Depuis ce 22 mai est disponible en digibook Blu-ray + DVD + livre La Poursuite impitoyable (The Chase). Chronique d’une Amérique enorgueillie par la luxure et la soif de violence, le formidable film d’Arthur Penn revient avec une somptueuse édition HD chez Sidonis Calysta.
Synopsis : Bubber Reeves s’évade de prison avec un complice qui, après avoir volé une voiture et tué son conducteur, l’abandonne. Bubber est alors accusé du crime. Dans sa ville natale de Tarl, au Texas, l’annonce de son évasion et du meurtre déchaîne les haines et les passions, trop longtemps retenues. Anna, sa femme, devenue la maîtresse du fils du magnat local, Val Rogers, se demande comment faire face. L’employé de Rogers, qui a commis le délit dont fut accusé Reeves, craint de voir sa faute éclater au grand jour. Le shérif Calder, quant à lui, sait qu’il va lui falloir protéger le fuyard d’une foule fanatique, qui n’a plus qu’un seul souhait : terminer la fête du samedi soir par un lynchage…
We want wine, sex and blood
La Poursuite impitoyable ne tient pas du pur et efficace récit d’évadé poursuivi par la police, notamment représentée par un gusse plus terrible que le vieil Ouest. Il s’agit d’un film choral dans une petite bourgade où les intérêts légaux et moraux vont croiser tant bien que mal ceux de ses habitants en quête d’excès en tout genre. En effet, l’évasion de Bubber Reeves, interprété par un jeune et juste Robert Redford, va éveiller les bas instincts déjà bien animés des habitants d’une petite bourgade du Texas. Alors qu’une intrigue romantique emplie de poésie et de nuances doit faire face à l’évasion de Bubber, et qu’un sheriff droit dans ses bottes mais considéré comme corrompu par quasiment toute la vile fait tout pour régler l’affaire en douceur, la ville sombre le temps d’une nuit de week-end dans la débauche. Le sheriff, homme de principe, rencontrera bien des difficultés à gérer l’affaire tout en tenant en respect l’immoralité et l’injustice dans une ville sombrant dans un appel instinctif à la dépravation sans limite dont la violence d’abord latente exacerbe rapidement. Ici, les couples se trompent, les parents surprotègent ou contrôlent leurs enfants, tout le monde porte une arme, l’alcool coule à foison, les vieux hommes aimeraient jouer avec les jeunes filles, le racisme quotidien prend lieu en des actes punitifs et le vigilantisme devient une excuse pour s’adonner à la violence physique. Une violence qui, pour les spectateurs de cinéma comme pour de nombreux habitants, devient un spectacle malsain pour voyeurs en quête d’exaltation sanguinolente.
L’une des scènes du film conforte cette interprétation. De nombreux habitants attendent dehors sur la grande place devant le bureau du sheriff. Ils observent le moindre rebondissement, cherchent à ne rien rater des débordements de violence de plus en plus imprévisibles : un sheriff est d’abord neutralisé puis presque battu à mort, un homme prisonnier afin d’éviter qu’il soit maltraité à l’extérieur est menacé de mort pour une information, tout le monde va et vient dans un office d’ordre mis à mal par l’avidité, l’arrogance, la bêtise. Dans la saison 3 de Treme, la série chorale de David Simon et Eric Overmyer, l’inspecteur Colson explique à un inspecteur perplexe la différence entre le vice et le pêché : il s’agit pour le premier d’un verre de trop, d’une tromperie conjugale qui attise la culpabilité, et pour le deuxième, des victimes d’assassins aux enquêtes toujours non résolues. Justement, le cinéaste derrière Le Gaucher et Miracle en Alabama fait de cette frontière la dernière ligne d’éthique, avant de capter dans le dernier acte le plongeon dans une violence cauchemardesque, dont le décor de la casse en feu convoque une forme d’onirisme tout en constituant une sorte de cimetière du rêve américain (voir toutes les voitures de l’American way of life détruites et rouillées).
