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Les fous de pilotes #11 : Critique des séries Watchmen, Treadstone, Modern Love…

Au programme de cette nouvelle vague de séries, à voir sur sur les plates-formes de vidéos en ligne, une anthologie romantique avec Modern Love, de l’action et de l’espionnage avec le prequel de la franchise Jason Bourne, Treadstone, l’Arrowverse introduit la cousine de Bruce Wayne, Batwoman, une super héroïne qui cherche à « trouver sa voie »Catherine the Great, incarnée par la majestueuse Helen Mirren nous emmène à la fin de son règne dans la mini série britannique, enfin HBO nous embarque avec Watchmen, dans une Amérique rétro-futuriste où des super-héros luttent contre des suprémacistes.

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Modern Love : lovely days in New York

Depuis quelques années maintenant, le quotidien The New York Times a une rubrique « Modern Love », dans laquelle des lecteurs racontent leur vie amoureuse, parfois ordinaire, mais souvent remplie de détails farfelus, drôles ou dramatiques. Chaque épisode de la série est l’adaptation, en 30 minutes, d’une de ces histoires.

Le premier épisode est une franche réussite. Nous plongeons dans le quotidien d’une jeune femme vivant dans un immeuble luxueux de Manhattan. Désespérément seule, Maggie Mitchell cherche activement un compagnon. Mais un obstacle se place entre elle et son futur conjoint : Guzmin, le portier de son immeuble ! D’une façon infaillible, celui-ci peut, en un coup d’œil, déterminer si le garçon est sérieux ou pas et si le couple tiendra une nuit ou plus.

Cela donne des situations franchement drôles et cocasses, comme dans ces films où le fiancé doit passer l’épreuve du père ! Sauf qu’ici, puisqu’il s’agit d’un portier, personne ne s’en méfie…

Au fil de l’épisode, l’humour cédera la place à la tendresse et à l’émotion. La relation entre Guzmin et Maggie s’approfondira alors que cette dernière traversera quelques moments difficiles. La réalisation et l’écriture se font toujours discrètes et pudiques. Cristin Milioti est craquante à souhait. Bref, tout ce qu’il faut pour une bonne petite histoire romantique.

4

Hervé Aubert

Watchmen : Tick Claque Tick Claque

Quand on regarde une série de Damon Lindelof, on a un curieux sentiment. Un peu comme si on déambulait. Avec une centaine de ballons d’hélium attachés au jean, dont les poches sont trouées, parsemant des M&M’s sur l’asphalte. On marche dans un environnement à la fois aussi terre-à-terre, réaliste qu’irréel. Ça semble aussi réel que perché, mais on suit. Et on aime. On aime, on récolte les différents indices comme on picore des dragées colorées. Hypnotique.

Il faisait bon vivre à Tulsa, dans l’Oklahoma. Depuis près de 3 ans, les suprémacistes blancs, avec leur test de Rorschach sur la cagoule, avaient été doux comme agneaux. Là où une sanguinaire émeute raciale, la White Night, eut lieu presque un siècle plus tôt, la ville coulait de beaux jours sur le fleuve de la tolérance. Jusqu’à ce soir du 8 Septembre 2019.

Lors d’un contrôle routier anodin, un policier est alerté par une arme cachée sous une cagoule tâchée d’encre dans la boîte à gants d’un campagnard qui transportait des laitues. Ni une ni deux, il s’empresse de rejoindre son véhicule pour débloquer son arme. Déblocage qui ne peut se faire qu’avec l’autorisation de Panda, dont le protocole est aussi lent qu’un appel téléphonique chez EDF. Résultat, il se fait sauvagement canarder par un membre de la Kavalry. Cette attaque est un bon moyen pour remettre le feu à la poudrière du côté de la 7th Kavalry, et nous voilà baignés dans un univers de tension raciale.

Comme avec The Leftovers, Lindelof rajoute une dimension irréelle à un environnement banal. Bon, pas si banal que ça puisqu’il pleut quand même des bébés méduses et que le Vietnam est un État américain. Mais quand même. Entre une capirote et une cagoule, il n’y a qu’un monde : celui de Watchmen. Un monde où le racisme fait écho aux tristes et trop nombreux faits divers américains et où les policiers doivent porter un masque jaune pour garder l’anonymat. Ces masques jaunes qui luttent contre une secte religieuse aux côtés de super-héros cachés. Dont une boulangère.

Une pseudo-boulangère, jouée par Regina King, qui sait surtout donner de bonnes tartes. Flic retraitée elle est LE personnage badass de la série : Angela Abraham. Elle fait manger les murs au sosie de Bernard de la Villardière dans un interrogatoire peu poli, rampe parmi les vaches déchiquetées à la grosse mitrailleuse, roule avec sa Batmobile et est déjà habillée pour le cross-over entre Blade Runner et Star Wars.

