Basic Instinct de Paul Verhoeven: la limite ténue entre Lilith et Eve

Turkish Délices, RoboCop, Total Recall, Starship troopers, Showgirls. Un nom, Paul Verhoeven. 44 nominations, 41 récompenses. Depuis son premier court-métrage en 1960 aux Pays-Bas, jusqu’à cette nouvelle année 2021, le réalisateur avec ses 61 ans de carrière reste le plus important de sa génération. Traversant les époques tel un immortel, il se renouvelle constamment. Durant sa période américaine, il réalise de nombreux films qui attirent l’attention du public. Mais avec 352 927 224 $ au box office mondial et 35 nominations, il était impossible de contourner ce thriller érotique de la filmographie de Paul Verhoeven: Basic Instinct.

Entre les années 90 et 2000, le cinéma aime à mettre en scène des personnages de plus en plus déséquilibrés. Ils sont intelligents, charmants et charmeurs, incisifs et retors. Hannibal Lecter (le Silence des Agneaux), Patrick Bateman (American Psycho) ou John Doe (Seven) donnent la chair de poule. Mais ils ne peuvent rivaliser avec les méthodes créatives et efficaces de Catherine Tramell. Cette blonde glaciale fascinera les spectateurs en 1992 avec son modus operandi: un pic à glace, une intelligence diabolique et un charme persuasif.

1992, San Francisco, Californie. Johnny Boz, une ancienne star du rock est retrouvé les mains liées à son lit, poignardé de 31 coups de pic à glace pendant le coït. L’inspecteur Nick Curran est mis sur l’affaire et ne tarde pas à découvrir la sulfureuse Catherine Tramell, petite-amie de la victime. Il est intrigué par cette écrivaine de polar froide et incisive. Enquêtant sur elle, il ne tarde pas à tomber sous le charme de cette « mante-religieuse » …

Fruit de l’esprit de Joe Eszterhas, le script est écrit en une dizaine de jours. Il est vendu aux enchères, atteignant 3 millions de dollars. Le scénariste a aussi travaillé sur une autre œuvre majeure de Paul Verhoeven : Showgirls et Jade réalisé par William Friedkin (père de l’exorciste).

Paul Verhoeven sortait d’un Total Recall auréolé de succès. Les récompenses pleuvaient sur son travail et celui de son équipe : scénario, son, costume, réalisation, prestation des acteurs, frisaient la perfection. Il choisit de travailler avec Sharon Stone sur ce projet. La bande-son est parmi les plus célèbres et marquantes, puisque c’est le génialissime Jerry Goldsmith qui en compose le thème. Il faut dire que cette musique est si particulière puisqu’elle définit exactement Catherine, langoureuse puis saccadée et sauvage. On lui doit aussi les bandes sons de Total Recall, Poltergeist, Rambo, L.A Confidential, Star Trek, la Momie et Mulan. Autant dire que nous tenons là un vénérable maître du son.

Catherine Tramell est interprétée par Sharon Stone dont la carrière décolle définitivement avec ce personnage après 10 ans de traversée du désert. Nick Curran est interprété par Michael Douglas, qu’on verra dans Wall Street, The Sentinel ou Wall Street : l’argent ne dort jamais. La très jeune Jane Tripplehorn tient le rôle d’Elisabeth Garner et signe son premier rôle au cinéma, Leilani Sarelle interprète le rôle de Roxy, amante de Catherine, George Dzundza celui de Gus Moran, adjoint de Nick Curran, et Bill Cable celui de la victime, Johnny Boz.

Ce qui frappe dans cette œuvre de fiction est l’opposition frappante entre deux personnages féminins : d’un côté nous avons Catherine et de l’autre Elisabeth. Elles sont toutes les deux les love interest de Nick Curran et entre elles, une bataille fait rage. Elles marquent l’opposition de deux essences féminines connues depuis l’Aube des temps : la Lilith tentatrice et l’Eve obéissante et protectrice.

 Mais comment cet antagonisme entre Catherine Tramell et Elisabeth Garner s’inscrit-il ?

