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Total Recall, de Paul Verhoeven (1990) : Rêver à perdre la raison ?

Adapté de Philip K Dick, mis en scène par Verhoeven, Total Recall, le voyage au centre de la mémoire est riche d’une mise en abîme spectaculaire réinventant l’actioner hollywoodien des années 90. En plus de cela, il a un pouvoir incontestable, celui de provoquer sur le champ une dispute avec n’importe lequel de vos proches l’ayant vu, par une simple question innocente. « Oui mais… Est-il encore dans le rêve ? »

Synopsis : La planète Terre, 2048. Hanté par un cauchemar qui l’entraîne chaque nuit sur Mars, Doug Quaid s’adresse à un laboratoire, Rekall, qui lui offre de matérialiser son rêve grâce à un puissant hallucinogène. Mais l’expérience dérape : la drogue réveille en lui le souvenir d’un séjour bien réel sur Mars, à l’époque où il était l’agent le plus redouté du despote Cohaagen. Des tueurs désormais à ses trousses, Quaid décide de repartir sur la planète rouge où l’attendent d’autres souvenirs et bien d’autres dangers…

Just Doug it

La Terre en 2048 est une planète où il vaut mieux rêver. Doug Quaid y est un gars parmi tant d’autres, un ouvrier aux gros bras qui rêve régulièrement d’une Mars qu’on a colonisée pour une matière première au nom improbable, le turbinium. Quand un panneau publicitaire de trop croise son regard, il présente les capacités étonnantes d’une société, Rekall, qui peut implanter n’importe quel souvenir dans les esprits en panne d’exotisme. Vous pouvez être agent secret sur Venus, pécheur sur Pluton ou bien même aller à l’hôtel sur Mercure, tout est possible. Curieux comme un gamin, Doug franchit la porte, sans craindre l’embolie cérébrale que lui fait craindre un de ses collègues.

On se casse sur Mars

Chez Rekall, l’implant d’un souvenir est aussi passionnant qu’une création de perso dans un jeu vidéo. Allongé sur un brancard, choisissez votre job, votre compagne, sa taille, sa morphologie et après une ellipse, le rêve commence. Allons donc sur Mars. Sauf que… Doug réagit mal à l’implant, se réveille en hurlant et fuit la salle en frappant tout ce qui bouge. Adieu Mars. Et pourtant ça repart : l’ouvrier ne peut pas retourner à sa vie très banale, à ses rêves d’asphyxie sur la planète rouge et à son couple ordinaire avec Sharon Stone comme si de rien n’était. Les amis d’hier le poursuivent comme s’il était Arnold Schwarzenegger dans un banal film d’action.

Rêve party

Un cinéaste aussi malin que Paul Verhoeven jubile avec le spectateur de son dispositif et de cette exposition magistrale, renversant tout le modèle reaganien du héros des années 90, comme on passe derrière l’arc-en-ciel dans Le Magicien d’Oz. Dès lors, le rêve hante Total Recall, s’invite au casting. Doug devient un agent double, devant passer sur Mars en toute clandestinité, un espion que ses ennemis et sa propre femme traîtresse poursuivent partout, dans toutes les coursives d’une planète où les habitants se terrent, pendant qu’on essaie de la terraformer. A chaque morceau de bravoure, la féerie menace de s’arrêter : rêve-t-on encore ou pas ? C’est une question entêtante, l’attraction même menant le bal.

On ne réveille pas un somnambule

A plusieurs reprises, Doug sur Mars se voit tenté par des mains mal inspirées. Doit-il obéir à ceux qui lui affirment qu’il dort encore, qu’il est encore dans la scène d’ouverture, en train de faire une embolie cérébrale ? Doit-il accepter de sortir du rêve, donc du film, où il est en train de sauver Mars d’un tyran qui étouffe tous les martiens aussi curieux que persévérants ? La réponse est pour les spectateurs, ceux qui voient se dévoiler un film aussi intelligent que profond sur l’idée même de cinéma. A quoi sert-il, pourquoi me croise-t-il, dois-je en profiter jusqu’au bout ? Telles sont les questions. Quand Total Recall se conclut, l’une d’entre elles est posée. Et elle hante tous les spectateurs d’un des plus beaux trolls de l’histoire du cinéma.

Fiche technique

Titre original : Total Recall
Réalisation : Paul Verhoeven
Scénario : Ronald Shusett, Dan O’Bannon et Gary Goldman, d’après la nouvelle « Souvenirs à vendre » de Philip K. Dick
Décors : William Sandell
Costumes : Erica Edell Phillips
Photographie : Jost Vacano
Montage : Carlos Puente et Frank J. Urioste
Musique : Jerry Goldsmith
Production : Buzz Feitshans et Ronald Shusett
Société de production : Carolco Pictures
Distribution : TriStar (États-Unis), Canal+ Droits Audiovisuels / Columbia TriStar (France)
Budget : 65 000 000 de dollars1
Pays d’origine : États-Unis
Langue originale : anglais
Format : couleur – 1,85 : 1 – Dolby Surround – 35 mm
Genre : science-fiction, action
Durée : 113 minutes

Bande annonce