Les conflits des personnages sont bien cernés et on comprend vite qu’ils ne vont pas y aller avec le dos de la cuillère. Bien que quelques personnages secondaires soient mis au second rang, la curiosité ne nous les fait pas pour autant mettre de côté. Comme tout bon pilote, le premier jet de carte est joué et l’ambiance est très bien introduite. Sans pour autant nous dévoiler tous les enjeux.

Pour résumer, on est clairement convaincus par ce pilote de Watchmen qui nous emmène dans un environnement alternatif captivant. De nombreuses questions restent sans réponse, mais beaucoup de choses méritent d’être révélées, encore plus avec cette fin d’épisode énigmatique. Allez, le paquet de M&Ms est déjà prêt pour le deuxième épisode !

4

Polis Massa

Treadstone, rien de nouveau

Après une trilogie de films d’action révolutionnaires et deux spin-offs, l’univers Jason Bourne arrive sur le petit écran. Centrée autour de nouveaux personnages, cette série de 10 épisodes se déroule à la fois avant et après les aventures de notre agent secret amnésique.

Alors que le programme Treadstone semblait avoir été démantelé par Jason Bourne, il s’avérerait  finalement que plusieurs « agents dormants » sont encore vivants à travers le monde. Avec le déclenchement du Projet Cicada, ceux-ci prennent conscience, chacun leur tour, de leurs aptitudes presque surhumaines et assassines.

On y découvre également les origines du programme Treadstone, et c’est bien l’unique plus-value que propose la série. Ses agents secrets dormants ou amnésiques et ses scènes d’action survoltées, ainsi que leur bande sonore, ne font que reprendre les codes de l’univers Jason Bourne et principalement de la trilogie originale. On sent également la patte de Paul Greengrass dans la mise en scène bien qu’il ne soit en rien affilié au projet, de quoi accuser le manque d’originalité de ce pilote qui semble surtout exploiter la recette à l’origine du succès des films. Un sentiment de redite peu productif et finalement très frustrant.

Mais tandis que certains apprécieront découvrir la genèse de ces super-espions, il y a de quoi s’interroger sur la pertinence de toutes les explications et mises en lumières qui, sans le moindre remord, cassent l’euphorie autour du mystère des premiers films. Parfois, c’est mieux de ne pas tout savoir.

Diffusé aux États-Unis depuis le 15 octobre sur USA Network et disponible en France à partir de janvier 2020 sur la plateforme Amazon Prime, Treadstone est un drama d’action qui n’atteint pas, du moins dans son pilote, la qualité des long-métrages et s’ajoute à la ribambelle d’œuvres qui confirment cette règle : spin-off et pertinence, ça fait souvent deux.

2

Thomas Gallon

Batwoman : une féminisation forcée qui bat de l’aile

Cet octobre, les fans de l’univers Batman pouvaient être à la fois excités et craintifs avec la sortie du Joker au cinéma, et Batwoman, de la nouvelle série adapté de l’univers Arrowverse. Malheureusement, la déception se fera plutôt du coté de la série de CW….

Ruby Rose, la sulfureuse actrice et mannequin révélée par la série Orange is The New Black, se prête au rôle de Kate Kane, la cousine de Bruce Wayne qui se retrouve tout naturellement à reprendre le flambeau.  Dans un Gotham City abandonné par Batman, une agence de sécurité – dirigé par le père de Kate – s’assure de combattre le crime et protéger les habitants. Mais lors d’une soirée importante, Sophie Moore, policière et ex-petite amie de Kate, se retrouve kidnappée et menacée de mort par la nouvelle vilaine, Alice. Notre antagoniste emprunte une excentricité et un bagou qui rappelle fortement le Joker, dans un style plutôt steampunk.

Notre héroïne, qui n’a pas froid aux yeux, guidée par ses sentiments encore présents pour son ex, décide de s’occuper elle-même d’Alice. Très vite, son obsession pour son oncle Bruce Wayne l’amène à tomber sur la planque de Batman. C’est alors tout naturellement qu’elle retaille le costume et emprunte la petite panoplie de super héros du tonton. Déjà tourmentée par la mort accidentelle de sa sœur et sa mère, Kate est fortement motivée par une soif de justice qui la rende d’autant plus forte.

Un pilote avec un rythme entrecoupée par des flashbacks sur le passé de Kate – la fin de sa relation avec Sophie, la mort de sa mère et sa sœur, ses raisons de quitter Gotham –, qui pèsent par rapport à l’action. Ce premier épisode insère des bases scénaristiques un peu trop évidentes, jusqu’à la rapide révélation de l’identité secrète d’Alice, qui ne donne pas réellement envie de continuer la série.