Pour répondre à cette question, nous verrons comment le film traite l’opposition des deux personnages, puis nous analyserons les brefs moments où elles se rejoignent et enfin, pourquoi Catherine Tramell est destinée à gagner contre Beth.

La plus belle, ce n’est pas elle

Physiquement, Beth est aussi brune que Catherine est blonde. Elisabeth Garner ne soit pas laide, mais face à Catherine, comme toute femme dans cette fiction, elle paraît fade. Même Roxy dont l’ambiguïté sexuelle et la ressemblance avec l’écrivaine sont marquées, est éclipsée par l’énergie de Catherine.

Dès le début, on comprend que Beth n’arrivera jamais à égaler la perfection physique et le charisme de Catherine. Les traits de l’écrivaine sont toujours mis en valeur lors de gros plans sur son visage immaculé, frais et lisse soit en plein air sous une lumière flatteuse, soit dans une lumière tamisée aux tons dorés. La lumière est un rehausseur de beauté qu’elle absorbe magnifiant ses proportions exquises. Elle est parfaite.

A l’opposé, Beth ne bénéficie pas du même traitement de faveur. Elle est illuminée par les lumières du poste, du bar, de l’appartement, lui donnant parfois un aspect quelque peu fantomatique, terne et fade. Mais surtout réservé à l’intérieur sûr, au foyer, ou au travail. Elle ne reste pas longtemps dans un espace mixte et public. Son portrait est découpé dans les plans, presque jamais entier. Lorsqu’on la voit au soleil dans une scène, elle est pâle, comme si elle était malade.

Les diverses situations du film ne la flattent pas du tout. Elle est toujours disputée, réprimandée ou violentée comme une mauvaise épouse ou une enfant comparée à Catherine qui a droit à des scènes de sexe où la lumière met en valeur chaque courbe de son corps. Elisabeth a le droit à un rapport saccadé, imposé et forcé par Nick, qui se défoule sur elle, ne se concentrant que sur son plaisir. Elle est à sa merci et le subit. La caméra se focalise comme dans un film pornographique sur la démonstration de l’acte et ce qu’elle va subir et non sur ce qu’elle va ressentir. On montrera donc son corps, et spécialement ses parties intimes, ses seins, sa bouche, plus que ses expressions faciales ou ses émotions. Elle est un objet de défoulement pour un mâle frustré qui prend sans demander. Il semble malheureusement, qu’elle fasse juste « l’affaire », pour le moment. La Lilith que représente Catherine la détrônera avec une remarquable simplicité, étant donné qu’il va vers celle-ci pour lui demander  ce moment de plaisir. C’est un moment d’échange exclusif et exceptionnel pour Nick, ce qui rétrograde Beth, traitée de frigide.

Le brun

Elisabeth possède une garde-robe plutôt terne, portant des habits foncés camouflant sa silhouette. Tout est large, veste comme trench. Dans le cas de Beth, le brun est la couleur de la terre. Symboliquement, cela peut signifier que celle qui le porte est proche de son être véritable et profond, de sa vraie nature, et n’en masque pas les traits authentiques.

C’est aussi une couleur très neutre, qui n’est pas attirante. Elle ne camoufle pas les défauts comme le noir, ne reflète pas la lumière sur le corps comme le blanc, ne donne pas de potentiel attirant comme le rouge. C’est une couleur passe-partout, terne, un costume de fausse nonne dans le cas de Catherine. Les moments où elle porte les mêmes couleurs que Beth indiquent une volonté de dominer un individu en se faisant passer pour ce qu’elle n’est pas: une fausse femme normale ou plutôt dans les canons de la société. La couleur et ses vêtements sont un costume. C’est le cas notamment lorsqu’on vient la chercher pour l’interrogatoire, elle porte un pull large et brun.

