Avec La Momie, première incursion dans le Dark Universe, les studios Universal n’ont pris guère de risques en proposant un blockbuster d’aventure parsemé d’idées et d’épouvante, dynamique au demeurant avec un Tom Cruise au top de sa forme, mais dont le caractère trop bancal nuit à la sympathie de l’ensemble.
Synopsis : Bien qu’elle ait été consciencieusement enterrée dans un tombeau au fin fond d’un insondable désert, une princesse de l’ancienne Égypte, dont le destin lui a été injustement ravi, revient à la vie et va déverser sur notre monde des siècles de rancœurs accumulées et de terreur dépassant l’entendement humain. Nick Morton, membre d’une unité d’élite de l’armée américaine, accompagnée d’une mystérieuse chercheuse, vont tout faire pour l’arrêter.
Il est intéressant de voir comment un film peut être perçu de manière différente sur son territoire d’origine et à travers le monde. C’est notamment le cas avec ce reboot de La Momie, introduisant le Dark Universe, où les studios Universal s’amuseront à réveiller un par un les vieilles icônes horrifiques ayant fait leurs beaux jours. D’un côté, les États-Unis, où son démarrage fut bien laborieux, ne récoltant que 32 millions de dollars pour son 1er week-end, et n’étant en rien aidé par des critiques catastrophiques niant tout aspect un tant soit peu réussi du long métrage. De l’autre côté, le reste du monde, où le film fait un véritable carton en empochant 140 millions de dollars de recettes, mais avec des jugements toujours aussi sévères. Syndrome récemment détecté du côté du DC Universe, notamment à travers Batman vs Superman ou plus encore Suicide Squad, jamais un tel bashing n’a été aussi palpable. Est-il seulement justifié ?
« Bienvenue dans un monde nouveau, peuplé de dieux et de monstres »
Nous serons tout d’abord tentés de répondre par la négative tant ce nouveau cru de La Momie se montre convaincant dans sa première partie. Car la première heure du long métrage, osons le dire, contient de bonnes idées, rendant ce blockbuster, certes classique et à première vue symptomatique de la tendance actuelle des remakes à tout-va, plutôt sympathique. Il ne cherche d’ailleurs aucunement à concurrencer le précédent film de 1999 par Stephen Sommers, qui à l’instar d’un Indiana Jones proposait un cocktail exotique à base de frissons, d’aventures et d’humour le tout pendant les années 20. Ici, la trame se déroule de nos jours, entre les déserts du Moyen-Orient et l’Angleterre, dans un cadre volontairement plus contemporain. Cette modernisation de l’intrigue s’accompagne également d’un traitement de l’épouvante plus appuyé, rendant des scènes parfois dérangeantes (bien que filmé hors champ, on assiste quand même au meurtre d’un nourrisson !) parfois particulièrement creepy. A ce titre, les zombies accompagnant la momie sont très réussis, à tel point que la minutie du maquillage et le travail sur la lumière, peuvent effrayer les plus jeunes. Ils sont d’ailleurs à l’origine d’une des scènes d’action les plus réussies du film, à savoir une course poursuite en forêt mêlant humour et spectaculaire, bien que le point d’orgue reste indéniablement ce crash en avion, semblant sortir tout droit d’un épisode de Mission Impossible, et dont le réalisme vous fera vous cramponner à votre siège. Mais la réalisation n’est pas le seul point fort du film.
Car pour un divertissement de cet acabit, il est à noter que la caractérisation des personnages est réussie. Tout d’abord, la principale intéressée : la momie elle-même. Interprétée par Sofia Boutella, de plus en plus à l’aise dans le registre de l’entertainment (Kingsman, Star Trek…), celle-ci confère à son personnage un côté à la fois sexy et terrifiant, intriguant et inquiétant, et dont la colère, bien que tirant son origine d’une basique histoire de jalousie envers son jeune frère prétendant au trône, entraîne des situations très efficaces (l’attaque de Londres par exemple). L’autre personnage féminin, interprété par Annabelle Wallis, s’éloigne de manière bien agréable de la demoiselle en détresse et s’apparente davantage à une femme au caractère bien trempée, présente sur le terrain et n’hésitant pas à se battre. Pas vraiment le choix quand on est la comparse de Tom Cruise ! Ce dernier, fidèle à lui-même en matière d’exécution de ses cascades, apporte tout de même une certaine fraîcheur dans son interprétation de cet anti-héros, notamment un sens du second degré et de l’auto dérision qu’on ne lui connaissait pas.
