Le 24 février sortira en salle La fabuleuse Gilly Hopkins, nouveau film de Stephen Herek, réalisateur des 101 Dalmatiens (la version live) et des Trois Mousquetaires, tous deux produits chez Disney. Exit la compagnie aux grandes oreilles pour le nouveau film d’Herek. D’ailleurs, il ne s’agira pas de faire une critique du film du point de vue de l’adaptation, mais de travailler l’objet filmique même qui pose de nombreux problèmes.
Synopsis : Depuis qu’elle a été abandonnée bébé par sa mère, Gilly Hopkins, 12 ans et au caractère bien trempé a épuisé une à une ses familles d’accueil. Assistant social, institutrice, copine de classe, familles d’accueil : Gilly n’a besoin de personne et elle le fait savoir.
La Fabuleuse Gilly Hopkins, une créature cinématographique diforme
Il y a dans ce film plusieurs récits : Gilly arrivant dans sa nouvelle famille d’adoption, jouant comme à son habitude les trouble-fêtes, puis s’intégrant au sein de celle-ci ; la séparation involontaire de Gilly de sa nouvelle famille à cause de ses bêtises ; l’intégration à une « nouvelle » famille de sang avec sa grand-mère ; le retour de la mère et la situation finale. Un axe les unit : Gilly et l’espoir de revoir sa mère qu’elle fantasme comme une star californienne.
Sachez bien alors que le film ne dure qu’1h32. « Qu’ », parce-que chacun de ces récits pourrait être l’objet d’un film. Ainsi le long métrage de Stephen Herek avance avec un rythme tellement soutenu qu’il en est brut. Si au début, on peut penser que l’introduction rapide du film permet de rentrer dans le vif du sujet, il n’en est rien par la suite. L’histoire du film est trop ample pour une telle durée et surtout pour un tel réalisateur. Imaginez alors que le retour de la mère, les conséquences et la fin s’enchaînent en une dizaine de minutes.
Dommage, car à partir du deuxième récit, le film s’avère intéressant. Le premier, non pas qu’il soit inintéressant, a été déjà énormément traité de cette manière feel-good-movie par les téléfilms de la chaîne M6, avec plus de temps. Et en même temps, aurait-on pu capter aussi bien l’émotion du deuxième « chapitre » sans avoir eu la présence du premier ? C’est là que le film aurait dû être plus long. En effet, le premier aurait pu être bien plus subtil et humain, moins brut, cousu de fil blanc et rentre-dedans, et ainsi être plus émouvant. Le deuxième aurait alors gagné en force. Problème pour lui, l’arrivée abrupte du troisième, traité en quelques minutes. Ce travail permet étrangement de conclure proprement le deuxième récit. Mais l’on aurait aimé voir véritablement les conséquences dans le quotidien de ce bref retour.
Le fait est que si le film n’est pas assez long, c’est surtout qu’il n’est pas humain, c’est un pur produit industriel. Plusieurs films en un donnent peut-être l’impression d’une quantité, mais non de la qualité. Plusieurs tons aussi, du teenage movie au feel-good movie familial, ou encore de la comédie tous publics au mélodrame hyper-larmoyant, La Fabuleuse Gilly Hopkins est un film batard.
Il est en effet le produit de nombreuses influences hollywoodiennes contemporaines. En témoigne aussi sa musique, composée et instrumentale d’une part, l’électro-pop girly adolescente d’autre part, ou encore l’utilisation de musiques pop rythmées. On pourrait répondre à tout cela que la vie n’est pas uniforme. Mais il faut revenir à ce qui a été dit avant, il s’agit non pas de capter la vie et son quotidien, mais de livrer un film trop dense et donc, un film qui, à force de vouloir tout exposer, montre bien peu de choses à part des récits stéréotypés, voire clichés pour ce type de personnage, et qui vont rester à leur stade, qui ne vont jamais préciser et nuancer.
Le casting va cependant apporter de l’humanité. Si Sophie Nélisse incarne un personnage très stéréotypé, elle apporte une certaine douceur et une justesse rafraichissante dans le film. Kathy Bates, l’actrice géniale de Misery (Rob Reiner, 1990), manque ici de subtilité. Elle interprète très bien son personnage, comme Clare Foley, parfaite dans son second rôle stéréotype de la petite fille solitaire, excentrique et ne demandant qu’à se faire des amis. Glenn Close, après un retournement de situation comico-dramatique prévisible, déjà vu et lourd, est brillante. Sa justesse provient d’une chose qu’elle maîtrise parfaitement (voir la série Damages par exemple, 2007-2012), elle n’en fait pas trop. Enfin le personnage archétypal – la figure du vieux sage, aveugle en plus – qu’est Mr. Randolph apporte de la poésie, de la beauté, de l’humanité dans ce film, grâce au jeu juste de Bill Cobbs, qui n’en fait pas trop non plus, même si on peut déplorer l’une de ses séquences qui va révéler Gilly. Un moment du film manquant de finesse, qui a pour seule fonction de révéler le personnage principal et nous tirer des larmes de nos glandes lacrymales (comme bien d’autres séquences du film). Julia Stiles n’a pas eu besoin de faire beaucoup d’efforts pour interpréter son personnage très très peu sympathique, on la voit trop peu pour juger, quelques minutes tout au plus. Et l’acteur incarnant le personnage des services sociaux est purement artificiel.
Le happy end qui n’en est pas tout fait un, plus doux-amer que joyeux, clôturera très bien ce film. On aurait pu penser cela, mais le générique à la musique pop-électro pour adolescentes brisera le moment. Voilà peut-être la meilleure métaphore du film. Un gâchis. Un consommable familial à voir si on a du temps à perdre…
Fiche Technique : La Fabuleuse Gilly Hopkins (The Great Gilly Hopkins)
Réalisation : Stephen Herek
Scénarisation : David Paterson, d’après l’œuvre de Katherine Paterson
Casting : Sophie Nélisse, Kathy Bates, Glenn Close, Bill Cobbs, Octavia Spencer, Julia Stiles, Clare Foley, Zachary Hernandez
Directeur artistique : Christopher Minard
Costumes : Meghan Kasperlik
Décors : Ola Maslik
Directeur de la photographie : David M. Dunlap
Montage : David Leonard
Compositeur : Mark Isham
Producteurs/trices : Brian Kennedy, William Teitler, John Paterson, David Paterson, Matthew Myers, Isabel Teitler
Production : Arcady Bay Entertainement
Distributeur France : Chrysalis Films
Date de sortie française : le 24 février 2016