 

Le blanc

Le blanc est composé du spectre rouge, bleu et vert. C’est ce qui compose la lumière. Il attire l’œil là où la couleur apparaît. Le contraste est marquant avec la garde-robe de Catherine qui, lorsqu’elle est en public, porte des vêtements souvent blancs, clairs, révélateurs, près du corps, poussant la provocation jusqu’à comparaitre à son interrogatoire sans sous-vêtements.Ce blanc éclatant met en relief certains aspects qu’elle veut faire ressortir et dévie l’œil des policiers, qui ne sont que des êtres humains avec des désirs, sur son physique, pour les empêcher de lui enlever le pouvoir dont elle dispose sur eux. Métaphoriquement, elle les aveugle par sa vraie nature, absorbe la lumière, la reflète comme une lame.

Le Beige

Le beige est le mélange du brun de Beth et du blanc de Catherine. C’est un autre déguisement de Catherine, celui de la femme qu’elle veut se faire passer aux yeux de Nick. Métaphoriquement, elle adopte une personnalité ambivalente, moins irradiante que celle qu’elle est (le blanc) et pas aussi terne que Beth (représentée par le brun) pour faire de lui sa conquête. Pour Beth, il représente le moment où on la rapproche un peu de Catherine, des mensonges de celle-ci. La couleur s’éclaircit, comme la lumière se fait sur son passé avec Catherine à l’Université.

Le trench beige est un vêtement que Beth portait à sa mort et qui au niveau de la couleur montre sa nature duelle. C’est aussi comme ça que la perçoit Nick au moment où il la tue. Que Catherine porte une robe beige rehaussée de paillettes le soir où elle couche avec Nick, montre l’amorce de son piège. Qu’elle soit habillée d’une saharienne beige aussi terne que les vêtements de Beth avant le meurtre de cette dernière fonctionne comme une passation: Nick est officiellement à elle.

Mais cette couleur indique aussi le ressenti de Nick: il « pense » connaître Catherine, puisqu’ils sont ensemble. Il connait son passé, ses ressentis, certaines confidences. S’en suit une scène où elle dit à Nick que ce sera la dernière fois et qu’elle doit tuer le policier de son roman. Et effectivement, lorsque le lendemain son roman « Flingueur » est imprimé, elle rompt avec Nick parce qu’elle n’a plus besoin de lui. A la mort de Gus et Beth, elle porte un pull beige aussi et lui dit qu’elle a peur d’aimer car elle perd tous ceux qu’elle aime autour d’elle. Nous sommes à la fin du film, elle a gagné. Nick Curran est à elle.

De cette récupération, nous pouvons croire Beth qui disait que Catherine avait un penchant au mimétisme après leur nuit conjointe.

Beth ou Eve: la soumise

Au 2e quart d’heure du film, Garner a fait appel à un spécialiste des comportements psychotiques. Celui-ci parle de deux possibilités pour le profil du meurtrier Boz : soit l’écrivain elle-même serait la coupable et serait une psychopathe ayant prémédité son acte pendant des années. Soit une lectrice du roman s’est inspirée de celui-ci et  décide de tuer une victime juste par haine obsessionnelle.

Le plus drôle dans les deux cas est que le film pose les deux possibilités de la meurtrière dans cette scène : Catherine par son comportement clairement bizarre et Elisabeth. Beth est plus discrète MAIS est suggérée par le plan qui se focalise sur son regard lorsque Nick pose la question sur la 2nde possibilité. Un regard mystérieux mais clairement énervé d’ailleurs…

Cette opposition et ce jeu de piste pour savoir qui a commis le crime s’étalera tout au long du film. Par exemple, on peut parler des noms de familles des deux femmes. Garner en anglais dériverait directement de l’anglo-normand « gerner », descendant de « granarium,  » issu du latin pour « grenier » et définit comme une réserve où on stocke le grain. Une seconde origine serait « Gardner » qui veut dire « Jardinier ». Dans les deux cas, cela confirme le lien à la terre, au brun. Elle est donc Eve, liée à la Terre qui est sa punition. On peut aussi la rapprocher de la mythique Cassandre qui était condamnée à ce qu’on ne croit jamais ses prédictions.

Autant les deux peuvent s’interchanger les couleurs à porter, autant Beth et Catherine n’ont rien en commun au niveau de leur personnalité. Elisabeth a l’air constamment nerveuse, inquiète et anxieuse. Les traits plissés, elle a souvent peur de Nick lorsqu’il est en colère. Lorsqu’elle est violente, elle n’a pas réellement de force et s’excuse rapidement de s’être emportée, reprenant la place qu’on lui dédie.

