Douze ans que les studios Disney nous inondent de remakes live inutiles et purement mercantiles. Mais jamais, ô combien jamais, ils n’étaient parvenus à un tel niveau de médiocrité et de je-m’en-foutisme. Malgré la présence de Robert Zemeckis à la réalisation, Pinocchio version 2022 est une insulte de taille. Une sorte de téléfilm Disney + fauché qui fait preuve de mauvais goût et n’ayant aucun respect pour son modèle d’animation, qu’il reprend pourtant sans aucun scrupule.
Synopsis de Pinocchio : Dans un petit village, l’inventeur Geppetto vient de construire sa dernière marionnette qu’il baptise « Pinocchio ». Désirant plus que tout retrouver un enfant, ce vieil homme fait alors le voeu que Pinocchio se transforme en réel petit garçon. La Fée Bleue accomplit son souhait, donnant vie à la sculpture de bois. Mais la marionnette ne se transformera complètement qu’une fois qu’elle aura prouvé son mérite. Jiminy Cricket sera sa conscience, tâche qui s’avérera plus compliquée que prévu car Pinocchio s’embarque dans de périlleuses aventures…
Nous aimerions tous prier la bonne étoile et la Fée Bleue afin que les studios Disney daignent arrêter de délivrer autant de remakes live à la pelle. De nouvelles adaptations qui ne font que reprendre à la lettre les dessins animés originels tout en leur ôtant toute moelle substantielle. Toute vie, toute magie. Il est vrai que certains titres ont réussi à sortir du lot (Le Livre de la Jungle, Dumbo, Cruella). Mais la plupart du temps, ce ne sont que de purs produits mercantiles dignes d’une chaîne de fast food : grossiers et sans goût, qui peuvent se laisser consommer de manière passable (La Belle et la Bête, La Belle et le Clochard) ou bien avec réticence (Alice au Pays des Merveilles, Maléfique, Cendrillon, Aladdin, Le Roi Lion, Mulan). Et est-ce que leur dernier-né rentre dans cette catégorie ? Dans un premier temps, nous serions pressés de répondre oui, tant cette « nouvelle version » de Pinocchio correspond sans mal aux caractéristiques des mauvaises adaptations. Mais à bien y réfléchir, le film réussit l’exploit de créer une toute nouvelle catégorie. Celle de la malbouffe « à gerber », le long-métrage se présentant tout simplement comme la pire adaptation que Disney ait pu nous servir en douze ans de surexploitation.
Comme la majorité de ses congénères, Pinocchio est un remake d’une inutilité effarante. Tel un gentil petit garçon, loyal et obéissant, le titre copie scène par scène à la ligne près son aîné animé. Reprenant les chansons, les gags, les personnages, les situations… le titre reste dans les clous 90% du temps, sans jamais chercher à prendre le moindre risque. Et quand le film se le permet par moment, ce sont principalement pour les mauvaises raisons. D’une part c’est pour meubler l’ensemble par des personnages inédits (la marionnettiste Fabiana, la mouette Sofia) ou des explications (l’origine du nom de Pinocchio) qui n’apportent strictement rien ; de l’autre pour apporter des changements farfelus (Pinocchio faisant du kite surf avec Sofia plutôt que d’explorer les fonds marins) ou qui dénaturent l’œuvre originelle (Pinocchio pleurant à la fin la mort de son père et non l’inverse). Nous pouvons toutefois souligner un background bienvenu. Celui où le début du film nous fait comprendre que ce bon vieux Geppetto est un homme envahi par le chagrin, ayant perdu femme et surtout enfant. Et qui retrouve la joie d’être père par le biais de sa marionnette en bois. Un ajout non négligeable mais qui, malheureusement, se retrouve expédié en quelques secondes pour ne plus être évoqué jusqu’au générique de fin. Ajoutez à cela de nouvelles chansons dispensables et blagues bien douteuses (le pantin s’extasiant devant une bouse) et vous obtenez un scénario qui ne respecte plus du tout son modèle. Qui le reprend allègrement mais sans jamais le comprendre, tel un joyeux luron dansant sur un cadavre en putréfaction.
