Retour sur My Heart Is That Eternal Rose de Patrick Tam, une love & mafia story toute en pastels et couleurs chatoyantes à (re)découvrir en Blu-ray chez Spectrum Films.
Synopsis : Rick et Lap sont des amoureux dont la romance est brisée par le meurtre accidentel de l’inspecteur Tang dans lequel Rick et le père de Lap sont impliqués. Ils sont obligés de fuir chacun de leur côté. Six ans plus tard, Rick, devenu tueur à gages, retrouve Lap, qui s’est fiancée au puissant des triades Shen pour sauver son père. Les deux réalisent vite qu’ils ont encore des sentiments l’un envers l’autre.
Love Story mafieuse à Hong-Kong
My Heart Is That Eternal Rose plonge passionnément dans les tropes des deux genres qui le construisent : la romance et le thriller mafieux. D’un côté, nous avons un jeune couple naïf à la relation amoureuse chaste, proche du « fleur bleue », dans un décor d’antan capturé avec un travail de photographie nimbé de douce lumière inspirant le rêve, l’utopie. De l’autre, le monde de la mafia va s’imposer à eux avec des lumières un peu plus crues, des décors tantôt cradingues, tantôt luxueusement grossier, occupé par des gangsters immondes, des prostituées asservies, des « bikinis et des gros calibres » pour reprendre l’expression de Stephan Hammond et Mike Wilkins dans Sex and Zen & Bullet in the Head.
La direction artistique du film, dans la continuité de Scarface (1983) et de la série Deux Flics à Miami (1984-1989), avec ses pastels chatoyants et couleurs saturées cachant souvent une réalité bien moins colorée, permet à Patrick Tam de confronter le romantisme jusqu’au-boutiste des deux personnages, joliment complétés par un jeune Tony Leung, formant ainsi un triangle amoureux, au cosmos nocturne des triades. Cette originalité d’ambivalence des tons ne sera pas sans évoquer un autre grand thriller mafieux romantique, un chef d’œuvre du genre, L’Impasse, réalisé par Brian De Palma quatre ans plus tard en 1993.
Ce jeu de tonalité pourra peut-être perturber les spectateurs non aficionados du cinéma Hongkongais, notamment des années 80, aux drames mouvementés par une Nouvelle Vague de cinéastes tels que Tsui Hark, Ann Hui et Alex Cheung. Si l’on ne remet pas en question ses gunfights inspirés par John Woo et Ringo Lam – alors devenus les papes du genre –, on pourra toutefois légèrement tiquer face à l’écriture de certaines séquences où les différentes tonalités peinent à être croisées de façon incarnée. On peut en effet penser aux retrouvailles entre Rick et Lap, six ans après avoir été éloignés par de tragiques événements. Rick, devenu tueur à gages, vient d’assassiner un témoin pour le compte du fiancé de Lap. Alors qu’il fuit, elle le retrouve par hasard lors d’une sortie véhiculée. Elle le reconnait, l’emmène. Le court dialogue qui suit cette rencontre du destin n’est pas sans prêter à sourire tant elle semble déconnectée de tout sens du réel. On pourrait reprocher à cette séquence comme à d’autres un manque de direction d’acteurs, en particulier du duo amoureux Kenny Bee / Joey Wong. Toutefois, n’oublions pas que le réalisateur et monteur Patrick Tam fut l’un des mentors de Wong Kar-wai. Être in the mood for love pour Tam ne reviendrait-il pas à élever les sentiments au point de repousser la suspension d’incrédulité dans ses retranchements les plus doux ?
My Heart Is That Eternal Rose en Blu-ray
Le film de Patrick Tam est à (re)découvrir dans une édition Blu-ray soignée chez Spectrum Films. Il y a en effet peu à redire sur la présentation vidéo du film. La colorimétrie semble équilibrée, les images sont stables, et les plans les plus doux obéissent aux choix des directeurs de la photographie David Chung et Christopher Doyle (In the Mood for Love, et bien d’autres). Du côté du son, on privilégiera la piste stéréo au mix 5.1. En effet, la première est plus harmonieuse quant aux dialogues et sons d’ambiance, tout en ne manquant pas de panache. Le mix 5.1 valorise beaucoup trop les voix, ce qui pourra perturber le visionnage de plus d’un.
Le film est complété par un bel ensemble de compléments : l’habituelle et – toujours formidable – présentation du film par Arnaud Lanuque (pour lequel on va finir par établir un fan club), une nouvelle rencontre avec le cinéaste Patrick Tam qui revient sur ses débuts télévisés, la conception difficile du film, ses rapports avec l’acteur principal Kenny Bee dont l’acting est aussi remis en question par le producteur John Shum qui évoque aussi le cadre de production du film. Enfin, on trouve un court et efficace essai vidéo signé Alex Rallo revenant sur le travail de photographie du film en lien avec ses différentes thématiques, ainsi qu’un beau documentaire réalisé par Yves Montmayeur en 2007 sur la carrière du directeur de la photographie Patrick Doyle, revenant par ailleurs sur le nouveau paysage de talents Hongkongais d’alors. On n’y loupera pas la présence de quelques grands noms du cinéma tels que Fruit Chan, Wong Kar-wai ou Gus Van Sant. Pour terminer votre séance, vous pourrez enfin découvrir la bande-annonce du film.
Bande-annonce – My Heart Is That Eternal Rose (Patrick Tam, 1989)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
1 BD-50 – Format Respecté 1.77 :1 – 1080p HD Encodage AVC – Langue : Cantonais DTS-HD Master Audio 5.1 et 2.0 – Sous-titres français optionnels – Hong-Kong – Thriller/Romance – Durée : 1h30
COMPLÉMENTS
Présentation du film par Arnaud Lanuque
Rencontre avec le réalisateur Patrick Tam
Essai vidéo : L’impossible échappée
Interview de John Shum
In the Mood for Doyle – documentaire sur le directeur de la photographie par Yves Montmayeur
Bande-annonce
Sortie le 30 Juin 2021 – prix public indicatif: 25,00 €