Elle est tendre avec Nick, cherchant à le protéger et tente le tout pour l’éloigner de certains dangers. Lorsqu’ils rompent, Nick arrête de boire, fumer et de consommer de la cocaïne (qui est aussi blanche). Elle est dévouée et obéissante à la hiérarchie de son travail. Beth est peu expressive dans le rapport charnel et Nick lui reproche sa frigidité. Gus Moran se moque d’elle à cause de sa loyauté. Lorsque Nick lui dit « apparemment je lui manque », Moran réplique « putain, elle, quand elle a un mec c’est pour la vie. » Beth est une Eve, fidèle, loyale et soumise, elle donne l’essentiel de ce qu’on lui demande, voire plus. Le pouvoir n’est pas entre ses mains, mais celui de la personne qu’elle a choisi. Son seul « écart » aux conventions a été avec Catherine pendant l’université et qu’elle s’appelait encore Lisa Hoberman. C’est le seul acte où elle « dévierait » de la moralité de l’époque. Ce changement d’identité et le silence sur nombre de choses suspectes (comme un mariage court, avec un époux décédé dans des circonstances étranges) en font une femme douteuse pour Nick.

L’opposé glacial, Catherine, montre tout et ne ment jamais sur rien de sa vie, ses excès (la cocaïne), ses aventures (le sexe trivial) et ainsi, déleste Elisabeth de son honnêteté. Beth ne prémédite pas les choses comme Catherine, elle aura beau essayer de se dédouaner des diverses accusations de Nick, mais rien n’y fait. Elle est Eve: accusée à tort, alors que c’est le Diable qui l’a tentée. Ce Diable est Catherine qui a plusieurs mesures d’avance. Elle est évincée  et sa réputation entachée. Elle est une Cassandre, elle aura beau crier les prédictions exactes, on ne l’écoutera pas. Elle est Eve, fidèle à Adam le suivant dans son exil et pourtant maltraitée par lui.

Catherine ou Lilith

Catherine est un océan de sérénité immobile. Glacé. Une banquise. Un terrain plat où aucune crevasse, aucune montagne ou colline n’apparaît à l’horizon mais dans le même temps entrainée aux excès. Elle commet tous les interdits et tout ce qui sort de la norme : sexuellement ouverte à tout, sans attache, teste plusieurs drogues sans retenue, meurtrière. Elle n’a l’air d’avoir ni addiction, ni culpabilité ou remise en question. Elle est d’autant plus intéressante puisqu’elle a un métier assez instable, une vie d’excès, où ni son physique, ni sa personnalité, ne pâtissent, comme une déesse qui a la beauté et la jeunesse éternelle. Peut-être n’en subit-elle pas les effets parce qu’elle ne ressent rien et qu’il faut avoir des émotions pour ressentir le manque d’affection ou la culpabilité. Elle est « triste » de la mort de Boz mais ne le pleure pas par exemple.

Mais parmi les traits marquants de Catherine, il y a son pouvoir et sa maîtrise de son environnement. Elle a l’air de pouvoir faire douter tout le monde de ses propres mots ou pensées comme un diable qui chuchote. A la seconde visite de Nick, on pourrait croire que c’est par un concours de circonstances qu’elle laisse traîner un journal sur l’affaire qui lui a valu le blâme. Mais cet événement fait en sorte qu’il doute de lui-même et le déstabilise totalement. Ainsi, elle le maîtrise durant toute l’affaire en ayant su quelle était sa vulnérabilité.

Lors de la première fois avec Nick, il semble presque douter de lui-même comme s’il n’arrivait pas à croire qu’il tient une femme qui a du plaisir dans ses bras. Dans le même temps, il se méfie de ce qu’elle pourrait lui faire. Elle est tout l’opposé de Beth qui ne jouirait jamais avec Nick. Elle est beaucoup plus portée sur le sexe et elle est décrite par Nick comme le « coup du siècle ». Elle est Lilith, un être sexuel, insoumis, indépendant, opposé polaire d’Eve. Elle n’est pas soumise au plaisir de l’homme, l’homme est soumis à son plaisir, et il a peur d’elle. Il a peur de ne pas la contenter. Le sexe est le pouvoir de Catherine. Il n’est pas une monnaie d’échange, mais un instrument de soumission et de pouvoir.

