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Illustration © Copyright Sarah Anthony

Mulan (2020) de Disney : une réécriture plus proche de la légende et plus grave

Très attendue au cinéma et maintes fois reportée depuis la première date de sortie fixée à mars, la version live-action de Mulan sera finalement, au vu du contexte sanitaire, à regarder de chez soi sur son téléviseur ou écran d’ordinateur. Les abonnés Disney+ ont en effet pu le découvrir, et ce depuis le vendredi 4 décembre.
Alors que la mode semble être de démolir les remakes en prise de vues réelles de Disney, que vaut ce nouveau Mulan ?

Une fresque visuelle, colorée et superbe 

L’atout majeur de ce film est assurément visuel. Un travail particulièrement soigné a été réalisé pour apporter une véritable esthétique à l’image : les costumes sont flamboyants, travaillés et mémorables. Les décors, qu’ils soient construits ou naturels, sont du même niveau. L’architecture chinoise typique est ici monumentale et très détaillée, rendant hommage aux constructions de l’empire du Milieu. Il en va de même pour les paysages qu’arpente Mulan, aussi beaux que variés.
L’exploitation de la diversité géographique d’un pays aussi vaste que la Chine est intéressante, et on note qu’une séquence a lieu dans ce qui semble être un aperçu des fameuses montagnes colorées de Zhangye Danxia.
Les chorégraphies de combats et de batailles sont aussi fluides et impressionnantes, dignes des meilleurs films d’action asiatiques.
De quoi déplorer d’autant plus de ne pas s’émerveiller devant ces images époustouflantes devant un écran de cinéma dans une salle obscure… plutôt que sur un écran de taille plus modeste chez soi.

Une réécriture encore plus féministe…

Les films live-action de Disney semblent soumis à une malédiction : quel que soit le parti-pris scénaristique choisi, ce dernier est critiqué. Ainsi, Le Roi Lion version 2019, qui reprend plan par plan l’original en dessin animé (1994), est fustigé pour son manque de créativité, tandis qu’on s’offusque que la version 2019 d’Aladin ait pris des libertés avec le classique de 1992. Y a-t-il vraiment lieu de statuer sur une quelconque supériorité d’un choix sur l’autre ? Réécriture ou remake ultra fidèle ?
Et surtout, qu’en est-il de Mulan ? Le film de Niki Caro se range du côté d’Aladin de manière bien plus radicale en optant pour une réécriture mettant encore davantage l’accent sur le féminisme, écartant au passage la légèreté et l’humour enfantins caractérisés dans le dessin animé de 1998 par la présence notamment du petit dragon Mushu.
Un nouveau personnage, la sorcière Xianniang, fait son apparition, elle aussi puissante mais sous-estimée en raison de son sexe. C’est un très bon point pour le film : cette nouvelle venue intrigue et donne une dimension supplémentaire et surnaturelle à l’histoire. Elle est magnifiquement interprétée par Gong Li, dont la beauté semble décidément insoumise au passage du temps. On salue d’ailleurs le casting asiatique, avec notamment Yifei Liu dans le rôle de Mulan et Jet Li dans celui de l’empereur. L’ère du whitewashing est définitivement abolie.

…qui change radicalement le ton de l’histoire

Le résultat est pour le moins différent : d’une histoire pour enfants, qui amenait régulièrement de la légèreté parmi cette intrigue militaire, à coups de chansons et pitreries de dragon ou de criquet, l’on est passé à une fresque sérieuse, plus proche de la légende d’origine et nettement moins légère.
C’est peut-être là que le bât blesse : on a un peu de mal à s’attacher à ces personnages tous très (trop) dignes, qui s’efforcent de ne pas faire le faux pas le plus minime qui les mènerait aussitôt en disgrâce, et pensent tant à l’honneur qu’ils en oublient de vivre. Car même dans sa transgression (nécessaire), Mulan se montre infaillible. Son unique défaut serait donc d’être une femme, mais l’on aurait aimé voir un personnage qui a ses propres faiblesses (de caractère) et s’en relève. Plutôt que de voir un protagoniste fort, idéalisé, sortant du lot par ses capacités, et dont le seul tort est d’être née femme à une époque machiste, et qui nous renvoie à nos propres faiblesses. D’autant plus que Mulan, contrairement au dessin animé, est ici dotée de compétences en arts martiaux exceptionnelles, difficile donc de s’identifier à cette « surfemme ».

Le résultat donnant à voir un film à plusieurs registres, où les scènes domestiques rappellent le conte, et les scènes militaires les films d’action asiatiques (hommage assumé et de grande qualité), le tout très bien accompagné par la reprise instrumentale du thème du dessin animé, Reflection.
D’autres critères entrent néanmoins en jeu : il n’est pas nécessaire de passer sous silence les quelques polémiques qui ont émaillé la sortie du long-métrage (prises de position politiques de l’actrice principale, tournage dans des décors abritant des camps d’internement détenant des Ouïghours…)
Mulan en prise de vues réelles est donc à regarder comme une autre version de l’histoire, plus adulte, moins amusante mais néanmoins de grande qualité, du moins visuelle. 

Mulan : bande-annonce 

Fiche technique :

Réalisateur : Niki Caro
Scénaristes : Rick Jaffa, Amanda Silver, Lauren Hynek, Elizabeth Martin
Casting : Yifei Liu, Gong Li, Jet Li, Donnie Yen, Tzi Ma, Jason Scott Li, Yosun An, Ron Yuan
Musique : Harry Gregson-Williams
Sortie : 2020
Pays : Etats-Unis
Version originale : anglais
Genre : film d’aventure
Durée : 115 minutes