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Showing Up: Michelle Williams |Copyright Allyson Riggs/A24

Showing Up : ou le minimalisme du cinéma indépendant américain dans toute sa splendeur

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Le nouveau Kelly Reichardt, Showing up, est clairement une œuvre mineure de sa filmographie. Inconsciemment, elle y cristallise tous les clichés minimalistes du cinéma indépendant américain entre monotonie et minimalisme poseur. Il n’empêche, son film développe un petit charme indéniable et quelques moments savoureux qui ne compensent pas son côté quelque peu insignifiant qui nous fera vite l’oublier.

Le cinéma dit indépendant américain peut parfois devenir une caricature de lui-même. Quand, par exemple, bon nombre de ses codes se retrouvent regroupés dans une œuvre. Le nouveau film de Kelly Reichardt, papesse de ce type de cinéma, en comprend beaucoup. Beaucoup trop. Si certains de ses films ont marqué cette frange du cinéma d’auteur outre-Atlantique par leur qualité indéniable – on pense par exemple à des long-métrages comme Wendy et Lucy et surtout son avant-dernier opus en date, le magistral First Cow – toute sa filmographie n’est pas de cet acabit. En plus d’être un opus mineur, mais pas son pire (Certain Women était d’un ennui abyssal), Showing Up demeure bien trop ancré dans les sentiers balisés de ce cinéma certes exigeant mais souvent rébarbatif.

La réalisatrice retrouve sa muse, Michelle Williams, après son immense rôle dans le dernier Spielberg, pour la quatrième fois. L’actrice fait confiance à la réalisatrice et réciproquement. Cela se ressent à chaque scène. Le rôle de cette artiste timide que tous les petits malheurs du monde vont éprouver, lors d’une semaine critique précédant son exposition, n’est pas à proprement parler un rôle fort mais l’actrice s’y glisse avec la grâce qu’on lui connait. Elle est juste, comme souvent, et fait partie des aspects positifs, car il y en a, de ce petit film qui frôle l’insignifiance et qu’il est permis d’oublier aussi vite sorti de la salle.

On y parle d’art et, d’ailleurs, Reichardt a écrit le scénario avec un véritable artiste, Jonathan Raymond, dont on voit les œuvres à l’écran. Le microcosme artistique est ici montré dans ce qu’il a de plus attirant et déplaisant à la fois. Des bobos ou des baba-cool au sein d’un institut d’art presque coupé du monde. Le regard que porte la cinéaste sur ces gens est plutôt affectueux même si certaines séquences un peu amusantes croquent parfois le côté inaccessible et hermétique du milieu de l’art. Mais on est loin d’une critique acerbe comme l’épuisant et prétentieux (en plus d’être récipiendaire d’une Palme d’Or) The Square du suédois Ruben Ostlund, qui s’est heureusement rattrapé avec la suivante, ou du raté Velvet Buzzsaw sorti sur Netflix. Non, la cinéaste les aime, cela se sent, et leur dédie presque son film, même si elle ne le dit pas.

Le problème principal de ce film minimaliste au possible mais qui évite tout de même le contemplatif ennuyant est qu’il ne raconte pas grand-chose. Showing up est la somme de micro péripéties qui peuvent parsemer nos vies ; la plupart sont malheureusement peu palpitantes ici et encore moins mémorables. Des seconds rôles pas toujours bien creusés ni écrits vont croiser le chemin du personnage principal pour le pire et le meilleur. De Hong Chau en propriétaire et amie, à la relation biaisée, qu’on a largement préférée dans The Whale, à Maryann Plunkett et Judd Hirsch en parents divorcés plutôt drôles. Mais que dire des personnages de Andre Benjamin ou Amanda Plummer, à peine dessinés. Inutiles et vains ou alors coupés au montage.

Reichardt tombe dans de nombreux travers (volontairement?) qui ont fait que ce type de cinéma a connu un creux à la fin des années 2000 et est tombé presque dans l’abandon. De ce type de productions issues d’un festival comme Sundance qui n’a plus le prestige d’antan. Showing up a pourtant été sélectionné en compétition au dernier Festival de Cannes. Lorsqu’on voit les perles de la section parallèle Un Certain Regard, c’est à n’y rien comprendre. C’est monotone, ça s’étire plus que de raison et surtout c’est le genre de film qui ne raconte pas grand-chose.

Malgré tout, Showing Up n’est pas totalement déplaisant. Il développe même un certain charme si on veut bien se couler dans son rythme nonchalant et son absence de réelle ligne narrative. Les images sont douces et quelques séquences s’avèrent plutôt réussies. La ville de Portland est filmée de manière envoûtante. Il faut aussi noter que les silences ont leur importance mais que Reichardt en abuse. En somme, si l’ennui n’est jamais très loin et que ce long-métrage ne devrait pas marquer grand monde, il n’est pas mauvais. Comme le vestige d’un certain cinéma sous perfusion que seuls quelques artistes continuent d’exercer. Dispensable à défaut d’être raté, on se demande si un tel script méritait bien un film ? Poser la question c’est y répondre.

Bande-annonce : Showing up

Synopsis : Avant le vernissage de son exposition, le quotidien d’une artiste et son rapport aux autres où le chaos de sa vie va devenir sa source d’inspiration…

Fiche technique : Showing up

Réalisation : Kelly Reichardt
Avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett, …
Photographie : Christopher Blauvelt
Montage : Lucian Johnston
Scénario : Kelly Reichardt & Jonathan Raymond.
Production : A24.
Pays de production : Etats-Unis.
Distribution France : Diaphana
Durée : 2h59
Genre : Comédie – Drame.
Date de sortie : 3 mai 2023

Showing Up : ou le minimalisme du cinéma indépendant américain dans toute sa splendeur
2.5