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Les moments cinéma et télé qui ont marqué l’année 2018 selon la rédaction

2018 touche à  sa fin, il est alors temps de se lancer dans les traditionnels exercices de bilans de fin d’année. Avant de vous livrer nos films préférés et nos déceptions, les rédacteurs de Le Mag du Ciné ont décidé de revenir sur plusieurs moments qui ont marqué l’année audiovisuelle. Que ce soit une scène particulièrement marquante d’un film, un événement important pour l’industrie cinématographique, un souvenir de festival ou encore une série qui nous aura bouleversés, c’est au travers d’une douzaine d’instants que nos rédacteurs vont revenir sur une année particulièrement riche en émotions, qu’elles aient suscité joie, tristesse ou colère.

82 femmes sur les marches du Festival de Cannes

Par Gwennaëlle Masle

Avec un discours de la Présidente du Jury, Cate Blanchett, et celui de la cinéaste de la Nouvelle Vague, Agnès Varda, les femmes ont pris le pouvoir à Cannes le 12 mai 2018. Et c’était beau. L’image est forte et les photos uniques. 82 femmes de Céline Sciamma à Claudia Cardinale se sont rassemblées pour défendre l’égalité salariale et ce souvenir représente celui d’un Festival mémorable. On espère évidemment que cet instant marque un tournant dans le cinéma et dans cette égalité à toute échelle mais une chose est sûre, cette solidarité, cette entraide, ces poings levés font du bien. Outre le but même de cette action, la lutte est belle à voir et émouvante. Il est si important de voir que l’on peut encore se rassembler et se lever quand on a trop souvent voulu les faire taire. Il est si beau de voir que l’on peut encore s’aimer et s’aider quand on a trop souvent jugé les autres. Suivie de la projection de Les filles du soleil, cette montée des marches était un moment essentiel à Cannes cette année qui ne peut que retourner les cœurs et donner de la force. Même si certaines mesures ont été prises, pour certaines discutables, il reste des progrès à faire. La lutte continue et ne cessera jamais.

La quinzaine des réalisateurs

Par Sébastien Guilhermet

Le festival de Cannes, ce n’est pas simplement sa sélection officielle, son tapis rouge, sa croisette ou ses petits fours. Ce sont aussi des sections parallèles qui font tout la diversité et la grandeur de ce festival. Et même si la sélection officielle nous a fait découvrir de très beaux films, en compétition ou non, la quinzaine des réalisateurs a été l’une des attractions majeures de ces deux semaines intenses de cinéma. Cette année la quinzaine nous a offert un panel de cinéastes iconoclastes, au style graphique très prononcé, et aux univers aussi référencés qu’ésotériques. Ce fut Noël avant l’heure. Ce fut un plaisir quotidien de découvrir chacun des films sélectionnés, du possédé Climax de Gaspar Noé, au psyché et vengeur Mandy de Panos Cosmatos, du comique et burlesque En liberté de Pierre Salvadori, du funky et moderne Le Monde est à toi de Romain Gavras, du sanguinolent et mutique Les confins du Monde de Guillaume Nicloux, sans parler de Mirai, le petit dernier de Mamoru Hosoda. Joie, rire, éclats gores, montée ténébreuse, questionnement sur la famille, virée en enfer, redéfinition du gangster, La Quinzaine des réalisateurs 2018 fut une fête perpétuelle de cinéma.

La victoire de L’amour flou au festival d’Angoulême

Par Chloé Margueritte

Ils arrivent sur scène en pleurant, disant en souriant doucement « ça y est, on retombe amoureux », tout cela est aussi touchant que maladroit. Ils portent leur dernier bébé, soit le film pour lequel ils viennent de remporter le prix du public au festival du film francophone d’Angoulême. L’Amour flou des ex-amants (mari et femme) Romane Borhinger et Philippe Rebbot est à cette image-là : un film touchant et maladroit. Il s’agit en fait d’un rare moment de cinéma, tant il n’en est pas vraiment un, c’est un moment de pure liberté, qui dit que rien ne doit ressembler à ce qui existe déjà et que l’on peut alors tout inventer, même sa séparation. Que l’on peut même la filmer tiens, pourquoi pas. Que l’espace de cette séparation sera redéfini et qu’il deviendra un plateau de cinéma inattendu. Sur scène en tout cas, l’espace est envahi par ce couple de cinéma créé dans un moment où pourtant il aurait dû se défaire. Ils prennent donc les projections comme autant de cadeaux, pour un film qui ressemble à un adieu éternel l’un à l’autre, le public était plus qu’au rendez-vous à Angoulême, avec la troupe de comédiens et offre le cadeau d’un sourire, d’une larme, bref d’une vraie sincérité qui rappelle que le cinéma est aussi un moment de partage authentique et ça fait du bien !

