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Le dernier voyage du Demeter : naufrage narratif sous de belles voiles gothiques

On y croyait (ou plutôt on avait envie d’y croire) à cette nouvelle variation inédite sur la figure mythique du comte Dracula. Malheureusement c’est peine perdue et Le dernier voyage du Demeter se range dans la longue liste des œuvres prometteuses, mais broyées par le rouleau compresseur hollywoodien : ses obligations, ses banalités et sa pudeur… Le résultat est un film aux magnifiques fulgurances visuelles gothiques, malheureusement noyées dans un récit balisé et longuet, ce qui ne rend pas honneur à son illustre créature vampirique.

Synopsis: Le dernier voyage du Demeter relate le destin tragique d’un navire marchand, le Demeter, affrété pour transporter une cargaison privée, composée de 50 caisses en bois, des Carpates à Londres. Accablé par d’étranges événements, l’équipage du Demeter tente de repousser une présence impitoyable qui les assaille chaque nuit. Quand le navire atteint enfin la côte anglaise, ce n’est plus qu’une épave délabrée et calcinée, sans un seul survivant à bord.

Encore un film de vampires, me direz-vous… Et de nouveau une œuvre sur le comte Dracula de surcroît ! Ce n’est pas comme si le septième art n’avait pas déjà purgé de toute sa sève, de près ou de loin, le roman de Bram Stoker. De Nosferatu il y a près d’un siècle en passant par le film éponyme de Coppola ou encore à la toute récente et amusante bonne surprise de cette année occasionnée par Renfield, les œuvres parlant de l’illustre aristocrate de Transylvanie sont légion et doivent bien approcher, voire surpasser la centaine désormais. Cependant, on peut louer ici la petite nouveauté : Le dernier voyage du Demeter s’inspire d’un chapitre du roman qui narre le trajet d’un navire marchand de la Roumanie à Londres avec la créature à son bord.

Nous voilà donc embarqués pour un huis clos maritime d’époque, qui a pris le choix du premier degré et du fantastique plutôt que de l’horreur pure. Le programme est alléchant, mais l’exécution demeure bien décevante, à défaut d’être totalement foirée. Et diable que certaines séquences, ou plutôt certains plans, laissent augurer de ce que Le dernier voyage du Demeter aurait pu être s’il avait été au bout de sa proposition, moins formaté et moins tout public ! Les recoins de ce vieux navire, les jeux d’ombre, le design de la créature (ressemblant ici davantage à une gargouille qui prend vie qu’à Dracula) ainsi que les brumes maritimes confèrent une ambiance gothique du meilleur goût à ce long-métrage. Et l’ambiance victorienne qui va avec est de toute beauté, on ne peut le nier.

Les fulgurances visuelles du film sont clairement son meilleur atout et peut-être presque le seul point véritablement réussi à cent pour cent du film. Les apparitions de ce vampire séculaire sont sombres, baroques et assez bien exécutées, tout comme certaines mises à mort nous ramenant aux meilleures heures du cinéma fantastique gothique d’antan. Il y a un peu de Sleepy Hollow au sein de cette atmosphère singulière et nocturne. Et le dévoilement de la bête se fait de manière progressive et plutôt bien gérée. Mais pour le reste, le long-métrage accumule bien trop de lacunes narratives et de frustrations pour s’avérer concluant. Et pourtant, de voir que l’honnête faiseur André Øvredal était à la barre semblait prometteur.

En effet, le cinéaste scandinave était à l’origine de plusieurs bonnes surprises dans les genres fantastiques et horrifiques avec la triplette de films que furent Troll Hunter, Jane Doe Identity et Scary Stories. Malheureusement ici, il réalise son long-métrage le moins réussi, comme un rendez-vous manqué avec une potentielle excellente série B fantastique. En suivant une ligne narrative ultra rebattue, le film ne prend pas de risques. D’Alien pour la science-fiction à The Thing pour le body horror ou encore à n’importe quel slasher en endroit clos, Le dernier voyage du Demeter fait le choix prévisible et trivial de quelque chose qui va éliminer un à un les protagonistes. En ce sens, il y a un manque flagrant de surprise et l’ordre des morts est bien trop évident et facile à deviner.

En outre, le film dure près de deux heures pour finalement ne pas raconter grand-chose. Tout ce qui se déroule entre les apparitions de ce Dracula momifié qui cherche à se régénérer, un cumul de séquences qui dure peut-être quinze minutes tout au plus, frôle le néant. Des dialogues génériques et tout juste fonctionnels se heurtent à des personnages unidimensionnels tout aussi inintéressants les uns que les autres. Aucun d’entre eux nous happe et nous convainc et, conséquemment, leur trajectoire nous indiffère totalement. A ce titre, la tentative de donner du coffre aux protagonistes est ratée et toutes les autres scènes que celles où apparaît le monstre sont ennuyantes. Quant au gore et aux frissons, ils sont tous deux bien trop timorés, ce qui occasionne une certaine frustration. Le dernier voyage du Demeter s’apparente donc plus à un pétard mouillé, c’est le cas de le dire, qu’à une véritable œuvre qui marquera le cinéma fantastique ou la carrière de Dracula sur grand écran.

Bande-annonce : Le dernier voyage du Demeter

Fiche technique : Le dernier voyage du Demeter

Titre original : Le dernier voyage du Demeter
Réalisatrice : André Øvredal
Scénaristes : Zak Olkewicz et Bragi Shut d’après l’oeuvre de Bram Stoker
Avec Corey Hawkins, Liam Cunningham, David Dastmalchian, …
Production : Dreamworks & Universal
Distribution : Universal France
23 août 2023 en salle / 1h58 / Fantastique.

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2.5