La Part des anges sort en 2012 et repart avec un prix cannois, quatre ans avant la Palme d’Or pour Moi, Daniel Blake, beaucoup plus noir que ce petit bijou à la fois social et comique qui réunit des personnages déjantés, décalés. Un petit apéro tourbé dans la carrière du réalisateur britannique.
D’abord film social retraçant les délits de quelques personnages dont Robbie, violent et futur père de famille devenu indésirable, autant auprès de potentiels employeurs que face à l’ennemi à qui il a refait le portrait dépassant l’autodéfense, le film se déplace vers la comédie, la rédemption. Robbie écope, au lieu de la prison, de travaux d’intérêts généraux.
L’Inglorious Basterds de Ken Loach ?
C’est son éducateur qui, l’initiant, lui et ses petits camarades de galère, à l’art du whisky, va changer sa vie, faisant prendre au film un tournant de comédie, de pure comédie. L’épopée de ces quatre jeunes en kilts (pour paraître plus inoffensifs) s’avère aussi drôle qu’optimiste. Le choix de Ken Loach cette fois-ci est donc l’optimisme, le happy end sans regard moralisateur. Et disons-le sans honte, ça fait du bien de voir les paumés triompher un peu. D’entendre l’accent écossais en anglais (« take care », irrésistible). A ce moment-là, on se croirait presque devant Tarantino et son Inglourious Basterds quand Brad Pitt s’essaye à l’accent italien. Preuve que l’objectif de Ken Loach est pour une fois de montrer que l’on peut tenter de se battre contre l’adversité et pas seulement la subir comme le font peut-être un peu trop les personnages de ses derniers films (notamment le dernier Sorry we missed you). Le tournant, la pirouette du film lance une grande bouffée d’air frais. En plus, la caméra soigne les comédiens par son regard doux et amusé à la fois sur ces voleurs d’un jour qui réussissent même à ridiculiser les connaisseurs. C’est un peu le coup de l’arroseur arrosé.
« Personne ne se méfie des gens qui portent des kilts »
Ces faux alcooliques anonymes réussissent à faire de leur vie quelque chose de mieux, sans être ni tout blanc, ni tout noir. Le burlesque augmente, l’irréel aussi dans l’univers kiltisé, les jeux de mots et les blagues qui s’accumulent, on rit donc franchement. C’est agréable de voir quelquefois au cinéma que la part des anges (que tous les amateurs de whisky doivent connaître), s’évapore aussi du bon côté, pour donner un coup de pouce à ceux qu’on croyait définitivement perdus mais à qui le cinéma laisse toujours une place, un espoir, une chance. Et que Ken Loach, pour son prix du jury largement mérité, récompense avec brio et humour… Comme dit l’adage « après la soupe, un verre de vin, retire un écu de la poche du médecin« … Et avec ce film, aucun risque d’ébriété pour le spectateur, puisque le réalisateur transforme une lutte sociale en véritable moment de cinéma.