All Is Lost, un film de J.C. Chandor: Critique

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Le scénario met doublement l’acteur à l’épreuve, Robert Redford, alors âgé de 77 ans. Seul personnage du film, seul à avoir la lourde tâche de captiver le spectateur, il doit occuper l’espace et le temps, 106 minutes en l’occurrence. 106 minutes seulement…mais 106 minutes intenses, même lorsque la réalisation flirte avec le contemplatif. Car contemplatif, sans conteste, est le métrage de Jeffrey C. Chandor.

Synopsis : Tout est perdu. Très loin de La Croisière s’Amuse, le Virginia Jean est en pleine avarie. Le navigateur se réveille. Son bateau prend l’eau. On pourrait s’attendre à voir son visage devenir écarlate, mais il  reste stoïque, maître de lui-même. Assez pour que l’on comprenne que le matelot navigue sur les flots depuis déjà très longtemps. Méthodique, il cherche à réparer. L’océan est rude; si rude que même les gouttes de pluie sur la peau sont une bénédiction.

En cela réside le tour de force du film. Mettre sur pieds un paradoxe palpitant. D’un côté le huis clos qui naît de l’exiguïté de la cabine; de l’autre l’opposition de la voile, symbole de liberté, au désert hostile qu’est l’océan. L’immensité absolue au milieu de laquelle chacun est vulnérable. La navigation est une passion viscérale. Un amour complexe, presque inexplicable qui pousse le navigateur à la retraite vers le grand large, se confronter à lui-même pour s’apprivoiser.

Le film prend aux tripes, mais au lieu de serrer les dents, la mâchoire inférieure se relâche. L’image et la lumière nous immergent dans une sorte de mélancolie tapageuse, une beauté cruelle, un rêve pétrifiant où les sentiments contraires se bousculent.

On pourrait reprocher à la direction artistique le manque de plans larges, de diversité ou de mouvement, de plans séquences sur les paysages. Mais qu’y aurait-il d’autre à montrer dans ce contexte, qu’une étendue invariablement bleue ? La caméra mise sur le réalisme et préfère se concentrer sur le personnage, montrer son génie marin, montrer la lutte contre les éléments…montrer l’épreuve ultime, salvatrice, qu’est venu chercher l’explorateur. Elle reflète les réactions de l’être face à l’adversité à la manière du savant fasciné par sa petite souris, et n’oublie jamais de ponctuer le récit de quelques touches d’ironie. On pourra ainsi s’émerveiller de l’exemplarité de cet homme qui, assommé par les pénibilités, met 60 minutes à tout juste fredonner un timide: « merde, fait chier » au lieu d’exploser de colère.

Avec un script condensé sur 30 pages seulement, et un budget de 9 000 000$, l’acteur et le réalisateur ont su tout deux laisser vivre leur créativité; dans ses improvisations, expressions et postures, Robert Redfort est littéralement époustouflant. Sa gueule burinée colle trait pour trait au personnage.

Pourtant le film n’a pas su convaincre le public français. A peine 75.000 entrées au cinéma. On  attendait un raz-de-marée promotionnel bien mérité pour ce drame particulièrement intimiste. Peut-être la distribution avait-elle sous-estimé son budget de campagne ? Peut-être a-t-il souffert de En Solitaire de Christophe Offenstein, sorti un mois plus tôt, bien que très différent ? Peut-être faisait-il très beau en ce mois de décembre ?

Malgré cela All Is Lost reste un long-métrage réussi.  J.C. Chandor signe une introspection touchante, qui vente avant tout la sagesse de l’homme expérimenté. Un film qui suscite l’empathie et procure du plaisir; en somme une belle séance ciné.

All is Lost Bande Annonce VOST

Fiche Technique – All Is Lost:

Réalisation: J.C. Chandor
Scénario: J.C. Chandor
Direction artistique : John P. Goldsmith

Décors: Marco Niro
Costumes: Van Broughton Ramsey
Montage:
Musique: Alexandre Ebert
Sociétés de production: Universal Pictures International

Distribution: Robert Redford