Rythmée, pêchue et sans temps mort, cette première heure ne laissait présager que du bon par la suite. Et pourtant…
« Le syndrome de la double personnalité »
Il est assez cocasse pour un film nous présentant le Docteur Jekyll dans le cadre du Dark Universe de posséder lui-même une double personnalité, diamétralement opposée l’une de l’autre. Car si la première partie nous séduisait par son parti pris et ses personnages, la seconde nous ennuie littéralement, s’embourbant dans des facilités scénaristiques déplorables. A tel point qu’on se demande si nous sommes toujours dans le même film, ou si l’équipe de scénaristes a changé en cours de route, composée pourtant de Christopher McGuarrie, scénariste de Usual Suspects et réalisateur de belles réussites (Jack Reacher, Mission Impossible : Rogue Nation…). C’est bien simple, l’intrigue avance à l’aide de grands bouts de ficelle sur une route clairsemée de brèches : motivation des personnages plus qu’obscure, séquences inutiles et au ton involontairement comique (des zombies qui nagent la brasse sous l’eau ?!), sidekick comique rébarbatif et épuisant, alors qu’il se faisait plutôt discret au début… De même, le film accuse une chute du rythme qui l’avait jusqu’ici caractérisé pour laisser place à un ventre mou des plus lourds et des séquences d’action plutôt ratées, l’attaque de Londres mise à part. Pourquoi ne pas avoir davantage soigné le combat entre Tom Cruise et Russel Crowe, deux acteurs tournant pour la première fois ensemble, et dont le duel ne possède aucun semblant d’intensité ? Pourquoi ne pas avoir instauré un vrai climax final entre la momie et le héros plutôt que cette résolution bâclée et expéditive ? La fin est certes logique dans son déroulement, puisque le film n’est que le premier rouage d’un univers étendu, mais il n’empêche qu’on était en droit d’attendre une confrontation digne de ce nom, qui finalement ne se résumera qu’à quelques coups sur le visage. L’intrigue perd donc de son éclat, et le film de son charme.
Rassurons-nous tout de même, La Momie est loin d’être un cas d’école comme ont pu être certains films malades et désarticulés (Les 4 fantastiques en tête). Bien que bancal et maladroit, il introduit de manière plutôt honnête la nouvelle franchise d’Universal. Mérite-t-il ainsi ce déferlement de haine ? Assurément non !
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La Momie : Bande-annonce
La Momie : Fiche technique
Réalisation : Alex Kurtzman
Scénario : David Koepp, Christopher McGuarrie, Dylan Kussman, sur une idée de Jon Spaihts, Alex Kurtzman et Jenny Lumet
Interprétation : Tom Cruise (Nick Morton), Russel Crowe (Henry Jekyll), Annabelle Wallis (Jenny Halsey), Sofia Boutella (Ahmanet), Jake Johnson (Chris Vail), Courntey B. Vance (le colonel Greenway), Marwan Kenzari (Malik)…
Photographie : Ben Seresin
Montage : Gina et Paul Hirsh, Andrew Mondshein
Direction artistique : Franck Walsh, John Frankish, Andrew Ackland-Snow, Tom Whitehead, James Lewis, Will Coubrough, Justin Warburton-Brown, Steve Carter
Costumes : Penny Rose
Décors : Jon Hutman, Dominic Watkins
Musique : Brian Tyler
Producteurs : Alex Kurtzman, Chris Morgan, Sean Daniels, Sarah Bradshaw, Jeb Brody, Roberto Orci
Sociétés de production : Universal Pictures
Distribution (France) : Universal Pictures International France
Durée : 111 minutes
Genre : Aventure, fantastique, épouvante
Date de sortie : 14 Juin 2017
États-Unis – 2017