Le monologue du père d’Elio dans Call me by your name

Par Roberto Garçon

« Look you had a beautiful friendship, maybe more than a friendship. And I envy you. » confie Michael Stuhlbarg, en père chaleureux, à son fils de fiction Elio, incarné par le fantastique Timothée Chalamet. A travers ces mots, le père entame un monologue bouleversant qui signe à la fois l’acceptation de l’homosexualité de son fils mais surtout un éloge de l’amour que vivaient Elio et Olivier. Derrière cette tirade, des mots universels qui parleront à tous ceux qui aiment et aimeront. Entre la pudeur et le non-dit, cette scène délivre un ultime message de bienveillance face à notre liberté et notre urgence d’aimer. A la fin de cette scène, qui ne s’est pas dit qu’il rêverait d’avoir un père pareil ? Autant dire que ce monologue réchauffe le cœur et lui donne envie de battre encore plus fort, face à une homophobie qui gangrène encore nos sociétés. Face à une actualité déprimante qui a ressorti le pire de ce que pouvait faire l’humain, Call me By Your name contre-attaque et nous donne à rêver. Arrivant sur la fin du métrage, cette séquence révèle encore plus la vérité de la merveille cinématographique de Luca Guadagnino : une exposition d’un amour vrai, passionné et jamais stigmatisé. Just remember our hearts and our bodies are given to us only once

La scène du compositeur d’Under the Silver Lake

Par Jules Chambry

Under the Silver Lake est un film qui questionne la culture et notre rapport à elle, comment elle nous influence, voire nous détermine et, inconsciemment, manipule notre regard et nos relations sociales. Dans sa longue quête iconoclaste, le personnage principal incarné par Andrew Garfield parvient, après maintes étapes façon « chasse au trésor », à se rendre jusqu’au repère de celui censé pouvoir répondre à ses questions : le « compositeur ». Cet homme, joué par un jeune grimé en vieux, est étrange jusque dans son apparence qui sonne volontairement faux, comme masquée : il incarne un dieu qui aurait créé l’entièreté de la pop culture, des morceaux classiques aux plus grands tubes de rock, comme si tout ce qui constituait notre univers culturel était le fruit de l’imagination d’un seul homme qui créerait stratégiquement sa musique dans un but de manipulation, d’orientation des goûts. Or on le sait, la culture a ceci de mystérieux qu’on ne sait pas à quel moment une œuvre l’intègre, une autre la quitte, quels sont les critères de ce qui est « culte » ou culturel, ou encore qui en décide – d’où cette apparence de vieillard aux traits irréalistes : un dieu très ancien dont on ne peut déterminer l’âge, la morale, les intentions, c’est-à-dire l’identité. Under the Silver Lake offre ici une scène passionnante et troublante, mettant l’homme face à sa nouvelle religion : la culture, dans laquelle il s’aliène jusqu’à que celle-ci domine sa vie (ou menace les quelques réfractaire d’un coup de son fusil de l’intégration sociale…).