Le final confirme ce franchissement de l’ultime et mortelle frontière : des blessés et décès parmi les hommes de principes, qu’importe leur place de tel ou tel côté de la loi ; l’amour meurtri ; des pères en deuil, des arrestations, une ville silencieusement sale et salement silencieuse, et un vide du côté des représentants de la loi.
Blu-ray impitoyable
Sidonis Calysta ravira les fans du film ainsi que ceux qui le découvriront avec cette édition Blu-ray. Peu à redire du côté du magnifique master vidéo si ce n’est une étrange tendance colorimétrique à virer dans le magenta comme le note aussi dvdclassik. On vous conseillera d’ailleurs de tester leur comparatif DVD/Blu-ray afin d’en faire vous-même le constat. La piste sonore originale est plus qu’efficace avec une sublime bande-son de John Barry qui sonne formidablement. Quelques sessions de doublage des scènes peuvent même être remarquées. La VF n’est pas spécialement convaincante tant du point de vue technique qu’artistique. Pour le premier point, les voix sont plutôt étouffées et écrasent la majorité des effets sonores. Pour deuxième, un exemple parmi d’autres : le regretté William Sabatier sonne comme une pure erreur de casting concernant le doublage de Marlon Brando. Sa voix comme son interprétation sont à des kilomètres des motivations du personnage et de la présence de l’acteur de Sur les quais et La Vengeance aux deux visages.
Ci-dessous, le thème principal de La Poursuite impitoyable par John Barry.
Passée la formidable expérience filmique, un manque du côté des bonus vidéo pourrait se faire ressentir. Un peu moins de quarante minutes de programme accompagnent le long métrage. On note l’habituelle présence de la bande-annonce, une formidable présentation du film – d’une vingtaine de minutes – par le critique et éditeur (Rivages/Noir, entre autres) François Guérif, habitué des éditions vidéo, qui revient sur la conception du film sabotée au montage selon son réalisateur, son accueil plus que mitigé ainsi que sur la place du film dans la carrière de Brando. Enfin, on trouve trois interviews. L’usage du mot « interview » peut être trompeur puisqu’il s’agit de courts extraits d’entretiens dont l’intérêt fluctue selon l’intervenant. Penn revient en trois minutes sur une très courte anecdote de tournage concernant Marlon Brando et un gag mis en place contre le producteur Sam Spiegel. Dickinson évoque rapidement, en trois minutes aussi, le tournage avec Brando ainsi que le contexte de son engagement dans le casting. Enfin, plus intéressant, Horton Foote, auteur de la pièce originale The Chase, explique notamment la cause de son arrivée sur l’écriture du film.
Un livre vient soutenir les compléments vidéo. N’ayant pas eu accès au digibook contenant l’ouvrage, nous pouvons seulement écrire que ce dernier propose en un peu moins de quarante pages une analyse de La Poursuite impitoyable ainsi qu’un retour sur diverses facettes du film, entre autres : sa conception, Brando, le casting, l’évolution du point de vue de la critique à son égard depuis la sortie du métrage en 1966.
Bande-annonce – La Poursuite impitoyable (1966)
CARACTÉRISTIQUES TECHNIQUES Blu-ray – La Poursuite impitoyable
BD50 – 1080p – Mpeg 4 – AVC – format film (respecté) : 2.35 :1 (cinémascope) – Couleur – langues : Anglais & Français DTS-HD Master Audio mono 2.0 – Sous-titres : Français – Etats-Unis – 1966 – Durée : 135 min.
COMPLÉMENTS
Présentation du film par François Guérif (20 min – HD)
Interview d’Arthur Penn (3 min – Upscale SD to HD)
Interview d’Angie Dickinson (3 min – Upscale SD to HD)
Interview d’Horton Foote (7 min – Upscale SD to HD)
Bande-annonce originale (3 min 30 – HD)