La scène qui reflète son esprit diabolique est celle où elle pleure la mort de Roxy. Elle fait croire à Nick qu’elle est réellement touchée et qu’elle se confie à lui dans un moment de faiblesse. Mais il n’en est rien… Elle le fait pour se protéger d’éventuelles accusations autour des disparitions suspectes autour d’elle. Au fond, on sait qu’elle a provoqué la jalousie de Roxy exprès, sinon, Roxy se serait aussi vengée de Boz, non ? Plus tard, Catherine joue sur cette corde sensible en disant à Nick qu’elle a peur d’aimer car tous ceux qu’elle aime disparaissent, alors qu’elle est celle qui sème la Mort…

Une anecdote intéressante de Sharon Stone dit qu’elle aurait découvert par hasard qu’un « tramell » est un type de linceul écossais. Un nom qui lui confère l’image d’une « donneuse de mort ». Elle est une faucheuse et malgré les diverses théories désignant Beth comme la coupable, le film n’arrête pas de crier que Catherine est une mante-religieuse.

Résumons: Catherine ne se soumet pas à l’homme, elle a le pouvoir et en fait usage, elle est active dans la sexualité et la séduction, manipule les autres, elle tue et ne se reproche rien. Elle est active dans tout ce qu’elle fait montrant un grand besoin de contrôle. Elle est la Lilith meurtrière. Elle s’oppose à la figure d’Eve incarnée par Beth, passive, tendre et soumise. Beth est la douceur, la protection, plus effacée, habituée à être soumise et continue de l’être sans vouloir réellement en sortir.

Catherine Tramell: la Femme Fatale

Dans le cinéma, une des figures les plus intéressantes du film noir est celle de la « Femme Fatale ». C’est un personnage féminin immoral, égoïste, prêt à tout pour réussir. Son but est l’argent, le plaisir, l’indépendance, si bien qu’on ne voyait que deux manières de conclure l’histoire de cette figure dans le cinéma : la mort ou le repentir. En tout cas, c’était le cas jusque dans les années 60 avec le code Hayes aux États-Unis. Ce code instaurait dans le cinéma américain des lignes de conduite desquelles ne devaient pas sortir les réalisateurs et les scénaristes. Par exemple, on ne montrait pas de couples mixtes, on ne montrait pas de scènes ouvertement sexuelles, on ne représentait pas l’adultère comme une bonne situation, on ne montrait pas de situation de séduction ou de poses trop lascives, etc…

La figure de la Femme Fatale connaît un renouveau dans les années 90, et elle n’est plus obligée de choisir entre les deux voies citées ci-dessus. Maintenant, elle peut réussir dans son entreprise. Catherine Tramell est issue de cette descendance de Femmes Fatales, qui vont faire dévier le personnage principal et lui être mortel. Et elle ne sera pas châtiée, ni n’a à se repentir de son comportement. Elle en a tous les traits : la beauté, le port du blanc, le sexe comme instrument de pouvoir, l’indépendance financière, le non-désir de maternité, l’égoïsme. Elle est une Femme Fatale pur sang. Et la première figure de femme fatale est… Lilith.

On la croise mais on en sort changé…

Le seul point d’intersection entre Eve et Lilith est la psychologie. Catherine et Elisabeth ont toutes les deux étudier le sujet à Berkley. L’usage de la psychologie est différent pour les deux.

Beth utilise la psychologie pour débusquer les mensonges et cela s’arrête là. Pour Catherine, c’est un usage où on apprend à mieux mentir, à manipuler les autres, voire à les changer. Ainsi Catherine utilise la psychologie pour détourner les autres, comme Nick. Avec elle, il se remet à boire et fumer, comme ELLE l’avait prédit dans la voiture l’emmenant à l’interrogatoire. Mais elle remplace la cocaïne.