Là où Pinocchio aurait pu titiller notre intérêt, c’est par la présence de Robert Zemeckis à la réalisation. Même si ces dernières réalisations n’ont clairement pas marqué les esprits (Bienvenue à Marwen et surtout Sacrées Sorcières), nous parlons tout de même du bonhomme à qui nous devons la trilogie Retour vers le Futur, Forrest Gump ou encore Seul au monde. Et qui s’était déjà frotté à l’animation avec génie avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ? et son triptyque pour mettre en avant la performance capture (Le Pôle Express, La Légende de Beowulf et Le drôle de Noël de Scrooge). Bref, un CV qu’il n’est plus besoin de présenter et qui pouvait être amplement suffisant pour apporter une lueur d’espoir quant à la tenue de ce Pinocchio. C’est pour cela que la déception n’en est que plus démesurée, tant le cinéaste semble éteint. En pilotage automatique tel un gentil petit garçon – lui aussi ! –, le cinéaste devenu yes man ne fait rien d’autre qu’enchaîner les scènes d’une fadeur indigne de son talent. Tout est filmé avec un vide et une mollesse inimaginables. Pire, Zemeckis n’arrive pas à retranscrire les émotions que nous avons pu éprouver avec les moments forts du dessin animé. Que ce soit la magie avec la Fée bleue, l’amusement avec le spectacle de marionnettes de Stromboli, la peur avec la transformation de Crapule en âne ou bien la tension/le spectaculaire avec la baleine Monstro ; tout est passé à la moulinette « édulcoration ». Comme si Zemeckis s’était retrouvé à la tête du projet malgré lui, sans aucune envie. Le réalisateur se réveille toutefois le temps d’une séquence. Celle où nos héros atteignent l’Île Enchantée, se transformant sous nos yeux en véritable parc d’attractions virevoltant et empli d’idées visuelles. Jusqu’à créer une atmosphère un chouïa angoissante via les hommes de main du Cocher, des ombres brumeuses assez terrifiantes. Mais cela ne concerne que dix minutes de film… Ce qui n’est clairement pas suffisant pour fermer les yeux sur l’inhabituelle inertie du metteur en scène. Un constat qui s’adresse également à son comparse musical Alan Silvestri (Retour vers le Futur, Predator, Forrest Gump, Avengers), qui se révèle aussi absent sur ce film que ne l’avait été Danny Elfman pour la trilogie Cinquante Nuances de Grey. Allant jusqu’à composer des chansons inédites d’une futilité désespérante, et dont le style ne s’accorde nullement avec les musiques originelles. Ce qui, pour le coup, donne un résultat sonore bancal.
Et il suffit de voir la direction artistique du long-métrage pour se rendre compte que Robert Zemeckis ne se sentait pas du tout concerné par ce projet. Car sur le plan visuel, Pinocchio est une véritable et inexplicable aberration. Certes, nous pourrions argumenter le fait que, depuis quelques temps, les sociétés d’effets spéciaux semblent débordées par les firmes hollywoodiennes – notamment Marvel/Disney –, les empêchant de finaliser comme il se doit le rendu final d’un long-métrage. Mais rien ne peut justifier le mauvais goût visuel qui nous est ici offert. Entre la Fée Bleue sortie tout droit d’un cabaret et Monstro échappée d’une production Asylum (Sharktopus) – pourquoi des tentacules et des branchies pour une baleine ?! –, Pinocchio ne parvient jamais à trouver une identité et une qualité visuelles fortes. En effet, pendant près de 1h50, vous aurez droit à des personnages ne sachant pas s’ils doivent être réalistes ou proches d’un cartoon. Que ce soit Pinocchio lui-même, mais aussi Jiminy Cricket, Grand Coquin, les chats Figaro et Gédéon ou encore le poisson Cléo. Et quand le métrage se veut gargantuesque dans son imagerie, il noie le spectateur – tout comme ce pauvre Tom Hanks lors du climax avec Monstro – dans une bouillie numérique des plus indigestes. Fonds verts qui piquent les yeux, effets très mal incrustés à l’écran, animation douteuse (Crapule en âne), des détails visuels incompréhensibles – des chopines de bière en CGI ?!–… le constat est tout simplement désastreux, voire même alarmant à ce niveau. Surtout quand un budget de 150 millions de dollars est en jeu !
Même si Pinocchio s’annonçait comme le énième produit à consommer de chez Disney, nous pouvions attendre de celui-ci un minimum de qualité, qui puisse rendre l’ensemble au mieux appréciable. Mais alors que les autres films s’effacent sans mal de nos mémoires après visionnage, impossible d’oublier cette terrible diablerie. Pinocchio est tout bonnement une honte. Pour Disney, qui transforme l’un de ses chefs-d’œuvre en simili téléfilm fauché pour sa plateforme de streaming. Pour Robert Zemeckis, qui perd toute grâce à nos yeux. Pour le jeune public, qui doit se contenter d’une telle abomination qui lui est pourtant destinée. Mais fort heureusement, deux solutions s’offrent à vous pour passer à autre chose. Soit vous vous replongez à nouveau dans le cultissime dessin animé, magique et intemporel. Ou bien vous attendez la diffusion sur Netflix du film d’animation de Guillermo del Toro (prévu pour décembre de cette année), qui s’annonce bien plus audacieux et prometteur que ce déchet hollywoodien.
Pinocchio – Bande annonce
Pinocchio – Fiche technique
Réalisation : Robert Zemeckis
Scénario : Robert Zemeckis et Chris Weitz
Interprétation : Benjamin Evan Ainsworth (voix de Pinocchio), Tom Hanks (Geppetto), Joseph Gordon-Levitt (voix de Jiminy Cricket), Luke Evans (le Cocher), Kyanne Lamaya (Fabiana), Cynthia Erivo (la Fée Bleue), Keegan-Michael Key (voix de Grand Coquin), Giuseppe Battiston (Stromboli)…
Photographie : Don Burgess
Décors : Doug Chiang et Stefan Dechant
Costumes : Joanna Johnston
Montage : Mick Audsley et Jesse Goldsmith
Musique : Alan Silvestri
Producteurs : Derek Hogue, Andrew Miano, Chris Weitz et Robert Zemeckis
Maisons de Production : Walt Disney Pictures, ImageMovers et Depth of Field
Distribution (France) : Disney +
Durée : 111 min.
Genre : Fantastique
Date de sortie : 08 septembre 2022
Etats-Unis – 2022
Budget : 150 M$