Le premier concert de A Star is Born

Par Jules Chambry

S’il y a bien une qualité que l’on n’enlèvera pas à A Star is Born, au-delà de sa bande-originale et de l’interprétation de ses acteurs, c’est sa virtuosité technique durant les scènes de concerts. S’ils sont tous réussis, celui où Ally monte pour la première fois sur scène est sans doute le plus mémorable d’un point de vue technique et émotionnel. On n’imagine pas à quel point il est difficile de filmer de faux concerts (Bohemian Rhapsody l’a très bien fait également, cette année), tant il faut une alchimie entre la fausse euphorie d’une foule qui se doit d’être crédible, la caméra qui doit se mettre au service de l’immersion, et la musique même qui doit offrir un rendu « live » et acoustique. Bradley Cooper fait des merveilles : même si la foule est peu montrée, la caméra préférant se focaliser sur les musiciens et les chanteurs, on la sent massive et impliquée ; les mouvements de caméra sont admirables, et participent indéniablement de ce rendu « live » puisqu’ils permettent une plongée au cœur de la scène, au milieu des câbles de guitare et des projecteurs, grâce à une caméra épaule incontrôlable. L’immersion est totale, tout est parfaitement calibré et pourtant l’impression d’imprévisible est là aussi : quand Ally rejoint Jack sur scène, le plan s’élargit pour laisser la place à l’ampleur de sa voix, et le talent de Lady Gaga fait le reste. On est alors tout entier empathique avec elle, le stress monte comme si l’on y était soi-même, la peur de ne pas prendre le train en marche ou de trébucher, dans ce monde fou des concerts où tout va si vite, où chaque intonation et chaque mouvement est réfléchi. C’est un saut dans un monde du spectacle aussi effrayant que grisant ; une leçon de musique comme de cinéma.

La richesse des comédies françaises de 2018

Par Gwenaëlle Masle

En Liberté, Le grand bain, Le monde est à toi, Mauvaises Herbes… Les comédies françaises vont bien cette année. Force de propositions et d’idées, le cinéma français a su s’armer d’une bonne dose d’humour même sur des sujets sérieux. Il est rare de voir des comédies intelligentes alors quand la France parvient à en proposer, il faut savoir le souligner. Marina Foïs le disait mieux que personne à propos du film de Lellouche, « C’est une comédie qui ne fait pas rire en se moquant. On rit avec et pas contre. » Et même si ce n’est pas toujours réussi, les comédies françaises ont au moins eu le mérite d’oser, d’innover, à l’instar d’Au Poste de Quentin Dupieux où l’originalité de la mise en scène était de mise. Et cette qualité dans le genre se retrouve d’ailleurs à Cannes où En Liberté ! et Le monde est à toi étaient présents à la Quinzaine des Réalisateurs, pour le grand bonheur du public, qui attend ce genre de surprises.

L’humanité de la série Pose

Par Maxime Thiss

Véritable bourreau de travail touche à tout, Ryan Murphy nous a offert en 2018 une énième création télévisuelle. Accompagné de son fidèle acolyte Brad Falchuck et Steven Canals, le showrunner s’est lancé avec Pose dans une reconstitution très fidèle du milieu des Ballrooms et du voguing dans le New York de la fin des années 80. Cependant ce qui a fait de Pose, la série immanquable de cette année, n’est pas son acuité à reproduire un univers avec une authenticité certaine à la manière de The Deuce de David Simon, mais bien sa galerie de personnages. Au travers de la maison Evangelista et des individus gravitant autour, les créateurs de Pose ont esquissé des portraits terriblement touchants, mettant en lumière des personnes transsexuelles comme jamais auparavant. Avec les interprétations remarquables de MJ Rodriguez, Billy Porter ou Indya Moore, Pose s’est facilement imposée comme un concentré d’humanité comme on en voit rarement à l’écran, et par ce biais devenir la plus belle chose qu’on ait pu voir sur un écran en 2018. Une série tour à tour galvanisante et émouvante, faisait poindre des larmes de tristesse ou de joie, comme dans ce sublime épisode de Noël, où la notion de famille est illustrée de la plus forte des manières.

La déception American Horror Story : Apocalypse

Par Vincent B.

« Le monde ne finira pas avec un boum, mais dans un soupir » disait T.S Elliot. C’est bien malgré lui que l’auteur résume l’état de ce qui était encore, quelques années auparavant, la série d’horreur ultime, celle derrière laquelle toutes les autres s’alignaient. Passé la surprise des trois premiers épisodes, présentant de nouveaux personnages et un contexte inattendu (un abri aux règles victoriennes trash), la lassitude se fait rapidement sentir. Ryan Murphy retombe rapidement dans ce qu’il sait faire de pire : l’auto-citation. Le cross-over annoncé entre les univers de Coven (saison 3) et Murder House (Saison 1), devient rapidement gonflant, tant les scénaristes passent leur temps à expliquer le retour de tel ou tel personnage, au lieu de développer l’intrigue initiale. Des éléments périphériques s’ajoutent (l’hôtel de la saison 5), et Apocalypse s’étire dans un interminable flashback, oubliant au passage tous les nouveaux personnages. Même les retours d’anciennes gloires de la série (Jessica Lange) apparaissent forcés. Nous aurions aimé apprécier cette nouvelle saison, mais passé la hype de l’annonce, elle s’est achevée dans l’indifférence générale devant cette auto-parodie involontaire à l’esprit camp trop outrancier pour convaincre. Presque un non-événement en fait… qui s’étale tout de même sur dix heures.