Cette version de l’univers DC semble plus un pastiche de Supergirl et Gotham, féministe et LGBT Friendly certes mais sans innovation. Il manque cruellement au personnage principal une authenticité de base qui aurait pu être mieux travaillée. Malgré une performance de Ruby Rose prometteuse, fort à parier que Batwoman ne fera pas plus d’une saison.

2

Céline Lacroix

Catherine the Great : Game of thrones version Russie impériale

Le pilote de la série de HBO Catherine the Great, consacrée à la tsarine Catherine II, présente d’indéniables qualités. Visuellement très réussi, l’épisode nous propose des décors superbes (certaines scènes sont réellement tournées dans les palais impériaux, entre autres à Tsarskoïé Selo, à côté de Saint Pétersbourg) et de somptueux costumes. Tout ce que l’on pourrait attendre d’une fiction de cet ordre est réuni ici : personnages historiques, action allant des bas-fonds aux salles luxueuses, intrigues de palais, alliances et oppositions, personnages intrigants, etc.

Et pourtant, il manque quelque chose dans cet épisode qui, à lui seul, représente un quart de cette mini-série. Même en passant outre les inexactitudes historiques, la série rate sa représentation du pouvoir impérial russe. Helen Mirren a beau être excellente (comme d’habitude), le scénario la fait agir et réagir plus comme une reine d’Angleterre que comme une « tsarine de toutes les Russies ». De trop nombreux éléments sont incompatibles avec le pouvoir de type autocratique si particulier à cet empire. Du coup, le personnage central étant mal dessiné, mal écrit, l’édifice ne tient plus trop debout.

Pour tenter de compenser ce défaut majeur, un autre personnage tient un grand rôle, Grigori Potemkine (interprété par un excellent Jason Clarke, vu récemment dans First Man ou Simetierre). Séducteur, tenace, déterminé, il tient une place de choix dans cette intrigue (même si, là aussi, les scénaristes se basent sur des idées historiques contestées).

Ce pilote laisse donc un sentiment mitigé. En centrant l’action à la fois sur son aspect sexuel et sur les intrigues de palais (avec leurs conséquences macabres et sanglantes), les scénaristes tentent de faire de Catherine The Great une série mouvementée, au risque d’en faire un ersatz de Game of thrones version russe.

2.5

Hervé Aubert

Project Blue Book : comme un air de déjà-vu

La première impression qui se dégage du pilote de Project Blue Book, c’est que l’on a déjà vu ça quelque part. Plantons le décor : Fargo, Dakota, début des années 50. Un pilote voit une lumière dans le ciel qui se comporte de façon étrange. Il la pourchasse, puis se sentant menacé par elle il n’hésite pas à attaquer.

Une commission secrète de l’armée demande à un soldat et un scientifique d’enquêter sur le phénomène. Une enquête fortement guidée, puisque le résultat est déjà donné d’avance : il faut donner une explication rationnelle à l’événement.

Dès le début, on avance en terrain conquis, le scénario se contentant de reprendre des schémas traditionnels. Ainsi, le duo d’enquêteurs est constitué d’un soldat devant donner une explication rassurante et rationnelle, et d’un astrophysicien considéré comme farfelu dans sa profession et plus ouvert aux phénomènes extraordinaires. Cela aurait pu être intéressant si ce duo antithétique proposait deux voies sans en privilégier une, en laissant aux spectateurs la liberté de se faire leur propre idée. Mais dès le début, le scénario est orienté, puisque nous assistons à l’événement aux côtés de l’aviateur, et que les scènes en coulisse nous montrent une armée prête à tout pour effacer d’éventuels témoins. En bref, pas de doute ici : les extraterrestres sont parmi nous.

De plus, l’épisode déploie toute la panoplie classique du genre : militaires en roue libre ayant tous les droits, parano, surveillance secrète, base cachée, messages codés, etc. Presque trop d’événements pour un seul épisode…

Cependant, il faut admettre que notre scepticisme de spectateur cède petit à petit face à une réalisation plutôt bien faite, une très bonne reconstitution et un rythme maîtrisé. Plus l’épisode progresse, plus la tension dramatique s’accentue. Et finalement, si on n’a rien vu de révolutionnaire, on se dit qu’on jetterait bien un coup d’œil à la suite, juste pour se faire une meilleure idée…

La saison 1 est à voir sur Warner TV depuis le 21 octobre 2019, en attendant la saison 2 de la série Project Blue Book

3.5

Hervé Aubert