Retour sur Man on the Brink d’Alex Cheung, polar matriciel de la nouvelle vague Hongkongaise à (re)découvrir en Blu-ray chez Spectrum Films.
Synopsis : Ho Wing-Chui est un jeune policier intègre et nouvellement promu. On lui donne pour mission d’infiltrer les triades hongkongaises. Acceptant de ne rien dire à sa famille et sa fiancée, le jeune flic motivé ne tarde pas à participer à certaines activités criminelles de plus en plus violentes. Les effets de cette double vie se font pesant et l’enfer ne fait que commencer.
Le spleen du flic infiltré : tradition et modernité
Man on the Brink emploie tous les motifs du film de flic infiltré et surfe sur l’énergie et l’esprit nihiliste des années 70s. Cela afin de permettre au spectateur de plonger, comme le personnage, dans un état de torpeur et de désespoir notamment héritier du Nouvel Hollywood. Cet attachement à raconter une double vie est aussi un élément propre au cinéma Hongkongais, déjà marqué par le cinéma d’espionnage et attaché à méditer par le genre sur leur identité sino-britannique entre traditions orientales et mœurs occidentales.
À l’instar du premier film du cinéaste, Cops and Robbers, ce Man of the Brink s’inscrit ainsi dans une certaine histoire du cinéma. Le film va toutefois revitaliser le récit de l’undercover cop movie qui deviendra alors l’un des grands filons du cinéma hongkongais. Attaque de bande non coordonnée mais effrayante de par le débordement de violence à la machette, et cela, filmée caméra à l’épaule ; home invasion ; scène d’action d’une brutalité sèche alternant entre vraisemblance et spectacularité ; imagerie urbaine entre violence pragmatique, rêverie contemplative et utopie civilisationnelle qui ne sont pas sans évoquer Michael Mann. Ces éléments évoqués parmi d’autres vont ainsi composer par la suite tout un pan du cinéma Hongkongais, en particulier le polar, précisément, le sous-genre du film de flic infiltré.
Film essentiel de la nouvelle vague Hongkongaise portée – entre autres – par Ann Hui, Tsui Hark et Alex Cheung, Man on the Brink possède une force émotionnelle toujours aussi juste et par conséquent efficace. Tel que dans les films de ses confrères, Alex Cheung propose une écriture des personnages qui n’est jamais soumise à la progression du récit, cédant ainsi à des moments d’errance. Ces derniers permettent d’obtenir une narration organique qui suit discrètement les grandes étapes du genre : l’infiltration ; la solitude ; la perte de repères moraux ; le désespoir.
Certains pourraient par ailleurs être surpris d’entendre des extraits de bandes-sonores originales telles que celle d’Alien dans des moments de suspense impliquant des truands sociopathe. C’est pourtant là tout le génie du cinéma Hongkongais que d’avoir excellemment digéré leurs références au point de pouvoir les recycler, soit les renouveler. Dans le film de Scott, le monstre était autant littéral que symbolique, en étant à l’intérieur de chacun, prêt à se révéler brutalement. Justement, Ho Wing-Chui, notre flic infiltré, va devoir lutter contre tous ces monstres intérieurs cachés derrière des mines sympathiques dans un milieu clinquant et fondé sur les faux-semblants. Pire, notre protagoniste va devoir combattre le pire de lui-même lorsqu’il sera au bord du gouffre, on the brink.
Ci-dessous, un extrait de la bande-son de Man on the Brink.
Man on the Brink en Blu-ray
Le deuxième long métrage d’Alex Cheung débarque en France dans une édition Blu-ray soignée par Spectrum Films.
Entre la présentation visuelle de ce film et celle de son premier métrage – Cops and Robbers – réalisé en 1979 et aussi édité chez Spectrum Films, on peut dire que c’est le jour et la nuit. Ici le rendu visuel est plutôt remarquable, que ce soit au niveau de la gestion du grain, de la précision de l’image, de l’équilibre colorimétrique et de la stabilité de l’image. Quelques artefacts subsistent, on a pu noter ici et là une griffe ou mèche. Le tout est soutenu par un solide encodage.
Du côté du son, le bât blesse un peu. En effet, la piste 5.1 a des dialogues sourds, qui frôlent la saturation, malgré un équilibrage sonore loin d’être mauvais. Un son peut être noté en arrière-plan, mais il ne semble pas tant s’agir d’un souffle que d’un effet sonore relativement gênant. La piste stéréo est bien au-dessus en termes de dynamisme même si elle manque elle aussi d’amplitude. Elle reste toutefois notre préférée.
L’expérience de Man on the Brink est complété par de multiples et intéressants bonus : une courte mais efficace présentation du film par notre habituel Arnaud Lanuque qui revient sur l’importance de ce long métrage sur le paysage filmique Hongkongais et notamment sur le sous-genre du film de flic infiltré, ainsi que sur la carrière d’Alex Cheung qui sera moins florissante par la suite. On trouve aussi une nouvelle longue interview du cinéaste autour du film : sa genèse, le pitch du film, la dangerosité du tournage et le besoin de nouveaux codes. Vous pourrez aussi approfondir – et nécessairement réentendre certaines informations – avec une table ronde consacrée au film et richement accompagnée par Alex Cheung, son collaborateur de longue date, le producteur Teddy Kwan, son chef opérateur ou encore son accessoiriste. On félicitera aussi la présence d’un essai vidéo Alex Rallo (d’une vingtaine de minutes) sur le film et la manière dont il s’inscrit dans une forme d’héritage du cinéma hongkongais (le film d’espionnage par exemple) tout en y inscrivant un sous-genre rafraichissant, le film de flic infiltré, aux ramifications stylistiques passionnantes. Le podcast Steroïds mené par Capture Mag, ici représenté par Arnaud Bordas et Stéphane Moïssakis, n’apporte pas grand-chose à l’ensemble, même si quelques commentaires restent bienvenus pour les néophytes : le rappel de la différence entre la nouvelle vague Française et celle Hongkongaise ; le jeu surprenant des tons ; la comparaison d’une scène de Man on the Brink avec une autre de City on Fire de Ringo Lam. On constate à nouveau un manque de précision et d’assurance dans les podcasts Stéroïds présents sur les éditions Spectrum. Précision : ce podcast créé dans le cadre de la sortie de cette édition est désormais disponible en ligne. Enfin, vous pourrez (re)découvrir la bande-annonce originale du film.
Pour les aficionados comme pour les curieux, cette édition de Man on the Brink signée Spectrum Films est clairement conseillée.
Bande-annonce – Man of the Brink (Alex Cheung, 1981)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES
BD-50 – 1080p HD – Encodage MPEG-4 AVC – Format 1.78 – Langue : Cantonais DTS-HD Master Audio 2.0 & 5.1 – Sous-titres français – Hong-Kong – Polar – 1981 – Durée : 101 mn
COMPLÉMENTS
Présentation du film par Arnaud Lanuque
Nouvelle interview d’Alex Cheung
Table ronde autour du film
Making of en Super 8
Hong Kong dans l’entre-deux : essai video sur le film
Podcast Stéroïds dédié au film
Bande-annonce du film
Sortie le 30 juin 2021 – prix de vente conseillé : 25,00€ TTC