La claque Devilman Crybaby

Par Sébastien Guilhermet

La série Devilman Crybaby de Masaaki Yuasa est l’une des perles de l’année. Une œuvre, qui ne ressemble à aucune autre et qui traite avec folie et violence d’une humanité qui se désagrège. Gore à outrance, sexualisée de manière conséquente, cette série d’animation est aussi jouissive que pessimiste. Dans un monde contemporain, où un être mi homme mi démon va tenter de sauver l’humanité, son parcours va lui faire lever les yeux au ciel et comprendre que le pire ennemi de l’humain ne sont pas les démons mais l’humain en lui-même. L’humain est un fardeau, qui ne comprend pas le mal qu’il se fait. Courte, pleine de panache, la série est une sucrerie existentialiste, ténébreuse et terriblement mélancolique. Tout comme Paranoia Agent de Satoshi Kon, la série n’est pas qu’un simple défouloir : mais un portrait d’une société compétitrice, une jeunesse poussée dans ses derniers retranchements, aussi voyeuriste que déviante, qui délaisse ses individus et vit dans l’accumulation de regrets. Devilman Crybaby a cette odeur d’autodestruction incommensurable. Incroyable.

La lettre d’Icham dans Dix pour cent

Par Roberto Garçon

Alors que l’homosexualité et l’homoparentalité semblent être uniquement sources d’humiliation et de blagues attardées selon de nombreuses ridicules comédies françaises, la saison 3 de Dix Pour Cent arrive et délivre une séquence essentielle. Ichem Janowski, patron d’ASK, l’agence artistique au cour de la série, a été considéré comme un odieux personnage tout au long des deux dernières saisons. En cause, son caractère vantard et irrévérencieux, mais surtout son désir de tout contrôler jusqu’à vouloir imposer ses droits sur un enfant dont il est le père biologique mais accidentel. De son côté, Andréa, mère du futur bébé, tient de tout son cœur à fonder une famille avec Colette, son amour. Dans cette lettre face caméra, interprété avec justesse et pudeur par Assaâd Bouab, Ichem s’adresse aux deux mamans. En moins de deux minutes, la série Dix Pour Cent offre une scène inattendue et pleine de tendresse qui bouleverse cette fin de série. Dans un premier temps, le discours d’Ichem clôt le bec à tous ces manifestants qui s’opposent à la parentalité par des couples homosexuels. Dans un second temps, la série France 2 confirme une nouvelle fois l’universalité de ces thématiques, qui vont bien plus loin que le récit de caprices de stars.

La scène de danse du season finale de It’s Always Sunny in Philadelphia

Par Maxime Thiss

It’s Always Sunny in Philadelphia a toujours été connu pour son humour repoussant sans cesse les limites, ne se privant jamais d’aborder des sujets tabous de façon frontale et complètement absurde. Quel fut alors notre choc lorsque nous sommes arrivés aux 5 dernières minutes du final de la saison 13 « Mac finds his pride ». Un choc d’autant plus grand que les 15 premières minutes étaient peu inspirées, s’amusant à recycler des clichés éculés sur les gays à l’aide d’un Frank Reynolds complètement dépassé par son époque. Le contre-pied fut alors total lorsque Rob McElhenney nous offra, pour conclure l’épisode, une sublime séquence de danse entre Mac et une femme symbolisant Dieu. Depuis toujours, Mac a été dans un conflit perpétuel entre sa sexualité et sa foi, un affrontement qu’il symbolise au travers d’une danse entre lui et Dieu, sous la forme d’une femme, dansant au cœur d’une tempête. C’est au travers de cette chorégraphie accompagnée du morceau Varud de Sigur Ros, que Mac va pouvoir pleinement exprimer son homosexualité, offrant ainsi les 5 minutes les plus vibrantes et émouvantes de la série, nous laissant à l’image de Danny Devito complètement bouche bée.