Pour son premier long-métrage de fiction, Ilan Klipper nous offre un récit jouissif, débridé et profondément humain qui, subtilement, remet en question nos conceptions de la normalité. Naviguant tout en finesse entre raison et folie, Le ciel étoilé au-dessus de ma tête emporte le spectateur dans son univers poétique, où tout peut toujours basculer.
Dès les premières images Le ciel étoilé au-dessus de ma tête nous embarque dans un autre monde, hors de la société et de ses contingences. Un monde foisonnant, auréolé de couleurs chaudes, tapissé de babioles et habité par les délires de Bruno. C’est autour de cet univers et de cet homme-enfant halluciné que se construit tout le film. D’abord à la limite de l’antipathique Bruno, interprété à merveille par Laurent Poitrenaux, conquiert rapidement le spectateur par sa folie douce et sa candeur. Incapable de dissimuler ses sentiments, ses pensées, la vulgarité même du personnage a quelque chose de profondément touchant dans sa naïveté. Le film s’attache ainsi profondément à son personnage dont il accompagne les fantasmes, les désirs et les délires. A l’image de Bruno, le récit est toujours prêt à basculer là où ne s’y attend pas, faisant surgir des images, des musiques, des paroles qui participent pleinement à l’atmosphère onirique du film et à la poésie subtile qui l’habite.
Si l’intervention des proches de Bruno, accompagnés par une jeune psychologue pleine de bonne volonté, semble tout d’abord marquer un dur retour à la réalité, tous les personnages se révèlent peu à peu aussi instables que lui, et menacent à tout moment de basculer dans l’irrationnel. Comme nous tous, les personnages de Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête sont des êtres fêlés qui se créent comme ils peuvent l’illusion d’un contrôle dans un monde dominé par le chaos et l’aléatoire. La psychologue elle-même, dont le discours rationaliste s’oppose aux justifications bancales de Bruno, se révèle tout aussi prisonnière de sa « tour d’ivoire » que Bruno l’est de la sienne. Le spectateur est alors tiraillé entre ces deux visions du monde et de l’existence. S’entame alors tout un questionnement, qui échappe aux personnages mais pas au spectateur, sur la difficulté de trouver sa place dans le monde, dans la société et, par dessus tout, sur le sentiment d’existence et de reconnaissance.
A l’image de la folie qui anime ses personnages la mise en scène ne laisse pas une minute de répit au spectateur, sautant constamment du coq à l’âne, d’ellipse en ellipse, du réel à l’imaginaire… Soulignons dans cette perspective le superbe travail de Carole Le Page dont le montage audacieux donne tout son rythme et son lyrisme au film.
Loin de tout manichéisme, Le ciel étoilé au-dessus de ma tête se présente en dernier lieu comme un récit sans morale, comme une simple éloge de l’individualité, de l’expérimentation et de la liberté de chacun à vivre comme il l’entend, dans le monde qu’il s’est construit.
Le ciel étoilé au-dessus de ma tête – bande-annonce :
Le ciel étoilé au-dessus de ma tête – Fiche technique :
Synopsis : Vingt-ans après avoir publié son premier roman, énorme succès littéraire, Bruno vit reclus dans son appartement, tentant désespérément d’écrire un nouvel ouvrage digne du premier. Célibataire, baiseur et buveur invétéré, il se complaît dans son univers, coupé du monde. Un jour ses proches débarquent à l’improviste pour tenter de le sauver de lui-même.
Réalisateur : Ilan Klipper
Scénario : Ilan Klipper, Rhaphaël Neal
Interprétation : Laurent Poitrenaux, Camille Chamoux, Marilyne Canto, Alma Jodorowsky
Image : Lazare Pedron
Montage : Carole Le Page
Musique : Thibault Deboaisne
Distributeur : Stray Dogs Distribution
Date de sortie : 23 mai 2018
France – 2018
Auteur : Clara Paumé