéressants dans ce péplum biblique, comme la gestion des ressources, une préoccupation mondiale actuelle, dans ce sens, Noé est une métaphore de notre monde…Noé de Darren Aronofsky est un blockbuster matinée de philosophie et de métaphysique, une vision réécrite de l’histoire de l’Arche de Noé et non l’adaptation d’un récit biblique. Le réalisateur se penche surtout sur le personnage qu’est Noé, en proposant une vision plutôt sombre et inédite du personnage. Blasphématoire probablement pour les croyants, il fallait oser, Noé incarne comme un grand nombre de prophète, la force physique d’abord mais aussi une forte image du patriarche, qui s’interroge sur sa foi à travers un dialogue intérieur…
Face à lui Tubal-Caïn, un être abject au premier abord, mais il a cette énergie passionnée, selon laquelle l’humanité doit être sauvée. Il faut dire que la façon de Noé de voir le sauvetage de l’humanité est ni plus ni moins son anéantissement, un génocide, évidemment cette vision d’un Noé finissant alcoolique n’est pas faite pour plaire à tous.
Pourtant, c’est l’aspect le plus intéressant, les deux hommes sont soumis à la condition humaine, le libre arbitre accordé par un Créateur, qui au final n’accepte pas cette idée, puisqu’il propose tout simplement d’anéantir l’humanité, justement pour avoir fait des choix, malencontreux voir désastreux, mais la solution proposée consiste à provoquer un génocide…
Huis clos aquatique shakespearien
La destruction d’un monde même en phase terminale, desséché, cette mission qu’entend mener Noé à tout prix, fait de ce héros un homme comme les autres, un être soumis à ses traumatismes, à ses doutes, à ses pulsions, même s’il renonce finalement à tuer les jumelles enfantées sur l’Arche par Ila (Emma Watson (Harry Potter) lors d’un huis clos aquatique shakespearien…
Noé est un portrait d’hommes tourmentés, aveuglés, qui ne voit pas la possibilité d’une troisième voix, la possibilité d’une autre alternative, une réalité somme toute bien actuelle, puisque toute autre alternative est bel est bien refusée par ceux qui se considèrent comme les puissants de ce monde…
Il faut bien le dire ce film est plus complexe qu’il ne semble de prime abord avec des messages forts suscitant le débat, probablement l’aspect le plus réussit de ce film inégal, mais étonnant par endroits. Visuellement le film est assez laid, mais le côté sombre, qui peut choquer le spectateur, croyant ou non croyant est certainement de ce qui fait de Noé, une fresque fascinante.
Côté casting, Russell Crowe est époustouflant, après Noé, le personnage le plus travaillé est celui de Cham incarné par un Logan Lerman qui fait oublier son rôle de Percy Jackson, puis celui d’Ila interprétée par une émouvante Emma Watson, par contre les personnages de Naameh et Sem manquent d’épaisseur, une mention spéciale pour Anthony Hopkins dans le rôle de Mathusalem, incarnant une sorte de magicien sage…
Côté Musique, Clint Mansell (« Lux Æterna », « Nina’s Dream ») crée un cocktail musicale, avec des sons parfois touchants et des sons accentuant l’ambiance oppressante et lugubre de ce film qui est surtout une réflexion philosophique peu courante sur le genre humain…
Synopsis : Russell Crowe est Noé, un homme promis à un destin exceptionnel alors qu’un déluge apocalyptique va détruire le monde. La fin du monde… n’est que le commencement. »
Fiche technique : Noé
Titre originale : (Noah)
Réalisation : Darren Aronofsky
Scénario : Darren Aronofsky, Ari Handel
Interprétation : Russell Crowe (Noé), Jennifer Connelly (Naameh), Douglas Booth (Sem), Logan Lerman (Cham), Emma Watson (Ila), Anthony Hopkins (Mathusalem), Ray Winstone (Tubal-Caïn)
Genre : Fantastique, Péplum, Aventure
Sortie en salles : 9 avril 2014
Durée : 2h19
Budget : 125 M$
Directeur de la photographie : Matthew Libatique
Décorateur : Mark Friedberg
Costumes : Michael Wilkinson
Montage : Andrew Weisblum
Musique : Clint Mansell
Producteur : Scott Franklin, Darren Aronofsky, Mary Parent, Arnon Milchan
Production : Protozoa Pictures
Distribution : Paramount Pictures France