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Rebelles : c’est ça le girl power ?

Chloé Margueritte Reporter LeMagduCiné

Surfant sur une vague déjà amorcée depuis un moment, et légèrement hypocrite, Rebelles met en scène des femmes qui ne se laissent pas abattre par la vie, quitte à prendre les hommes un peu trop pour des imbéciles et à desservir son propos. Cependant, dans une optique à la Tarantino ou un peu cartoonesque, le film a un côté jouissif, qui fait plaisir à voir. Espérons simplement que cette tendance à vouloir vendre un film simplement sur un soit-disant « girl power » ne finisse pas par devenir un simple argument marketing un peu trop creux.

Girl power et marketing

Que l’on soit du côté blockbuster avec Captain Marvel ou au cœur du cinéma français avec Rebelles, les femmes ont la part belle au cinéma en ce mois de mars. Il semblerait même qu’elles tiennent la tête d’affiche de nombreuses productions et deviennent un argument marketing. Il n’y a qu’à lorgner du côté de la promo du dernier film de Lisa Azuelos Mon bébé, pour voir à quel point cela peut aller loin. En effet, la réalisatrice et l’actrice Sandrine Kiberlain se sont exprimées dans de courtes vidéos présentées en même temps que les annonces au cinéma. Elles y poussaient les spectateurs dans les salles pour voir Mon bébé, au prétexte qu’il sortait en parallèle de la journée de la femme le 8 mars et qu’il s’agissait de « la seule journée pour parler des femmes » (et c’est bien dommage de présenter ça ainsi).

Or, va-t-on voir Mon bébé en premier lieu parce qu’il met en scène des femmes ou parce qu’il évoque la séparation mère-fille, le besoin de se reconstruire à tout âge ? Rebelles a été moins hypocrite dans sa promotion en mettant en avant le côté « novateur » de son concept : mettre en scène des femmes qui se battent, qui se défendent, ne plus en faire des faire-valoir du cinéma d’action. On pense donc de suite, jusque dans le jaune de l’affiche, à la filiation avec Tarantino et son Kill Bill vengeur.

Être une femme libérée

Pourtant, là où les ennemis d’Uma Thurman étaient aussi bien des hommes que des femmes, Rebelles se contente d’opposer frontalement hommes et femmes. Il n’y a visiblement pas d’harmonie possible. A l’instar de films plus subtiles sur une inversion dans la société des rôles joués par les hommes et par les femmes (on pense notamment à Jacky au royaume des filles), on aurait aimé que Rebelles, tout en assumant son côté foutraque et décalé, aille plus loin dans son propos. Est-ce réellement servir le « girl power » que de renverser les clichés au risque de les accentuer, de créer une fracture ? Oui, il est dommageable que dans Rebelles les hommes soient tous plus stupides les uns que les autres, sans aucune nuance.

Bien sûr, on prend plaisir à voir un potentiel violeur se faire corriger d’une manière aussi épique et drôle dans une scène très réussie. On ne crachera pas non plus sur la bagarre qui se déclenche dans une caravane entre un père et sa fille. Cependant, chacun semble un peu trop enfermé dans son rôle et finalement le côté gag prend le pas sur la réflexion que semble vouloir mener le film. Le féminin a certainement d’autres choses à offrir au cinéma, en complémentarité du masculin. Le risque qui s’offre au cinéma, notamment français, est d’entrer dans une binarité néfaste à une prétendue libération de la femme défendue ces derniers temps. En effet, l’humanité ne gagnera pas à s’opposer frontalement, le cinéma non plus.

Maladresses et réussites 

Mais cette maladresse se ressent aussi dans l’écriture de personnages très figés, qui rend l’humour un poil trop lourd car se servant aussi de son contexte social, sans en tirer profit. La conserverie qui est si bien mise en avant dans la scène d’ouverture n’est ensuite que sous-exploitée. Certes, c’est le jeu de la comédie et finalement, cette usine n’est qu’un décor propice au grand pétage de plombs général que raconte le film, mais cela montre à quel point le cinéma français a parfois du mal à se positionner dans ses choix artistiques, peinant à se démarquer d’un contexte parfois pesant. Ainsi s’opposerait un cinéma plus bourgeois, dramatique, et un cinéma plus populaire voire simpliste, comique. Là encore le mélange des genres est rarement envisagé.

Or, c’est de cette capacité à prendre de vrais risques, au-delà du plaisir de voir des femmes fortes à l’écran, à brouiller les pistes, que le cinéma ou même la cause féministe pourront gagner un combat difficile à mener, mais pourtant essentiel. Ainsi il ne s’agit pas seulement de s’appeler Rebelles pour l’être réellement, il faut donner à ces personnages de vrais enjeux. Au-delà de ce discours raté, Rebelles reste un très bon divertissement, souvent drôle, parfois piquant,  avec un beau numéro d’actrices : Cécile de France, Audrey Lamy et Yolande Moreau. Peut-être que le girl power c’est aussi dire que l’on peut être une femme et se battre par cupidité, ici l’argent volé au patron/violeur, être kitsch, féminine ou non, un brin ravagée, parfois complètement déjantée. Les trois personnages forment ainsi un regard sur le déclassement, l’envie d’en découdre avec les humiliations et de ne pas se laisser dicter son destin et ce jusqu’au fameux happy end « ils vécurent heureux… », que le film détourne avec beaucoup d’humour.

Rebelles : Bande-annonce

Rebelles : Fiche technique

Synopsis : Sans boulot ni diplôme, Sandra, ex miss Nord-Pas-de-Calais, revient s’installer chez sa mère à Boulogne-sur-Mer après 15 ans sur la Côte d’Azur. Embauchée à la conserverie locale, elle repousse vigoureusement les avances de son chef et le tue accidentellement. Deux autres filles ont été témoins de la scène. Alors qu’elles s’apprêtent à appeler les secours, les trois ouvrières découvrent un sac plein de billets dans le casier du mort. Une fortune qu’elles décident de se partager. C’est là que leurs ennuis commencent…

Réalisateur : Allan Mauduit
Scénario : Jérémie Guez, Allan Mauduit
Interprètes : Yolande Moreau, Cécile de France, Audrey Lamy, Samuel Jouy, Simon Abkarian
Photographie : Vincent Mathias
Montage : Christophe Pinel
Producteur : Matthieu Tarot
Sociétés de production : Albertine Productions, Le Pacte, Wild Bunch,  France 3 Cinéma
Distributeur : Le Pacte
Durée : 87 minutes
Genre : Comédie
Date de sortie : 13 mars 2019

France – 2019

 

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