Durant celui-ci, elle joue, elle renvoie la balle, elle s’amuse de l’effet qu’elle fait aux hommes dans la pièce, la scène passe d’elle encerclée par des ennemis, à elle, entourée de courtisans. C’est dire la force de Catherine Tramell. Elle fait ressortir en eux leurs pires côtés.

Elle utilise les émotions des autres pour obtenir ce qu’elle veut, par pure sadisme ou parce qu’elle la gênait, elle pousse Roxy à se tuer indirectement lorsqu’elle essaye de tuer Nick. Mais après tout, n’était-ce qu’une distraction ? Elle le dit aussi elle-même, elle apprend à mentir mieux. Elle apprend à mentir sur ses actions, les yeux dans les yeux sans ciller pendant l’interrogatoire et le cœur serein au détecteur de mensonge.

Elisabeth en revanche, ment à l’homme qu’elle aime mais elle ne le fait pas pour le blesser. Elle s’en veut. Elle ne survivra pas longtemps. Elle est tuée par Nick et on sait que c’est par la volonté de Catherine, qui la faite accusée par des preuves incriminantes. Cette manie de faire tuer les autres est un de ses passe-temps : Elisabeth par Nick mais par le doute qu’elle a semé dans son esprit, Roxy par elle, Gus par elle, mais officiellement par Elisabeth.

Conclusion

Le Bien et le Mal. La soumise et l’insoumise. Elisabeth Garner et Catherine Tramell. Eve et Lilith. Indirectement, ces deux femmes s’opposent dans le film de Verhoeven, sans pourtant se croiser physiquement. Elles sont l’opposé l’une de l’autre, la lune effacée et le soleil aveuglant. L’une tellurique, l’autre glaciale. Eve, protectrice et soumise à l’homme qu’elle aime, et Lilith dans toute sa splendeur diabolique : meurtrière, sans émotions, provocante, détachée, inhumaine, lubrique, elle utilise les autres pour parvenir à ses fins.

Le film de Paul Verhoeven s’attache à travers le code vestimentaire par exemple ou les plans de la caméra, et la lumière à mettre en valeur cette opposition, et à orienter le spectateur sur la vraie nature de ces deux femmes. Il utilise un personnage caractéristique du cinéma américain : la femme fatale, pour intensifier le rapport entre Catherine et Lilith. La symétrie entre Catherine et Beth va jusqu’à prêter à cette dernière un pic à glace en bois, et à Catherine, un pic à glace en acier. Qui est Catherine, demande le spectateur ? Mais qui est Beth demandons-nous!

Pourtant, Basic Instinct n’est pas le meilleur thriller, souffrant d’un scénario démontable en une réflexion : et l’ADN dans tout ça ? Catherine en a laissé sur les pieux et les lieux du crime. Le film perd toute crédibilité avec ce « détail ». C’est la prestation impressionnante de Sharon Stone qui nous détourne de ce défaut et sauve l’œuvre. Mais même ainsi, il est clair que le film est incontournable et qu’il reste un classique du thriller érotique.

Fiche Technique:

Réalisateur et Scénariste: Paul Verhoeven sur script de Joe Eszterhas
Directeur de la photographie: Jan de Bont
Musique: Jerry Goldsmith
Décors: Terence March
Durée: 128 minutes
Langues: Anglais
Année: 1992

Sources de rédaction de cet article:

Basic Instinct – wikipedia– et –ImDb – ; Jeanne Tripplehorn –wikipedia– ; Jerry Goldsmith –wikipedia– ; Joe Eszterhas –wikipedia-; Paul Verhoeven –Imdb– ; Les meilleurs films avec des psychopathes –sens critique– ; Total Recall –wikipedia-; Michael Douglas –wikipedia– ; garner – dictionnaire cambridge– ; affiche –imdb– The Femme Fatale Trope, Explained, par The Take –Youtube– ; Garner –ancestry.com-; La vraie meurtrière de Basic Instinct, de La théorie de Graham – Youtube;